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Si on regarde une mappemonde, on trouve au milieu l’Océan Atlantique bordé des deux côtés par l’Europe et les États-Unis. C’est une approche occidentalo-centrée. Cela reflète une vision du monde façonnée et dominée par les puissances occidentales. Mais cela appartient au passé. Nous ne sommes plus des bâtisseurs d’empire. Une autre économie est en train de se développer à toute allure sans l’intervention des Occidentaux : c’est l’axe Istanbul-Jakarta.

Continent eurasiatique

Les années 1980 furent celles de l’intégration européenne. Les années 1990 furent celles de l’intégration nord-américaine avec l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Les années 2000, celle de l’émergence de l’axe économique Chine- États-Unis sur fond de rivalités croissantes. La prochaine décennie sera celle de l’intégration du continent eurasiatique. Pas un seul mois de ne passe sans l’annonce d’une nouvelle route commerciale, de la construction de nouvelles infrastructures ou la signature d’un accord commercial liant les économies de l’axe Istanbul-Jakarta. Si on trace une ligne droite sur une mappemonde reliant la métropole turque à la capitale de l’Indonésie, on trouve une population de 3,5 milliards d’individus, qui croît en moyenne de 1% par an, et qui a une des croissances des revenus les plus importantes au niveau mondial.

L’intensification des relations commerciales et des canaux de transport entre les pays émergents de cette zone s’explique par deux facteurs principaux :

  • Ils peuvent acheter toutes les matières premières dont ils ont besoin pour leur développement directement à la Russie dans leur monnaie locale, sans passer par le dollar américain.
  • Ils peuvent acheter des marchandises auprès de la Chine, soit en monnaie locale s’ils ont de bonnes relations avec Pékin, soit en renminbi.

Cela a eu un effet accélérateur important pour les économies de la région, comme l’Inde et l’Indonésie, qui ont vu leur dépendance aux financements en dollar se réduire et leurs coûts de financement diminuer.

Cela explique pourquoi, pour la première fois de l’Histoire, nous avons vu la Réserve Fédérale américaine enclencher un cycle agressif de hausse des taux sans que cela ne conduise à une crise des pays émergents. Au contraire, au cours des dernières années, les rendements en dollar des obligations des pays émergents ont, dans la plupart des cas, dépassé ceux des bons du Trésor américain ainsi que ceux des obligations européennes.

Un axe incontournable

La baisse des coûts de financement, qui résulte directement de la moindre dépendance au dollar, va conduire à une baisse des prix pour le consommateur final – un effet similaire à celui observé avec les accords de libre-échange. Ces accords sont également amenés à se développer, intensifiant au passage la demande pour davantage de dépenses en infrastructures qui seront financées dans de meilleures conditions de marché que par le passé. C’est déjà le cas en Inde, par exemple. Au cours des dernières années, l’Inde a mis en service 70 nouveaux aéroports et prévoit d’en construire 70 autres. Plus les infrastructures vont se développer pour connecter les villes et les pays entre eux, plus cela va tirer la croissance, la productivité et faire chuter les prix.

L’axe Istanbul-Jakarta est désormais incontournable pour les investisseurs et les entrepreneurs occidentaux. Mais, contrairement au passé, ils doivent comprendre qu’ils ne sont plus attendus comme le Messie. Pour la première fois depuis que Christophe Colomb a découvert Hispaniola (aujourd’hui Saint Domingue), le monde connaît une vague de mondialisation qui n’a pas besoin de banquiers occidentaux, d’ingénieurs occidentaux, de modes de transport occidentaux, de devises occidentales ou de technologies occidentales. C’est l’acte II de la mondialisation.

Christopher Dembik, Pictet AM

Author Christopher Dembik, Pictet AM

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