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Thomas Planell DNCA Investments.

Pas de diable caché dans les détails des chiffres de l’inflation américaine.

Que ce soit la formule utilisée par la FED de Cleveland, celle « sticky » d’Atlanta, la core ou la supercore : les blockbusters du box-office des chiffres les plus suivis de l’année sont tous très nettement orientés à la baisse… et le consensus se resserre : ​ 70% des gérants sondés par Bank of America s’attendent à un repli significatif des rendements des obligations en 2024… Une année que les investisseurs espèrent voir enfin placée sous le signe de la détente obligataire.

Confortés par les signes d’un ralentissement de l’économie (production industrielle décevante, chiffres du chômage supérieurs aux attentes), les dernières séances nourrissent les espoirs d’un soft landing désinflationniste susceptible de permettre à la FED de ramener l’an prochain ses taux directeurs vers la neutralité. Depuis fin octobre, de concert avec les breakevens d’inflation, les taux à 10 ans se dégonflent : – 50 points de base en nominal, -20 points de base en réel. Il n’en faut pas plus aux marchés actions pour balayer du revers la saison de résultats la plus douloureuse depuis le premier confinement de l’économie mondiale.

Dopé par le repli des taux, le S&P500 s’arroge deux tours de multiples en quelques séances. Le rendement bénéficiaire des marchés européens revisite les 8%. A la recherche de beta et de duration, le marché revient sur les petites et moyennes capitalisations qui surperforment nettement les blues chips depuis l’épiphanie des chiffres américains… Au détriment des obligations d’Etat qui affichent leurs premiers flux négatifs hebdomadaires depuis février 2023 !

La surchauffe inflationniste mondiale semble derrière nous. Mais le chemin à parcourir pour atteindre les cibles des banques centrales empruntera fatalement la route d’une croissance économique sous pression. Pour 2024, elle pourrait être divisée par deux dans l’Eurozone et aux Etats-Unis où la dépense publique deviendra le principal moteur de résilience.

A sa façon, la Chine participe malgré elle à l’effort collectif : elle n’exporte pas d’inflation. Après leur rebond spectaculaire post COVID, les prix à la production se replient depuis octobre 2021 sous l’effet combiné d’une normalisation des prix des matières premières, d’aides étatiques tournées vers l’appareil productif plutôt que la consommation et de l’atonie du marché immobilier. Malheureusement, à défaut de battre haut la main sa cible officielle de croissance, la Chine pulvérisera en revanche son propre record d’émissions de CO2 cette année : plus de 3 milliards de tonnes par trimestre. La baisse des prix du charbon et la hausse des températures (pénalisante pour les capacités hydroélectriques servant la filière métallurgique) ont poussé les provinces à tirer au maximum sur les quelques 1000 gigawatts de capacité charbon. Fort d’un carnet d’ordres ferme de 243 GW, auquel pourraient s’ajouter les projets à l’étude (150GW), le parc installé croitra potentiellement de près de 40% dans les années à venir, en dépit des objectifs environnementaux du pays (qui aura installé 140GW de solaire cette année!) et au grand dam de la commission européenne qui présentait timidement ses doléances climatiques à Pékin cette semaine, en marge du ​ sommet sino-américain à San Francisco.

Dans le contexte actuel, tout progrès diplomatique est bon à prendre. Mais nous sommes encore loin de voir Biden, en lice pour 2024, jouer la fameuse « China Card » du duo Nixon-Kissinger qui permit huit ans plus tard, en 1979, un franc rapprochement entre le successeur de Mao, Deng Xiaoping et Jimmy Carter. Xi Jinping, qui assoit de plus en plus son pouvoir sur un totalitarisme sclérosant, pourrait bénéficier d’un rapprochement. Désormais fermement engagé au chevet de l’économie, il lui faut affronter la double défiance des investisseurs (pour la première fois depuis 1998, l’investissement direct étranger décroit au troisième trimestre!) et des consommateurs, dont la confiance et les perspectives sont au plus bas depuis 20 ans.

Cité par Evan Osnos, journaliste du New Yorker, dans un article fascinant (China’s age of malaise, 23 octobre 2023) ​ un entrepreneur local définit en un mot l’affliction qui parcourt des pans croissants de la jeunesse et de la classe moyenne du pays : le deuil. « Le deuil d’une époque passée exceptionnelle », l’absence de rêve et d’aspiration qui rappelle les tourments de la population soviétique dans les années 1970-80. ​ Mais contrairement à un Léonid Brejnev immobile, courroucé par l’occidentalisme de Mao, Xi Jinping dispose encore des moyens d’actions pour échapper au destin déclinant du dirigeant soviétique, comme l’affranchissement de la barrière très bruxelloise des 3% de déficit public pour relancer la consommation et favoriser la diversification de l’épargne populaire de l’immobilier vers les marchés financiers domestiques…

Mais les voies de Xi sont plus impénétrables que jamais. Le temps seulement nous dira si la démarche de rapprochement est authentique, ou si elle relève de la stratégie Brejnev, à qui Kissinger préta la formule suivante : « Nous les communistes devons nous rapprocher des capitalistes pour quelques temps. Nous avons besoin de leur technologie. Mais nous continuerons sur la voie de nos programmes militaires massifs… nous serons bientôt capables d’une politique étrangère bien plus agressive ».

Il n’en demeure pas moins que 2024 porte de nombreux espoirs : l’espoir d’une détente durable de l’inflation et des conditions financières, mais avant tout, l’espoir d’une détente géopolitique entre les deux principales puissances de la planète, en Europe de l’est, et au proche orient. Les populations auront plus que jamais la possibilité d’exprimer leurs vœux et leurs convictions. Car 2024 est d’ores et déjà une année historique : la moitié de la population mondiale sera appelée aux urnes l’an prochain, du jamais vu dans l’histoire. Souhaitons qu’en cette période agitée de repli de la démocratie, les citoyens répondent présents à l’invitation du suffrage et qu’il ne se livrent pas au fatalisme de l’absentéisme… Rien n’est joué d’avance. Et comme ironisait Brejnev : « le problème avec les élections, c’est que l’on ne sait jamais qui va gagner »…

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