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Didier Bouvignies, Associé-Gérant, Directeur des gestions Rothschild & Co Asset Management.

Depuis le début de l’année, l’évolution des marchés traduit de nouveau une très forte surperformance du marché américain par rapport au reste du monde. Comment justifier cet écart dont l’amplitude s’est encore accrue au cours des dernières semaines ?

En cette seconde partie d’année, le marché américain bat successivement ses propres records, dépassant assez nettement les précédents points hauts atteints au mois de mai, quand l’Europe et l’indice mondial, hors États-Unis, n’y parviennent pas. L’écart de performance qui en résulte est d’environ 10 % à l’avantage du marché américain depuis la mi-mai1.

Cette évolution boursière est d’autant plus impressionnante qu’on assiste depuis mi-juin à des révisions en baisse sur les bénéfices des sociétés du S&P 500 attendus pour le troisième trimestre. De plus, elle s’inscrit dans un mouvement de hausse des taux avec une progression de 60 points de base (pdb) des obligations américaines à 10 ans par rapport à leur plus bas de mi-septembre1. Ces très bonnes performances et l’écart qui en résulte avec le reste du monde s’expliquent notamment par de fortes divergences sur le plan macroéconomique.

Depuis la baisse de taux de 50 pdb de la Fed survenue le 18 septembre dernier, les données économiques américaines témoignent d’une certaine vigueur, que ce soit au travers des créations d’emploi, du rythme d’inflation et, plus récemment, des ventes au détail. À ces données s’ajoutent, la donne politique et la remontée de Donald Trump dans les sondages à l’approche du scrutin présidentiel américain. Ce facteur peut notamment expliquer les tensions sur les taux d’intérêt à 10 ans, mais également leur faible impact à court terme sur les actions, lié à l’espoir de baisse du taux d’impôt des sociétés promise par le candidat républicain.

En Europe, les données macroéconomiques démontrent une poursuite de la stagnation. Les trois grands pays – Allemagne, France et Italie – restent pénalisés par un secteur industriel à la peine. Par ailleurs, en dépit d’un montant d’épargne accumulée par les ménages conséquent, la consommation reste en berne, sans doute par crainte d’une dégradation du marché de l’emploi, mais surtout, en raison des mesures prises par les autorités budgétaires pour converger vers leurs engagements de déficit auprès de la communauté européenne. Dans cette période, seuls l’Espagne et le Portugal témoignent d’un certain dynamisme.

Dans le même temps, de part et d’autre de l’Atlantique, les bénéfices des entreprises ont fortement progressé, de plus de 40 % par rapport à fin 20191, portés par la capacité de ces dernières à reporter dans les prix, la hausse des coûts des matières premières, puis des salaires. En revanche, il semble que sur la période récente, la désinflation observée dans un contexte marqué par une certaine résilience des salaires tend à entraver leur aptitude à générer une croissance des résultats et à maintenir leurs marges.

Sur la base des valorisations du marché américain, s’élevant actuellement à 22x les bénéfices attendus pour l’année 2025 – en hausse de 15 % – les investisseurs paraissent extrêmement optimistes1. Le même constat peut être fait vis-à-vis des espoirs autour d’un retour rapide des taux américains à la neutralité, de l’ordre de 3 %2. À plus forte raison si l’activité continue de se maintenir dans un contexte de négociations salariales tendues et à la veille d’une élection majeure. Pour justifier ces valorisations sur les actions américaines, il faudrait que l’intelligence artificielle puisse générer rapidement des gains de productivité significatifs.

En Europe, reste à mesurer les conséquences d’un assainissement budgétaire nécessaire concomitant aux besoins d’investissement dans la transition climatique et la défense sur la croissance, au moment où les États-Unis pourraient ériger de nouvelles barrières douanières. De même, on peut se demander si une meilleure gestion des finances publiques serait de nature à engendrer un « effet Ricardien », à savoir, un dégonflement de l’épargne accumulée durant la « période Covid » permettant de favoriser un retour à une consommation plus en ligne avec ses niveaux historiques.

(1) Source : Bloomberg, 25/10/2024. 

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