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Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.

La réalité économique freine la guerre commerciale : samedi 12 avril, les États-Unis ont mis à jour leur liste de droits de douane à l’encontre de la Chine. Une liste de produits électroniques (ordinateurs portables, semi-conducteurs, téléphones, serveurs) est désormais exemptée de droits de douane réciproques. C’est une excellente nouvelle pour les fabricants d’électronique grand public, comme Apple.

La Chine applique également des droits de douane plus restreints que prévu avec des exclusions sur les semi-conducteurs qui font que TSMC ne sera pas concerné et donc les commandes d’Intel ne le seront pas non plus.

Un tournant majeur pour les marchés s’est produit vendredi : la Réserve fédérale « serait absolument prête » à déployer ses moyens pour stabiliser les marchés financiers en cas de perturbations, selon Susan Collins, présidente de la Fed de Boston. Elle a déclaré que « les marchés continuent de bien fonctionner » et que « nous ne constatons globalement aucun problème de liquidité ». Elle a toutefois précisé que la banque centrale « dispose d’outils pour répondre aux inquiétudes concernant le fonctionnement des marchés ou la liquidité, le cas échéant ». Cela valide notre scénario central : faible probabilité d’une baisse des taux en urgence par la Fed qui semble inopportune dans un contexte d’inflation élevée, mais possibles mesures de liquidité si nécessaire (opération de repo, achats de bons du Trésor sur une courte période, baisse temporaire du ratio de levier supplémentaire des banques etc.).

La dégradation de la liquidité est le principal risque à court terme : aucun segment de marché n’est épargné. Les spreads bid-ask, les carnets d’ordre et les volumes de transaction sur le S&P 500 confirment que la liquidité est en chute libre. Seule bonne nouvelle, elle est supérieure à son point bas de 2020. Autre motif d’inquiétude, le taux SOFR est supérieur au taux pour les contrats à terme sur les fonds fédéraux. C’est une anomalie qui signale un stress élevé sur les financements garantis (le SOFR est garanti par les bons du Trésor). Depuis début 2025, l’écart entre le taux SOFR et les contrats à terme sur les fonds fédéraux est passé de -0,025 à +0,040. Cela peut paraître peu. Pourtant, les conséquences sont importantes. Cela met sous pression les fonds spéculatifs américains qui empruntent au taux SOFR pour acheter des contrats à terme sur les fonds fédéraux. Cette opération est habituellement considérée à faible risque puisque le taux SOFR est généralement inférieur au taux des contrats à terme sur les fonds fédéraux. Ce n’est plus le cas. Conséquence, les fonds spéculatifs sont confrontés à des problèmes de liquidité, à des pertes importantes et des appels de marge de la part des prime brokers. Cela s’ajoute aux pertes subies par certains fonds sur leurs positions longues sur les actions technologiques américaines.

La faible volatilité rime avec forte volatilité : au cours des derniers jours, j’ai échangé avec des responsables de marché dans plusieurs banques centrales qui confirment la très forte volatilité de tous les marchés. Les transactions importantes peuvent entraîner des fluctuations de prix cinq fois supérieures à la moyenne enregistrée, particulièrement sur les devises, les taux des pays du G10, les actions et le crédit à haut rendement. C’est totalement anormal. C’est le cocktail parfait pour un accident de marché pouvant entraîner des conséquences systémiques. Ce n’est pas notre scénario central. Mais nous sommes clairement au bord du précipice. Soit la situation se stabilise d’elle-même, avec un peu d’aide de la Fed et/ou de la Maison Blanche, soit nous risquons une crise de liquidité. Nous serons certainement fixés dans les jours à venir.

À surveiller cette semaine :

*L’évolution du marché obligataire américain.Jeudi dernier, nous avons eu un bond de 25 points de base du taux de rendement à 10 ans en vingt minutes. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Mais c’est un signal d’alerte qui a d’ailleurs obligé l’administration Trump a mettre de l’eau dans son vin concernant les droits de douane.

*Une possible opération de liquidité de la Fed, particulièrement en direction des banques régionales américaines qui sont le maillon faible connu du système financier américain.

*Les opérations de refinancement du Trésor américain qui vont servir de test de confiance au marché. Est-ce que les investisseurs seront au rendez-vous en dépit de l’imprévisibilité de l’administration Trump et des craintes de dévaluation du dollar ?

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