Vers un retour en grâce des micro-caps. Ces petites valeurs de dimension réduite (50 à 250 millions d’euro) ont régulièrement fait briller les yeux des investisseurs. Depuis 2021, ces actions de PME ne font plus rêver, à l’ombre de leurs grandes sœurs des indices majeurs. Pourtant leur sous-évaluation est de plus en plus criante. Selon Augustin Lecoq, gérant actions chez Mandarine Gestion, elles ont mangé leur pain noir et pourraient connaitre un avenir placé sous de meilleurs auspices.
Et Augustin Lecoq, gérant du fonds Mandarine Europe Microcap en est convaincu et avoue investir chaque mois, 20 % de son salaire dans son fonds qui a performé deux fois mieux que l’indice de référence ces 10 dernières années.
Il est toujours difficile de déterminer le point d’inflexion de la hausse d’un marché. Mais il vaut mieux être dans le train que de courir sur le quai pour l’attraper. C’est la conviction du gérant qui cumule des achats.
Déjà à la traine des grandes capitalisations depuis quelques années, le segment des micro caps a connu une reprise moins affirmée que ces dernières dans le rebond des marchés du dernier trimestre 2023 et qui s’est prolongé au début de l’année 2024. En gros, depuis 2021, les grandes capitalisations ont progressé de 25 %, les valeurs moyennes de 8 %, les petites sont restées au même niveau. Tandis que les micro-caps affichent une baisse de 20 %. Avec des profits qui se sont bien tenus, cette baisse ne se justifie pas et s’est matérialisée qu’à travers une compression des PE (rapport cours bénéfice) tombés à 12.
Conséquence, « le marché des PME se négocie aujourd’hui avec une décote rarement observée ces dernières années face aux grandes capitalisations qui est lisible dans les différences de niveau de ratio cours/bénéfice » ajoute Augustin Lecoq.
Aussi bon marché qu’en 2008
En effet, si l’on compare les ratios cours/bénéfices des petites capitalisations rentables par rapport à ceux des grandes capitalisations, elles se négocient avec une décote d’environ 30 à 40 %, soit l’écart le plus important depuis la crise profonde des marchés de 2008.
Pourtant la beauté de ce segment de la bourse délivre en général des niveaux de croissance élevés qui logiquement peuvent justifier des valorisations plus élevées. Argument supplémentaire, elles peuvent être la cible d’autres groupes à la recherche de croissance externe.
Tandis qu’une statistique ancienne n’a plus été vérifiée depuis 2021. Sept années sur dix, le marché des small et des micro-caps fait mieux que les grandes valeurs, car elles génèrent beaucoup plus de croissance. L’explication de leur surperformance sur le long terme.
Sous les radars
Elles offrent un choix très large, avec plusieurs milliers de sociétés cotées dans la zone euro y compris dans les pays nordiques. Le vivier est nettement plus riche que celui des grandes valeurs limitées à quelques centaines. Et l’univers des PME est beaucoup plus varié. Il n’est pas exceptionnel pour un gérant de dénicher une pépite, phénomène beaucoup plus rare pour les grandes valeurs regardées, observées et épiées par toute une pléiade d’analystes. Bien souvent, ces petites valeurs passent sous les radars et peuvent devenir de belles-endormies, en position de force sur une niche. Avec moins de couverture d’analystes, ces sociétés offrent, à travers l’analyse fondamentale rigoureuse la possibilité d’exploiter des inefficiences de marché et d’identifier les opportunités de croissance spécifiques à un titre.
Plus risquées ?
Pour d’autres, elles peuvent être considérées comme plus risquées. Certains investisseurs leur préfèrent les valeurs à taille intermédiaire qui offrent plus de garantie comme celle d’une liquidité supérieure. En cas de plongeon, mieux vaut être investi en grandes valeurs, les investisseurs peuvent les vendre à tout moment. Ils n’encourent pas le risque d’être coincé. Mais après avoir observé le niveau de valorisation affiché par le segment des petites valeurs, il est difficile d’imaginer une baisse sensible supplémentaire. « Les niveaux de liquidité plus faibles peuvent s’accompagner d’une plus grande volatilité, un élément caractéristique de l’univers qui, maîtrisé par une diversification au sein du portefeuille et une analyse fondamentale, peut jouer en notre faveur » », ajoute le gérant.
