Des gagnants et des perdants
Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
Lors des négociations salariales, il y a toujours des gagnants et des perdants. Cette année, on retrouve du côté des gagnants les Japonais. Les syndicats ont réussi à négocier une hausse de salaire moyenne de 5,32% pour les salariés des secteurs de l’industrie manufacturière et métallurgique. Toyota, par exemple, a accepté toutes les exigences salariales présentées. C’est une bonne nouvelle car cela va continuer de stimuler la consommation intérieure nippone – qui était un peu à la traîne en fin d’année 2023. Les Européens sont du côté des perdants. Selon l’indicateur de suivi des salaires de la Banque Centrale Européenne (BCE), les hausses de salaire se réduisent et ne sont plus que de 3,7% en moyenne contre 4% au cours des deux derniers mois. Les salaires réels continuent de décrocher, en absolu, et surtout par rapport aux États-Unis. C’est un soulagement pour la BCE qui redoute une boucle prix-salaires. C’est un problème pour la paix sociale et le pouvoir d’achat, en revanche.
C’est la statistique atypique de la semaine : les ventes de pelles en Chine pour le secteur de la construction ont chuté de 41,2% sur un an en février selon l’Association de l’industrie des machines de construction. C’est un effondrement. Cela souligne bien les difficultés actuelles du secteur immobilier. Selon nous, le marché a tort de parier sur un plan de relance budgétaire. L’objectif prioritaire de Pékin est de dégonfler la bulle immobilière. Pour l’instant, tout se passe comme prévu.
Perspectives
La réunion de la Réserve Fédérale américaine (Fed) est prévue cette semaine. C’est un non-évènement. Celle de mai sera sans intérêt également. La probabilité d’une baisse des taux à cette occasion est de seulement 16% selon le marché monétaire. La Fed n’a aucune raison de se presser. L’économie tient. La croissance devrait atteindre 2% au premier trimestre. Le marché de l’emploi se porte bien. Les embauches devraient être stimulées par le secteur public du fait d’une reprise post-covid plus tardive que dans le secteur privé. Enfin, l’inflation soutenue milite en faveur de taux courts durablement élevés. La semaine dernière, l’inflation sous-jacente lissée sur trois mois est ressortie en hausse à 4,4% contre 4% précédemment. Celle à six mois atteint 3,8%. Ce ne sont pas des niveaux suffisamment bas pour enclencher un processus d’assouplissement monétaire.
Attention : la Banque du Japon pourrait enfin normaliser sa politique monétaire. Des rumeurs de marché évoquent une hausse des taux dès cette semaine. Le timing est idéal. Les hausses de salaire négociées devraient permettre la sortie définitive de la déflation. En revanche, il y a peu d’espoir que cela inverse la tendance baissière sur le yen. Le taux de change réel effectif de la monnaie nippone est à un point bas depuis la fin des années 1970. La marche est haute pour que le yen se renforce durablement.