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Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA   Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA ​ ​

Finalement, 2023 commence par les bonnes nouvelles qui se sont fait tant attendre l’an dernier.

Le prix du gaz naturel s’effondre en Europe.

L’inflation des prix à la consommation ralentit en zone Euro et aux Etats-Unis où Bullard (FED) estime que les taux courts s’approchent du niveau permettant d’endiguer la hausse des prix.

Poutine ordonne une trêve surprise.

Il y a quelques mois, ces développements encourageants auraient probablement galvanisé les marchés. Et pourtant, malgré leur forte baisse l’an dernier (la plus violente pour les actions mondiales depuis la crise de 2008 avec un repli en dollars de 19,8% pour le MSCI World All Countries), leur réaction est timorée.

Malgré la correction de 4 points de PER du S&P500, la valorisation de l’indice actions le plus suivi de la planète pose problème. Servant seulement 1,8% de dividende pour 5,5% de rendement bénéficiaire, elle est délicate à justifier face à un taux sans risque de 4%.

Le fort degré d’incertitude, la désynchronisation de la croissance économique de la planète, l’endettement des Etats tourmentent les investisseurs et les directions financières.

En 2023, la croissance mondiale reposera vraisemblablement sur les deux principaux foyers de peuplement émergents : l’Inde qui revoit à la hausse sa croissance pour l’année, et la Chine qui se décide enfin à vivre avec la Covid après trois ans d’une politique sanitaire digne d’une dystopie orwellienne. Face à ces mondes parallèles, la moitié de l’Europe et un tiers des pays de la planète pourraient rentrer dans une récession dont l’intensité dépendra de celle qui se produira aux Etats-Unis, si jamais elle se concrétise… Vendredi encore, le taux de chômage américain baissait fortement en décembre, pour revenir à 3,5%. Un pays peut-il être à la fois en plein emploi et en récession marquée ?

Tandis que la croissance mondiale ralentit, le stock de dette de la planète s’affranchit définitivement du record des 300 billions (10 12) de dollars atteints en 2021. Au gré des programmes de soutien et de relance qui continuent de se succéder les uns aux autres, la protubérance du passif souverain devrait soutenir les taux d’intérêt.

Après l’inflation reduction act (qui n’a de désinflationniste que le nom), le budget du gouvernement fédéral américain a d’ailleurs surpris à la hausse du côté des dépenses.

Sous nos tropiques de moins en moins tempérés, l’Italie (145% de dette en proportion de son PIB) est particulièrement fragile. Elle emprunte à 10 ans à un taux d’intérêt (4,6%) proche de la moyenne des entreprises européennes notées Investment Grade dont la charge de la dette pourrait doubler au gré des refinancements à venir…

Néanmoins, l’Europe (l’Eurostoxx 50 progresse de 4% depuis le début de l’année), moins chère et grande oubliée des allocations globales tire timidement son épingle du jeu et se distingue de la timidité des marchés américains. Au terme des 5 premières séances boursières de l’année, moins affectées par une sur concentration des capitaux sur des actifs à très faible rendement Outre-Atlantique, les bourses européennes surperforment.

La stabilisation de l’euro au-dessus de la parité rassure.

Les secteurs les plus fragiles au renchérissement de l’énergie retrouvent des couleurs.

L’exposition des entreprises européennes à la Chine est recherchée.

Finalement, la meilleure fortune de la bourse européenne, souvent considérée comme un « marché de reprise », augure-t-elle d’une année finalement moins maussade que prévue ?

Ainsi que l’acte d’investir, l’espoir, la foi dans le progrès demande de porter le regard au loin, au-delà de l’horizon que nos seuls nos sens rendent perceptible. Aujourd’hui, plus que jamais, nos sens nous alarment. Notre environnement immédiat, le théâtre de nos facultés empiriques, déroule, des incendies estivaux aux températures hivernales effroyablement clémentes, le tapis de scène du spectacle accablant d’un temps qui semble désormais jouer contre nous.

Ainsi que le note l’académicien Erik Orsenna, passionné des mers et des rivières, dans son dernier ouvrage, d’ici trente à quarante ans, si le réchauffement climatique ne dépasse pas 2°C, les réserves aquifères du bassin de la Garonne, ne représenteront plus que 50% de sa consommation actuelle. D’ici à ce que la dernière découverte de l’université d’Harvard ne permette de soigner le cancer ou que la fusion nucléaire devienne une réalité, l’eau pourrait devenir une denrée rare en France !

Quant à l’objectif du net zéro en 2050, il présuppose l’extraction, en 30 ans, de plus de métaux que les hommes n’en ont jamais tirés de terre depuis qu’ils ont appris l’alphabet.

En attendant la fusion, combattre le mal climatique passera par un autre mal : celui de la privation. A la sobriété énergétique devrait succéder la sobriété de la consommation… Pour les investisseurs, toute la question est désormais de savoir si cette exhortation à la modération s’applique aussi aux rendements qu’ils tirent de leurs actifs financiers…

KFI

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