Thomas Planell, DNCA Investments.
Les participants au forum de Davos pensaient pouvoir se rassurer.
Après un mois de décembre historiquement chaud (1,47 degré au-dessus de la moyenne planétaire du XXe siècle) qui a fait chuter le mercure de la consommation mondiale de pétrole (-700.000 barils par jour le mois dernier !) et permis aux réserves européennes de gaz de boucler 2023 avec un taux de remplissage rassurant de 85 %, les températures renouent avec leur moyenne historique. Les canons à neige resteront donc muets au bord des pistes. Bonne nouvelle pour le bilan carbone de l’événement aux 1000 jets privés, dont on se rappelle l’épisode presque caniculaire de l’hiver 2022/23. C’était toutefois sans compter sur le tonnerre de l’artillerie iranienne qui a rappelé en urgence le premier ministre pakistanais à son pays, ou encore le tohu-bohu causé par les trois frappes de missiles houthis en mer rouge cette semaine.
Presque deux ans après l’offensive russe, Davos (dont le thème est cette fois ni plus ni moins que la congréganiste « reconstruction de la confiance ») inaugure finalement une nouvelle année plus dangereuse que la précédente sur le front géopolitique. De Gaza au nord de l’Irak, des côtes Yéménites au Baloutchistan pakistanais, les répercussions de l’embrasement au levant ne cessent de se propager au-delà de la région, affectant le commerce mondial et échauffant les esprits. Les produits pétroliers sur performent les marchés de matières premières (+4% pour le WTI depuis le début de l’année). Et de 1500 $ en octobre, le prix d’un container Asie – Europe du Nord flambe désormais à 4000 $. Rappelons-nous qu’historiquement, les perturbations logistiques sont de puissants déclencheurs d’inflation. La sortie de canal en 2021 du « Ever Given » nous en a « à jamais donné » la preuve… A ceci près qu’à l’époque, la croissance économique mondiale était bien plus vigoureuse qu’aujourd’hui. En nos temps autrement plus indolents, les entreprises risquent de rencontrer les plus grandes difficultés à passer aussi facilement les hausses de prix à leurs clients…
A commencer par les Français, qui ne devraient pas tarder à grogner une fois ressentie la hausse des tarifs de l’électricité et du gaz en février… et se montrer probablement parmi les premiers à faire mentir l’indice des anticipations d’inflation à un an du consommateur européen de la BCE. Ce dernier revenait ce 16 janvier à son plus bas niveau depuis un an et demi (3,2 % d’inflation attendue pour les 12 prochains mois).
N’oublions pas qu’en décembre, l’inflation américaine et européenne a surpris à la hausse. Peut-être peut-on penser que ces chiffres, le contexte géopolitique et les perturbations causées par la météo défavorable ne sont pas étrangers au rebond significatif des breakevens et swaps d’inflation américains depuis le début de l’année.
Les marchés obligataires semblent pour l’instant les moins couverts contre le froid que soufflent le rebond des anticipations d’inflation et les préoccupations budgétaires. A ce sujet, la prise de position du chancelier britannique Jeremy Hunt ou de la commission fiscale du Congrès américain en faveur de nouvelles baisses de taxes est intéressante. Les bonds vigilantes ne voient pas du même œil que les actionnaires ces transferts fiscaux favorables aux sociétés. Ce qui pourrait expliquer une partie de la pression haussière constatée sur les taux longs américains cette semaine et la sous performance de la classe obligataire (-3 % pour l’indice Bloomberg Global Aggregate depuis le début de l’année) face aux actions américaines et mondiales (- 0,8% pour le MSCI World). Les marchés actions européens commencent quant à eux l’année dans le rouge, inquiétés par de la vulnérabilité de l’Allemagne (dont l’économie s’est contractée de 0,3% en 2023) aux risques logistiques et aux ombres qui obscurcissent le tableau de la croissance chinoise.
A Davos, malgré l’annonce d’un hypothétique programme spécial d’émissions souveraines de 139 milliards de dollars, le Premier Ministre chinois Li Qiang a soufflé le froid en écartant l’hypothèse d’un stimulus budgétaire d’envergure. Quelques jours auparavant, la banque centrale tiédissait aussi les attentes des marchés, à l’affût d’une baisse des taux directeurs. Pas question pour les autorités de laisser entrevoir le moindre signe de faiblesse panique, alors que la croissance (5,2 %) satisfait l’objectif officiel du parti. Après tout, la consommation est résiliente et l’activité industrielle reste bien cadencée au rythme de la fuite en avant des exportations bon marché. Alors, à quoi bon faire du zèle ? Pour relancer la croissance démographique (négative en 2023 !) ? Ou contre carrer la déflation (la plus longue depuis 1999 !) ? On comprend, en regardant du côté du Japon ou de l’occident, que la Chine ne souhaite pas, pour une fois, s’inspirer de leurs plans !