Les spécialistes de l’Amundi Investment Institute ont récemment analysé les conséquences d’une guerre commerciale mondiale.
A l’occasion de sa publication mensuelle consacrée aux perspectives des grandes classes d’actifs au niveau mondial, les spécialistes de l’Amundi Investment Institute se sont penchés sur l’impact des droits de douane imposés par l’administration Trump. Pour Mahmood Pradhan (Responsable de la macroéconomie mondiale), l’élaboration d’un scénario à moyen terme est marquée par une incertitude importante, même avec la suspension de 90 jours pour les droits de douane annoncée par l’administration Trump le 9 avril.
« La croissance américaine sera ralentie, ce qui entraînera également une baisse de l’activité pour les pour les principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Mais l’impact le plus durable se fera ressentir sur l’économie américaine, dont la croissance devrait fortement ralentir en 2025, avant un lent redressement à partir de 2026 ; tandis que l’inflation pourrait rester supérieure à 3%. Nous anticipons une croissance faible, mais positive (pas de stagnation in récession ». La Fed devrait procéder à trois baisses de son taux directeur cette année à partir du deuxième trimestre, pour l’amener à 3.75%. « Le soutien devrait être plus important dans les autres régions, avec un taux directeur de la BCE attendu à 1.5% en 2025.
Acteurs domestiques
Pour Vincent Mortier (CIO du Groupe Amundi), cette crise devrait entraîner une baisse des bénéfices des entreprises en raison de la hausse des coûts, de la baisse de la demande et de l’augmentation de l’incertitude, avec également un impact négatif sur les investissements en raison des incertitudes quant à l’avenir. Il estime dès lors que les investisseurs doivent adopter leur stratégie d’investissement dans cet environnement volatil.
Sur les marchés boursiers, la baisse des cours a fait retomber les valorisations sur des niveaux moins élevés, il rappelle toutefois que le ratio cours/bénéfice des actions américaines reste encore élevé par rapport aux moyennes historiques, avec des résultats qui risquent d’être sous pression durant les prochains trimestres dans les secteurs économiques fortement dépendants de l’activité économique.
« Il faut rester prudent sur les méga-capitalisations américaines, et rechercher plutôt des opportunités sur d’autres marchés, comme l’Europe ou l’Amérique Latine. Il est également important de sélectionner les sociétés de manière active afin de sélectionner celles qui sont les mieux positionnées pour faire face aux coûts liés aux droits de douane ». Le positionnement est actuellement neutre entre les secteurs cycliques et défensifs, avec également une préférence pour les petites capitalisations domestiques qui sont davantage protégées contre la problématique des droits de douane. « La redéfinition des relations commerciales constitue une autre opportunité d’identifier de futurs vainqueurs sur les marchés boursiers ».
Impact émergent
Alessia Berardi (Responsable de la stratégie macroéconomique émergente) souligne que l’Asie devrait être la principale région touchée par la problématique des droits de douanes, tandis que l’Amérique latine a été nettement plus épargnée. « Quant aux perspectives d’inflation, elles restent aujourd’hui incertaines, mais elles pourraient être impactées favorablement par la baisse des prix du pétrole et par le besoin pour les produits chinois bon marché de trouver de nouveaux marchés d’exportation ».
Les attentes bénéficiaires vont probablement devoir être descendues durant les prochains mois. « L’Inde et les Philippines pourraient devenir des gagnants relatifs grâce à leur plus faible vulnérabilité aux droits de douane et aux tendances favorables de la demande intérieure. Parallèlement, les perspectives restent neutres/constructives pour l’Amérique latine et l’Europe centrale, tandis que le Mexique continue d’être favorisé, soutenu par sa pause tarifaire ».
Métaux précieux
Au niveau des marchés obligataires, le mot d’ordre des spécialistes d’Amundi est de privilégier une exposition sur l’Europe. « Le contexte est aujourd’hui favorable aux obligations souveraines européennes et à la dette d’entreprise de bonne qualité, en particulier les émissions du secteur bancaire ». A l’inverse, Monica Defend (Directeur de l’Amundi Investment Institute) estime qu’il faut rester à l’écart des obligations américaines en raison de la forte volatilité du taux à 10 ans. « La Banque Centrale Européenne est aujourd’hui mieux positionnée pour se concentrer sur la croissance avec une inflation qui devrait être moins préoccupante qu’aux Etats-Unis ».
L’inflation pourrait toutefois rester un sujet important pour les prochains mois, ce qui nécessite la mise en place de stratégies reposant sur les obligations indexées sur l’inflation ou sur les matières premières, et notamment l’or. Jean-Baptiste Berthon (Stratégiste Senior) souligne que le métal jaune reste une valeur stable dans un contexte d’incertitudes, et est un des principaux bénéficiaires des craintes d’inflation et de l’affaiblissement du dollar. « L’augmentation des déficits publics est un autre facteur qui impacte historiquement le cours de l’or. Les finances publiques et la stabilité politique se détériorent dans de nombreux pays développés, de sorte que l’or présente encore un potentiel de revalorisation substantiel ».
De manière générale, les spécialistes d’Amundi soulignent qu’il faut garder une certaine souplesse dans la gestion des portefeuilles. « La diversification des portefeuilles est plus importante que jamais, d’autant que le dollar a perdu son statut de valeur refuge en raison du rééquilibrage en cours du contexte géopolitique, et face la concurrente croissance des autres monnaies fiduciaires et numériques », indique encore Monica Defend.