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Christopher Dembik, Senior Investment Adviser Pictet Asset Management.

Notez bien cette date dans votre agenda : le 26 avril, les agences de notation Moody’s et Fitch doivent rendre leur verdict sur la note de crédit de la France. En raison d’un déficit public qui s’est envolé à 5,5% du PIB en 2023 et qui n’a aucune chance de renouer avec la cible de 3% en 2027 – à moins de passer par une improbable cure d’austérité – la sanction paraît inévitable : la note de la France va être abaissée. Est-ce grave ? Du point de vue des marchés financiers, non. Nous allons beaucoup en entendre parler. Mais l’effet sur le coût de la dette française devrait être finalement faible. Cela s’explique par le « privilège exorbitant » dont bénéficie la dette française.

De quoi parle-t-on ?

Les OATs de la France sont de facto l’actif de réserve pour la zone euro puisqu’il n’y a tout simplement pas assez de Bunds pour répondre à la demande des acheteurs institutionnels. L’Allemagne investit peu, donc elle emprunte peu. Pour 2024, le programme d’émission de l’Allemagne est de seulement 76 milliards d’euros – soit presque quatre fois moins que la France (285 milliards d’euros). La France bénéficie d’un dysfonctionnement structurel du marché obligataire de la zone euro lié à la faiblesse des émissions allemandes. Ce n’est pas près de changer.

Il y a un deuxième paramètre à prendre en compte. La dette française est attrayante pour un investisseur extra-européen. Depuis des années, les OAT hedgées (avec couverture du risque de change) constituent une source de rendement stable et sûre pour les institutionnels japonais qui figurent parmi les principaux acheteurs étrangers. On retrouve en haut du classement le fonds d’investissement des retraites japonais – qui est l’équivalent du fonds souverain – et des banques comme Post Bank, une entité détenue en majorité par l’État japonais. Ni la dégradation prévisible de la note de la France, ni l’évolution au niveau des taux, ne devrait changer la donne. Nous pensons que les flux d’achat en provenance du Japon vont être stables dans les années à venir. Nous estimons que le coût de couverture devrait diminuer d’environ 200-220 points de base pour les investisseurs japonais d’ici deux ans, ce qui ferait que les obligations françaises seraient toujours compétitives, même en tenant compte des ajustements prévisibles de la politique monétaire.

Un bon payeur

Enfin, même si on peut douter que les investisseurs aient la mémoire longue, il faut rappeler que la France est plutôt un bon payeur…plus fiable même que l’Allemagne historiquement. Au cours des deux cents dernières années, la France a systématiquement honoré ses engagements, y compris lorsqu’il s’agissait d’indemnités de guerre. Par exemple, en tout et pour tout, la France a payé plus de 2000 tonnes d’or d’indemnités de guerre tout au long du XIXe siècle ! Elle rembourse la totalité, sachant que son potentiel économique est détruit par trois fois : lors de la Révolution, lors de la chute de l’Empire, lors de la guerre de 1870. Même l’Allemagne après les guerres mondiales n’a pas tout payé !

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas faire des efforts : mieux maîtriser la dépense publique, se focaliser sur l’efficacité de la dette publique, chercher à relancer la création de richesse en baissant les prélèvements obligatoires etc. Tout cela est nécessaire. C’est un débat qui doit avoir lieu. En revanche, cela ne sert à rien d’avoir un discours alarmiste. En 2014, l’ex-ministre du Budget et actuelle présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, avait estimé que la France risquait de se trouver « quasiment en cessation de paiement » si les taux d’intérêt venaient « par malchance » à augmenter. De tels propos n’ont pas résisté à la réalité…

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