Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
C’est le message que la Maison-Blanche et plusieurs pontes républicains, comme l’élu à la Chambre des représentants Byron Donalds, essaient de faire passer. Ça va être dur à court terme. Mais c’est pour le bien commun à long terme. Ce n’est pas sans rappeler la stratégie douanière américaine mise en œuvre entre 1789 et 1913. Les taxes douanières élevées, en particulier à l’égard de l’Europe, avaient pour objectif de protéger l’industrie naissante américaine et de remplacer en grande partie les impôts directs comme source principale de recette budgétaire.
C’est un pari risqué, notamment parce que le contexte économique est très différent – la mondialisation financière est passée par là. Pour l’instant, la politique tarifaire brouillonne de l’administration Trump contribue surtout à renforce l’incertitude des investisseurs et l’attentisme des entreprises et des ménages. Dans les enquêtes d’opinion, les anticipations d’inflation augmentent – pas à un niveau problématique, mais c’est à surveiller.
Surtout, cela renforce la volatilité des marchés financiers. Le VIX a rebondi de 52% en un mois*. Les devises connaissent une volatilité anormale : la paire EUR/USD, qui est plutôt stable, a évolué dans un range de 500 points la semaine passée contre 50 à 100 points en temps habituel. Pour ne rien arranger, l’indice S&P 500 a chuté sous le support clé des 5800 points la semaine passée. Depuis, il a un peu rebondi. On ne peut toutefois pas exclure une baisse plus prononcée afin que le marché trouve un nouveau support.
Tout cela incite à la prudence. Même si les actions européennes affichent une forme olympique, y compris le segment des petites valeurs, une chute prononcée des actions américaines finit tôt ou tard par se répercuter, parfois encore plus violemment, sur les actions européennes. C’est donc peut-être le bon moment pour se protéger. Comment ? En optant pour des stratégies long-short qui permettent de réaliser des performances peu importe l’orientation du marché, et en élargissant son allocation à d’autres classes d’actifs que les actions, par exemple les obligations des pays du Sud de la zone euro ou le private equity. Cela devrait vous permettre de faire le dos rond lorsque la tempête éclatera.
Perspectives
Cette semaine, l’attention du marché va se porter sur l’inflation américaine avec la publication des données pour le mois de février. Il faut absolument une bonne nouvelle, surtout après la hausse surprise de 0,4% sur un mois en janvier des prix à la production. Au niveau des prix à la consommation, il faut s’attendre à ce que le prix des œufs, qui est à un record historique en raison de la grippe aviaire, continue de plomber les statistiques. Dans la foulée, le marché monétaire pourrait encore ajuster ses prévisions de baisse des taux par la Réserve Fédérale. Il y a deux semaines, une seule baisse de taux était anticipée cette année. Désormais, trois le sont. Ça risque encore d’évoluer tant la lisibilité économique est faible à court terme.
Vous ne l’avez pas lu dans la presse
La semaine dernière, le FMI a publié une étude passionnante sur les entreprises technologiques cotées aux Etats-Unis et en Europe. Sa conclusion est implacable : au cours des deux dernières décennies, la productivité des entreprises américaines a augmenté de 40% tandis qu’elle est restée stagnante pour les entreprises européennes. En cause, un différentiel important de dépenses en innovation. Lorsque les entreprises européennes dépensent l’équivalent de 3-4% de leurs ventes en R&D, c’est 12% du côté des entreprises américaines. Une raison d’espérer un prochain rebond des valeurs technologiques américaines ?
*Données Bloomberg en date du 06 mars 2025.