Thomas Planell, DNCA Investments.
Clap de fin pour la saison de résultats d’entreprises.
Le rideau tombe, enveloppé par le murmure des soupirs de soulagement : le repli des bénéfices en Europe est moins grave qu’attendu. Les trois quarts des entreprises ont réussi à surprendre les attentes.
Le secteur des matières premières et l’industrie financière caracolent en tête des révisions positives de bénéfices. Le sentiment s’améliore tout particulièrement autour des sociétés de services aux entreprises et de distribution alimentaire.
Une fois faits les comptes, on constate que le MSCI Europe (pondéré par la capitalisation flottante de ses composants) parvient à battre de 8% les prévisions de croissance bénéficiaire. Une performance qui rappelle celle du premier trimestre l’an dernier, et qui mérite les applaudissements.
Les analystes quittent la salle avec optimisme. Pour les plus enthousiastes d’entre eux, l’année pourrait se clôturer par une croissance des profits autour de 8%. En plus de compter parmi les marchés les moins chers du monde, l’Europe bénéficie de la plus belle trajectoire de révisions bénéficiaires.
Les gérants s’interrogent : les indices européens progressent déjà de 8% depuis le début de l’année. Ils traitent au-dessus des cibles de la plupart des stratégistes. Les hypothèses de croissance bénéficiaire sont bien escomptées, il faut désormais de solides performances opérationnelles pour les prochains trimestres pour consolider l’avance. Un rebond des multiples de valorisation ne serait pas de trop. Après l’apothéose des résultats de Nvidia (qui contribue à elle seule à hauteur de 25% à la hausse du S&P500 depuis le début de l’année), il dépendra jusqu’à la prochaine saison de publications de la macro-économie et des décisions de politique monétaire.
Malheureusement, les derniers chiffres en Europe, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ne permettent pas de fermer la boite de pandore de l’inflation. En Allemagne, la hausse des salaires, plus élevée que prévu, met la pression sur la banque centrale. Si les entreprises n’acceptent pas de l’absorber dans leurs marges, la BCE craint un débordement de cette inflation sous-jacente dans l’économie. Depuis février, les attentes de baisse des taux BCE en 2024 reculent, de quatre à seulement deux anticipées pour l’année.
Aux Etats-Unis, les dernières enquêtes PMI pointent vers une économie qui reste résiliente. Mais en contrepartie, la composante prix de ces indicateurs inquiète.
Les entreprises interrogées ressentent un renchérissement des coûts en mai, à un rythme particulièrement rapide par rapport aux huit derniers mois. Dans le secteur tertiaire, ils sont notamment tirés par le coût du travail. Mais c’est surtout dans l’industrie que le rebond des prix des intrants est le plus marqué. C’est leur plus forte hausse mensuelle depuis un an et demi : hausse des métaux, des produits chimiques, du plastique, du bois de l’énergie et des salaires manufacturiers. Les entreprises envisagent davantage qu’en avril de devoir augmenter leurs prix de ventes.
Depuis trois mois, la plupart des matières premières sont en hausse. Gaz, argent, zinc, nickel, cuivre, étain, aluminium, jus d’orange, cacao, or, blé, platine : les rebonds s’affichent tous à deux chiffres. Cela sera-t-il visible dans les prochains chiffres d’inflation (Consumer Price Index) qui évoluent toujours sous leur moyenne à un an ? Au sein de la FED, un nombre croissant de gouverneurs envisage de fermer la porte à l’éventualité d’une baisse des taux cette année…