Skip to main content

Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.

Inutile d’attendre la clôture de 2024 pour départager les gagnants des perdants de l’année. Le constat est sans appel : la classe d’actif crédit est la grande gagnante en termes de flux. Les chiffres ne laissent aucune place au doute avec des capitaux entrants de 357 milliards de dollars à fin novembre, un record !

Au regard de son caractère précurseur des mouvements de baisse des marchés actions, cette classe d’actif fait figure de « canarie dans la mine » dont le rôle est de prévenir un potentiel coup de grisou. La dynamique de flux ne laisse pas augurer d’un tel évènement à court terme.

L’attractivité du crédit peut être expliquée par le couple rendement / « soft landing ». En effet, le fameux atterrissage en douceur de l’économie est le scénario favorisé par une majorité d’investisseurs (55% selon le dernier sondage de Bank of America). Celui-ci permet d’anticiper un risque de défaut qui reste contenu pour les entreprises dont les bilans sont en moyenne solides (2,1xdette nette/EBITA pour le gisement « Investment Grade » mondial). Gardons en tête que sur longue période, le taux de défaut des obligations d’entreprise de qualité (IG) est en moyenne de … 0.1% et de 4% pour les signatures plus risquées (« High Yield »).

Au-delà de ce risque limité de défaut, le rendement moyen offert de 3% en Europe pour la catégorie IG reste attractif pour les stratégies de portage. Il l’est d’autant plus dans la perspective d’une poursuite de la baisse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne. Pour rappel, les marchés anticipent un taux terminal de 1,75% en Zone Euro à mi-2025. Prévision confortée par Philippe Lane, chef économiste de l’institution européenne qui a déclaré récemment : « le caractère restrictif reste donc toujours présent, selon moi. Nous ne nous engageons pas à l’avance sur un rythme de baisse précis mais, nous devrons progressivement réduire nos taux. La politique monétaire ne devrait pas rester restrictive trop longtemps ».

En revanche, il serait naïf de ne regarder le crédit qu’à travers les lunettes roses, pour reprendre de manière littérale (et maladroite) l’expression anglosaxonne. En effet, les « spreads » * qui sont l’un des moteurs de performance de cette classe d’actif sont sous la moyenne historique de long terme : 105bp actuellement contre une fourchette 10 ans de 73/247bp pour l’IG européen. Les phases prolongées de spreads serrés ne sont pas inhabituelles (2004/2007 ou encore 1993/98), mais cela doit inciter les investisseurs à faire preuve de réactivité pour se couvrir de manière opportuniste du risque d’écartement.

Les investisseurs devront également savoir s’éloigner des indices de référence pour éviter les risques idiosyncratiques. Altice en est un cas d’école : la société dirigée par Patrick Drahi, maison mère de SFR, est rentré dans un bras de fer avec ses créanciers après leur avoir demandé de participer à la restructuration de la dette monumentale du groupe (24 milliards d’euros pour un EBITDA prévisionnel de 3.35 milliards en 2024 !).

Fort de ces deux recommandations, les investisseurs pourront encore considérer cette classe d’actif dans leurs allocations en 2025. En miroir, les actions européennes sont le parent pauvre de 2024, avec une décollecte d’un montant total de 61 milliards de dollars (dont 14 milliards depuis l’élection américaine). Le profond désamour des investisseurs se retrouve dans la sous performance historique par rapport aux Etats-Unis : ​ 20% d’écart entre le Stoxx Europe 600 et l’indice S&P 500 cette année, il faut remonter à 1976 pour trouver pire ! 

En conséquence, la valorisation de la zone se retrouve deux écarts type sous la moyenne de long terme par rapport au marché américain (sur base sectorielle neutre pour gommer les biais). Cela fait des actions européennes un investissement contrariant par excellence, au moment même où le président de la Bundesbank appelle à un changement de doctrine budgétaire dans son pays…

*Ecart de rendement entre celui d’une obligation d’entreprise et le taux d’Etat.

EFI

Author EFI

More posts by EFI