Désinversion
César Pérez Ruiz, CIO et responsable des investissements, Pictet Wealth Management.
REVUE HEBDOMADAIRE
Les marchés sont restés concentrés sur les indicateurs la semaine dernière, notamment aux Etats-Unis, où la faiblesse du secteur manufacturier et des créations d’emplois a semé le doute. Les investisseurs se sont en effet montrés préoccupés par des créations d’emplois non agricoles décevantes en août, sans compter les révisions à la baisse des statistiques des deux mois précédents. Les inquiétudes concernant l’économie ont éclipsé la promesse d’une première baisse des taux de la Fed et l’indice S&P 500 a chuté de 2,4% (en dollars). Les petites capitalisations américaines n’ont pas réellement bénéficié de la baisse des rendements souverains, le Russell 2000ii reculant de 1,5% (en dollars), tandis que l’optimisme à l’égard du secteur technologique s’effritait, entraînant un plongeon du Nasdaqiii de 5% (en dollars). Les emprunts d’Etat ont été les grands gagnants. Les rendements des bons du Trésor américain à deux ans ont chuté et l’inversion de la courbe des taux entre le 2 ans et le 10 ans a pris fin, alors que les marchés peinent à évaluer l’ampleur de l’assouplissement monétaire d’ici la fin de l’année. Les cours du pétrole ont encore reculé, tandis que la chute des rendements américains soutenait l’or.
CITATION DE LA SEMAINE
«Le rapport sur l’emploi du mois d’août (…) témoigne de la poursuite du ralentissement du marché du travail», a déclaré le gouverneur de la Réserve fédérale Christopher Waller. «Je ne pense pas que l’économie soit en récession ou qu’elle se dirige nécessairement vers une récession à court terme.»
INDICATEURS CLÉS
L’économie américaine a créé 142 000 emplois non agricoles en août (un chiffre inférieur aux prévisions), tandis que les créations d’emplois de juillet étaient révisées à la baisse à seulement 89 000. Le taux de chômage est passé de 4,3% à 4,2%, alors que le salaire horaire moyen augmentait de 3,8% en rythme annuel, contre 3,6% en juillet. L’indice ISM des directeurs d’achat du secteur manufacturier a progressé à 47,2 en août (46,8 en juillet), tout en demeurant en territoire de contraction. L’indice ISM des services, en revanche, s’est établi à 51,5 en août. Les commandes d’usines aux Etats-Unis ont augmenté de 5% en juillet par rapport au mois précédent et de 0,4% en glissement annuel.
Les commandes d’usines allemandes ont également dépassé les attentes en juillet, augmentant pour le deuxième mois consécutif (+2,9%). Mais la production industrielle allemande a chuté de 2,4% par rapport à juin et de plus de 5% par rapport à l’année précédente. Au niveau de la zone euro, la croissance du PIB au deuxième trimestre a été révisée de 0,3% à 0,2%.
En Chine, l’indice Caixin des directeurs d’achat (PMI) du secteur manufacturier a bondi à 50,4 en août (49,8 en juillet), tandis que le PMI des services reculait de 52,1 à 51,6.
ANALYSE DES MARCHÉS
La fin de l’inversion de la courbe des taux américains montre que les investisseurs anticipent désormais un assouplissement rapide de la Fed. Nous tablons sur trois baisses des taux de 25 pb cette année. Mais la chute des cours du pétrole constitue un facteur de désinflation supplémentaire qui pourrait donner plus de latitude aux banques centrales. L’Opep+ a réagi en retardant la hausse de production qui était programmée.
Les anticipations de BPA et les valorisations des entreprises semblent excessives et nous sous-pondérons désormais les actions, tout en surpondérant les emprunts d’Etat américains.
En ce qui concerne la politique monétaire, la réunion de la BCE prévue cette semaine fournira des indications sur la trajectoire des taux envisagée. Aux Etats-Unis, le débat en vue de l’élection présidentielle de mardi sera important, car les candidats proposent des politiques divergentes, y compris en matière de fiscalité. En Allemagne, la vigueur régionale de l’extrême droite menace la coalition fédérale et les projets de Volkswagen de fermer certaines usines allemandes renforcent le malaise. De son côté, la Chine envisage d’abaisser les taux sur 5,3 milliards de dollars de prêts hypothécaires afin de soutenir son économie.