La semaine dernière, les trois principales banques centrales d’occident se sont réunies. Pas de surprise : la FED (+25 points de base), la BCE (+50 points de base), la BOE (+50 points de base) ont poursuivi leur programme de hausse des taux.
Elles restent prudentes, concèdent que la victoire sur l’inflation n’est pas assurée, qu’un lag existe entre leur action et ses conséquences (négatives) sur l’économie.
Mais parmi toutes les interprétations possibles, les marchés obligataires et actions ont choisi la plus « dovish ». Les taux baissent, les valorisations se tendent, la prime de risque se comprime. La peur de l’inflation disparaît. « Il n’y a pas de faits, juste des interprétations » disait Nietzsche…
Avait-il raison ?
Si surprise il y a, c’est du côté des données macroéconomiques. Elles sont meilleures que prévu : le PIB de la zone euro est finalement positif au quatrième trimestre ! L’inflation plus élevée que prévu en Espagne ne fragilise pas le sentiment…
L’extraordinaire résilience du marché de l’emploi américain (le chômage, à 3,4% continue de baisser, plus d’un demi-million d’emplois créés en janvier ! ) ne ravive pas encore la hantise de boucle prix-salaires. Pas plus que le rebond exceptionnel de l’indicateur PMI dans les services américains…
L’inflation n’inquiète plus, le thème de la récession ne suscite qu’un haussement d’épaules. Un scénario inattendu fait son chemin dans les esprits : celui d’une croissance positive (« no landing ») néanmoins désinflationniste… Merci la Chine ?
L’effet « booster » de sa réouverture sur le moral est évident.
Les données de mobilité s’améliorent fortement à l’occasion du nouvel an.
Les déplacements remontés par Baidu dépassent très largement le niveau de 2019.
Les transports, les cinémas enregistrent une forte hausse de leur fréquentation.
Les showrooms des développeurs immobiliers retrouvent des prospects !
Mais le rebond du chalandage ne se traduit pas encore totalement dans les dépenses ! Les revenus du tourisme en cette célébration du nouvel an chinois ne représentent encore que 73% du niveau de 2019. Les ventes des 100 plus grands promoteurs de résidentiel neuf baissent encore de 32,5% sur un an. Les Chinois voyagent, mais sont-ils pour autant confiants ? Les marchés sont-ils allés trop vite ?
En regardant du côté des actifs les plus sensibles à la Chine, Goldman Sachs estime que les prix du cuivre, la valorisation des secteurs minier, de la construction, des capital goods et du luxe induisent un indice PMI chinois de 60 (contre 50 actuellement – à la frontière entre contraction et expansion-) quand la banque vise au mieux 55.
Après leur rebond, les marchés européens (+12%) et émergents (+8% en dollars) intègrent désormais un scénario de croissance plus optimiste, qui présuppose selon la même méthodologie un indice PMI global de 56 contre 48 actuellement.
En Asie, les regards ne sont pas tournés que vers la Chine.
Le rapport du fonds short Hindenburg sur le géant Adani (près de 100 milliards de dollars de capitalisation boursière effacée depuis sa publication) jette un froid sur les actions indiennes.
Depuis le début de l’année, le Nifty 50 sous performe de 11% l’indice MSCI Emerging Markets… Après un second semestre 2022 de découplage spectaculaire !
Sur la base des résultats attendus sur les douze prochains mois glissants, le marché indien s’est négocié jusqu’à deux fois plus cher que les marchés émergents dans leur ensemble l’an dernier !
Le rapport qui jette l’opprobre sur l’opacité des comptes et les problèmes de gouvernance du géant des matières premières et de l’énergie rouvre des plaies qui n’ont jamais vraiment cicatrisé.
Ce n’est pas la première fois que les liens entre les hautes sphères publiques et privées indiennes suscitent la polémique. Le moment est particulièrement délicat pour le gouvernement au pouvoir en pleine présentation du budget la semaine dernière et à un an des prochaines élections.
La tourmente d’Adani (25 milliards de dollars d’emprunts offshore) rappelle qu’un manque de contrôle des flux de capitaux peut déclencher un retour de flammes dangereux. Les banques, débitrices en devise étrangères et donc le système financier peuvent être fragilisés !
Jusqu’à maintenant, les marchés ont su se convaincre que l’inflation avait été vaincue, que le scénario économique du pire était en passe d’être évité, que l’incendie ukrainien était circoncis.
A l’est du pays, 320000 personnels militaires russes (selon l’Ukraine) seraient désormais massés sur le théâtre d’opération. C’est potentiellement plus qu’aux premiers affrontements. Le rouleau compresseur russe semble peu à peu s’animer, à en juger par les combats qui s’intensifient.
Comment réagiront les Occidentaux, si malgré les livraisons d’armement et les sanctions, les Russes se montrent victorieux dans leur contre-offensive ?
Si du côté des marchés, le plus difficile est peut-être passé, en Ukraine, comme le dit Oleksii Danilov (secrétaire à la défense) : « le plus dur des combats est devant ».
Jusqu’où mèneront-ils les deux belligérants et le reste du monde ?