Par Frédéric Stolar, Managing Partner d’Altaroc
Le Private Equity, en tant que classe d’actifs, offre des rendements historiquement attractifs. Selon les données de PitchBook, les meilleurs fonds atteignent des performances nettes de 22 % par an sur des horizons d’investissement de 10 ans ou plus. Ces résultats impressionnants reposent sur des mécanismes précis et une approche rigoureuse, combinant alignement des intérêts, gouvernance renforcée et optimisation opérationnelle.
L’un des fondements du Private Equity réside dans l’alignement étroit des intérêts entre les investisseurs, les fonds et les dirigeants des entreprises rachetées. Contrairement aux entreprises cotées, où les dirigeants ne détiennent souvent qu’une part marginale du capital, les managers des entreprises sous LBO (leveraged buy-out) co-investissent de manière significative, avec des montants pouvant atteindre l’équivalent de 18 mois de salaire. Ce type d’investissement personnel favorise une implication directe dans la réussite de l’entreprise, renforcée par des mécanismes de partage des gains, comme les options ou actions gratuites, permettant aux managers de bénéficier d’une partie de la plus-value générée. Dans certains cas, cette participation peut représenter jusqu’à 20 % de la valeur créée. Du côté des fonds eux-mêmes, l’alignement se matérialise par le système des « carried interests », ou intérêts promoteurs. Les équipes de gestion ne perçoivent une rémunération variable que si les rendements dépassent un seuil fixé, généralement autour de 8 %. Ce modèle garantit que les performances des fonds sont directement corrélées aux objectifs des investisseurs finaux, qu’il s’agisse d’institutions, de family offices ou d’investisseurs individuels.
La gouvernance proactive est un autre pilier central du Private Equity. Contrairement aux sociétés cotées, où les actionnaires, souvent dispersés, disposent d’un contrôle limité sur les opérations, les fonds de Private Equity exercent un rôle actif dans la stratégie et la gestion des entreprises en portefeuille. Dès la prise de participation, un business plan détaillé est élaboré, fixant les objectifs stratégiques, opérationnels et financiers sur la durée de l’investissement, qui s’étend généralement sur cinq à sept ans. La mise en œuvre de ce plan fait l’objet d’un suivi rigoureux à travers des conseils d’administration réguliers, mensuels ou trimestriels. Les fonds mobilisent également un réseau d’experts sectoriels pour accompagner les entreprises dans des domaines spécifiques, comme la transformation digitale, l’optimisation des coûts ou l’expansion internationale. Cette approche alliant vision stratégique et expertise technique permet d’identifier rapidement les leviers de croissance et de remédier aux éventuelles faiblesses.
En parallèle, les entreprises doivent se conformer à des exigences de reporting strictes, en fournissant des données précises et fréquentes sur leur performance financière, leur trésorerie, leurs investissements et leurs opérations. Cette transparence renforce la capacité des fonds à réagir rapidement en cas de déviation par rapport aux objectifs fixés, et constitue un atout majeur pour sécuriser les investissements.
La création de valeur opérationnelle constitue le troisième levier clé du Private Equity. Une fois les entreprises intégrées dans leur portefeuille, les fonds mettent en œuvre des plans de transformation destinés à améliorer leur rentabilité et à stimuler leur croissance. Cette création de valeur prend souvent la forme d’une optimisation des coûts. Par exemple, lors d’acquisitions complémentaires, des synergies sont identifiées, comme la mutualisation des fonctions administratives ou la négociation de contrats d’approvisionnement communs, ce qui génère des économies significatives. Cependant, le Private Equity ne se limite pas à réduire les coûts : des investissements stratégiques sont souvent réalisés dans l’innovation, les technologies et les ressources humaines, renforçant ainsi la compétitivité des entreprises à long terme.
De plus, les fonds apportent leur soutien aux entreprises dans leur expansion géographique ou sectorielle, en fournissant les ressources nécessaires pour pénétrer de nouveaux marchés ou diversifier leurs activités. Ces initiatives permettent non seulement d’augmenter les revenus, mais aussi de réduire les risques liés à une trop grande dépendance à un seul marché ou produit. Enfin, l’adoption de solutions digitales joue un rôle majeur dans la transformation des entreprises, qu’il s’agisse d’automatiser des processus, d’améliorer l’expérience client ou de renforcer la cybersécurité.
L’attractivité du Private Equity auprès des investisseurs institutionnels et particuliers s’explique par ces mécanismes bien huilés. En 2023, les montants levés par les fonds de Private Equity ont dépassé les 1 000 milliards de dollars au niveau mondial, selon Preqin. Cette dynamique reflète les rendements solides de cette classe d’actifs, mais aussi sa capacité à offrir une diversification intéressante par rapport aux marchés traditionnels. Toutefois, il est essentiel de rappeler que le Private Equity n’est pas sans risques. La concentration des investissements sur un nombre limité d’entreprises, l’utilisation de l’effet de levier et la dépendance à la conjoncture économique peuvent entraîner des contre-performances.
Pour les investisseurs particuliers, l’accès au Private Equity requiert une bonne compréhension des mécanismes, une sélection rigoureuse des fonds et un horizon d’investissement suffisamment long pour supporter les éventuelles fluctuations. Ces précautions sont d’autant plus importantes que l’illiquidité de cette classe d’actifs implique une immobilisation des capitaux pendant plusieurs années.
Le Private Equity, en s’appuyant sur des mécanismes spécifiques et une gestion active, continue d’attirer des capitaux significatifs. L’alignement des intérêts, la gouvernance renforcée et la création de valeur opérationnelle constituent les fondations de ce succès. Si cette classe d’actifs exige une gestion rigoureuse et une implication constante, elle offre des opportunités uniques pour les investisseurs prêts à accepter un niveau de risque maîtrisé. En fin de compte, le Private Equity incarne une approche stratégique qui ne se contente pas d’accompagner les entreprises, mais les transforme en moteurs de croissance et de performance.