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Laurent Denize, Co directeur des investissements, ODDO BHF AM.

Sous-performance récente des petites capitalisations européennes

Il est bien établi par la théorie financière (Fama & French) et des observations empiriques que, sur une longue période, les petites capitalisations européennes (« Small Caps ») surperforment les grandes capitalisations (« Large Caps »). Cependant, sur les deux dernières années, nous avons assisté à une inversion de cette tendance : à fin mai 2023, le MSCI Europe Small Cap NR enregistre ainsi une performance cumulée 2 ans de -13% contre +12% pour le MSCI Europe Large Cap NR. Les petites capitalisations affichent par ailleurs actuellement une décote de 33% par rapport aux grandes capitalisations.

Essayons de comprendre les raisons de cette sous-performance :

Premièrement, il est important de croire en des perspectives de croissance favorables pour investir dans les « Small caps ». En effet, les bénéfices de ces sociétés sont très sensibles à l’activité économique, avec un multiple estimé de 4 fois la croissance nominale.

Deuxièmement, tout resserrement des politiques monétaires a un impact négatif sur la capacité de financement de ces entreprises car le coût du capital des petites capitalisations augmente beaucoup plus rapidement que celui des grandes capitalisations, ce qui réduit leur capacité bénéficiaire relative.

Troisièmement, la performance relative des « Small caps » est étroitement liée à la liquidité. Or, les banques centrales sont passées d’une politique d’injection de liquidités et d’expansion de leur bilan à un assèchement de cette liquidité. Il est également important de souligner que les actions de petites capitalisations amplifient les mouvements du marché, à la baisse comme à la hausse. Par exemple, les petites capitalisations européennes ont rebondi d’environ +90% un an après la baisse provoquée par la crise des « subprimes », et les micro-capitalisations européennes ont enregistré une performance de +115% en un an après la chute engendrée par la crise du COVID-19. Notre propos n’est pas de dire qu’en absolu, les actions de petites capitalisations rebondiront massivement, mais plutôt de souligner que par rapport aux « Large Caps », nous observons un point d’entrée intéressant pour un retour à la moyenne significatif.

Retour sur des niveaux de valorisation attractifs

Premièrement, le ratio P/E des petites capitalisations européennes a considérablement diminué au cours des 5 dernières années (16.7 en 2018 contre 13.2 aujourd’hui) tandis que celui des grandes capitalisations européennes est resté relativement stable (13.7 en 2018 contre 12.5 aujourd’hui).

Deuxièmement, au regard de la dynamique des séquences bénéficiaires, le consensus des analystes pour les « Small Caps » s’établit à +27% pour 2023 et +16% pour 2024 contre respectivement 0% et +7% pour les « Large Caps ». La question est désormais de savoir si le consensus n’est pas trop optimiste. Notre analyse historique montre que les anticipations sont souvent trop généreuses mais uniformes entre les grandes capitalisations et les petites capitalisations, puisque révisées de manière équivalente de près de -5%chaque année. Notre conviction de se repositionner sur les « Small Caps » reste donc tout à fait recevable puisqu’il s’agit de jouer tout autant la convergence vers les « Large Caps » que la performance absolue dans le cas présent.

Troisièmement, les « Small Caps » ont pleinement intégré la hausse du coût du capital avec des multiples de valorisation EV/EBITDA (Valeur d’Entreprise rapportée à l’Excédent Brut d’Exploitation) de 8 fois, soit les niveaux constatés en 2009.

Notre scénario macro-économique valide un repositionnement très progressif sur les « Small Caps » européennes

Malgré la forte volatilité, les petites capitalisations constituent aujourd’hui une opportunité intéressante. Rappelons notre positionnement actuel : nous sous-pondérons légèrement les actions en raison des éventuelles répercussions économiques négatives du resserrement des conditions de crédit. Nous recommandons d’être très sélectif dans le choix des actions afin d’éviter l’engouement excessif pour certaines parties du marché. Nous privilégions les actions présentant des multiples de valorisation raisonnables, des fondamentaux solides et des perspectives de croissance supérieures à celles de la moyenne du marché.

Ce positionnement reflète un contexte de marché particulier, où la dichotomie entre les signaux envoyés par les entreprises (plutôt positifs) et les signaux macro-économiques (plutôt négatifs) pourrait persister pendant quelques mois. En effet, bien que la robustesse du marché du travail ne semble pas altérer l’optimisme des entreprises et la confiance des ménages en matière de consommation pour le moment, nous pensons que cet environnement devrait évoluer de manière moins favorable au cours des prochains mois. Cependant, nous pensons que le resserrement des conditions de crédit dans la zone euro a déjà été pris en compte, ce qui réduit le risque de surprise pour les investisseurs en cas de récession potentielle dans la zone euro. Par ailleurs, nous approchons des taux terminaux des banques centrales. Ainsi, une stabilisation des conditions financières pourrait stimuler la performance des petites capitalisations. De plus, nous observons une amélioration des conditions de marché pour les petites capitalisations européennes, avec une liquidité bancaire moins tendue en Europe qu’aux États-Unis. Enfin, dans un contexte où la croissance organique devient plus difficile à générer, les entreprises rechercheront cette croissance à travers des opérations externes. Des opérations récentes telles que Rovio, Dechra ou Majorel se négocient en moyenne avec une prime de 30% à 50% par rapport au cours de clôture. Les acteurs stratégiques tirent parti d’une valorisation particulièrement attractive et d’un effet relutif quasi immédiat sur leurs bénéfices. Cela constitue une force incitative considérable, malgré la récente hausse des coûts d’endettement. Le rendement marginal reste très favorable à ce type de fusion.

En conclusion, la conjoncture pourrait se détériorer au cours des prochains mois, ce qui ne justifie pas un investissement massif sur les « Small Caps ». Toutefois, la promesse d’un rendement réel positif (déduction faite de l’inflation) est séduisante, tout comme les niveaux de valorisation actuels. Ainsi, les investisseurs long terme peuvent déjà envisager un réalignement de leurs positions, au prix d’une forte volatilité et d’une liquidité limitée.

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