Mais pour l’instant, peu de gérants envisagent une forte baisse des marchés. Si les secousses récentes ont disséminé un peu de doute dans l’esprit des acteurs du marché, la plupart jugent peu probable une vraie récession en Europe ou aux Etats-Unis qui plomberait durablement les marchés. La baisse des taux d’intérêt devrait s’enclencher en Europe et servir de soutien aux marchés et pourrait également être observée à terme Outre-Atlantique.
Enfin, ces sociétés peuvent être différentes car fréquemment gérées par un actionnariat familial avec une gestion de ‘bon père de famille’, de long terme. « Je ressens souvent lors de mes visites chez ces patrons d’entreprise, qui sont aussi fréquemment actionnaires, de l’enthousiasme et beaucoup de bon sens», explique Augustin Lecoq, gérant chez Mandarine. Sur le long terme, leur croissance bénéficiaire est deux fois supérieure à celles des grandes valeurs.
Dans ce contexte, les meilleurs gérants de ces fonds micro-caps devraient bientôt pouvoir à nouveau tirer leur épingle du jeu. Sans oublier que le monde des PME est un terrain de chasse privilégié des fonds de private equity. A noter aussi qu’il n’existe pas de tracker (ETF) typique sur les micro-caps, ce qui n’aide pas pour la visibilité du segment auprès de certains investisseurs.
Diversifier ses investissements
S’il est conseillé de diversifier ses investissements en bourse, c’est encore plus vrai dans le créneau des micro-caps. Investir dans une seule micro-valeur, c’est concentrer son placement sur une seule activité (les grandes valeurs ont des activités plus étendues et géographiquement plus larges).
Face à la taille des capitalisations, le gérant du fonds Mandarine Europe Microcap compose avec environ 200 positions en portefeuille, en valeurs ‘value’ et de croissance, dites « GARP », soit la croissance à prix raisonnable, dans différents secteurs et pays européens. « Il faut privilégier le stock picking, tout en maintenant une certaine diversification parmi les secteurs, » explique-t-il.
Atenor, Ekopak, Evs…
Le secteur immobilier, qui a particulièrement souffert de la séquence de hausse des taux, est revenu à un niveau attractif et doit bénéficier de la baisse des taux. Une des valeurs favorites du gérant pour le secteur immobilier en Belgique est Atenor. La société a assaini son bilan et est active dans une quinzaine de villes européennes. Autre valeur du secteur, Kaufman & Broad dont la trésorerie nette est repassée positive. Le fonds est présent aussi dans l’immobilier des pays nordiques.
Une valeur que le gérant apprécie beaucoup pour son potentiel de croissance est Ekopak. Encore perçue comme une valeur locale, elle a lancé son activité dans le marché mondial, est déjà présente dans 11 pays et peut devenir un champion à moyen terme estime Augustin Lecoq. Les activités des entreprises consommatrices de quantités d’eau élevées sont devenues dépendantes de la météo et de pénuries de plus fortes et fréquentes. Ekopak est porteur de solutions pour ces entreprises et propose des mécanismes de fourniture d’eau durable et recyclée à travers une technologie innovante. L’entreprise vient de rentrer dans la liste de ses clients Takeda, la plus grande entreprise pharmaceutique japonaise.
EVS, le technicien des ralentis et des analyses vidéo, a traversé une période compliquée mais est agité par un nouveau dynamisme. Ses innovations sont convoitées de plus en plus par les fédérations sportives qui utilisent la technologie du VAR. La société fera vitrine de ses talents aux Jeux Olympiques de Paris. EVS a remonté la pente plus vite que ses concurrents avec une longueur d’avance. A noter encore d’autres lignes dans le portefeuille comme Ion Beam en gain de parts de marché, leader mondial de la protonthérapie pour le traitement des cancers.
Niveau d’achat
Alors début de rebond pour le micro-caps ? « Nous sommes à des niveaux pouvant offrir aux investisseurs un potentiel de surperformance à long terme », conclut Augustin Lecoq, le gérant du fonds Mandarine Europe Microcap et qui observe un regain d’intérêt récent de la part de certains investisseurs et stratégistes pour cette classe d’actifs.