Thomas Planell, Gérant – analyste DNCA Investments.
A contrepied de la semaine précédente, exaltés par des chiffres d’inflation nettement sous les attentes, les marchés se remettent à croire en la victoire des démiurges de la politique monétaire sur l’ennemi public numéro un : l’inflation.
Aux Etats-Unis, l’inflation core progresse à son rythme le plus faible depuis la sortie des confinements.
Pas de diable caché dans les détails de cette publication : tout pointe réellement en faveur d’une véritable décélération des prix. Seul bémol : l’effet de base sera moins favorable pour les prochaines publications.
Même lecture du côté de la seconde puissance économique de la planète. En juin, l’indice des prix à la consommation en Chine affiche une croissance nulle en rythme annualisé, au plus bas depuis février 2021. Le repli de l’énergie mais aussi des composants « core » compensent largement le rebond des prix du porc (qui représentent actuellement 1,5% de l’indice). Surtout, les prix à la production sont en fort repli (plus de 5%!).
Après six mois de nette sous performance, les marchés de métaux industriels se stabilisent depuis une semaine. Le minerai de fer, composant essentiel de la production de l’acier, fragilisé par une production inélastique et un repli des permis de construire et des nouveaux projets en Chine parvient à s’éloigner soudainement du seuil symbolique des 100 dollars la tonne. Le cuivre, qui a mieux résisté en raison de stocks faibles, de son utilisation en phase de finalisation des chantiers et des besoins de l’électrification se rapproche des 8700 dollars au London Metal Exchange. L’aluminium progresse de 6% en une semaine. Dans l’ensemble, les métaux industriels bouclent leur plus forte progression hebdomadaire depuis 6 mois, accompagnés par le pétrole en hausse de 9% en juillet.
Considérée par les investisseurs comme un instrument de protection contre l’inflation, il peut-être étonnant de voir la classe d’actifs répondre positivement à son repli. En réalité, outre les attentes de stimulus que devrait annoncer prochainement le Politburo chinois , les matières premières profitent tant du passage du Dollar Index pour la première fois de l’année sous le niveau symbolique de 100 que de l’appétit pour le risque que cette chute instantanée illustre.
Désormais enclins à penser que la mission de la FED est accomplie, les marchés révisent à la baisse leurs anticipations de hausse des taux, tempérant le rallye haussier du billet vert. L’optimisme se diffuse des actions globales ( les flux accélèrent : 570 milliards en 7 semaines selon Bank of America), au crédit (la prime de de l’assurance contre le risque de défaut de signature investment grade est au plus bas depuis février 2022) jusqu’au obligations souveraines ukrainiennes qui montrent les premiers signe d’un regain d’intérêt depuis le début du conflit.
Victoire contre l’inflation, soft-landing, fin de la guerre en Ukraine… Les marchés, et notamment les valeurs technologiques se focalisent à nouveau sur le positif sans s’émouvoir des quelques 100 milliards de dollars qu’à elles seules la FED et la BCE retranchent chaque mois à la liquidité mondiale. La perspective de la clôture de ce cycle économique par un choc de type 2008-2009 s’éloigne. L’intensité pourrait être inférieure à celle du déclin des années 2001-2002, récession finalement peu ressentie par le consommateur européen. La bonne tenue du marché de l’emploi soutient la confiance des ménages. Les largesses de l’Etat-Providence aussi, au prix, peut-être, d’un aléa moral qu’il est temps de corriger, au risque d’aboutir à des lendemains (de remboursement de dette!) qui déchantent. L’avertissement récent du Ministre de l’Action et des Comptes Publics n’y est pas étranger. La France n’est pas isolée : à 225 mille milliards de dollars, la dette mondiale n’a jamais été aussi élevée dans l’histoire.