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Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.

Le 2 octobre 2024 est à marquer d’une pierre blanche pour l’industrie du capital risque. C’est en effet la date à laquelle la firme de Sam Altman, Open AI, créateur du fameux agent conversationnel Chat GPT a récolté 6,6 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds. Font partie du tour de table les usual suspects comme Nvidia, Microsoft et Softbank mais aussi des financiers comme Fidelity. Ce dernier évènement de liquidité valorise la société à 157Mds$, une capitalisation proche de celle de Goldman Sachs au moment de l’opération… malgré une prévision de 5 milliards de dollars de pertes cette année. En déboursant une telle somme, ces investisseurs avaient sans doute en tête le taux d’adoption vertigineux de l’IA générative : ​ 39,4% pour les Américains de 18 à 64 ans selon la Réserve Fédérale de Saint Louis.

Dans le même temps, les spécialistes du secteur s’interrogent sur les effets bénéfiques à moyen terme de l’IA générative, comme c’est le cas lors de toute avancée technologique majeure. La banque Goldman Sachs (encore elle), par la voix de son directeur de la recherche actions, se demande « quel problème à mille milliards de dollars l’IA va-t-elle résoudre ». De leur côté, les analystes d’UBS considère que celle-ci aura un impact positif de 100bp sur la productivité américaine à partir de 2028. L’avenir nous dira qui a vu juste, mais une statistique permet d’illustrer la puissance du phénomène actuel : Nvidia, désormais première capitalisation mondiale grâce à ses cartes graphiques (Graphics Processing Unit), a publié au T3 2024 un résultat supérieur à son chiffre d’affaires du T3 2023 !

En attendant d’éventuelles retombées économiques, l’ensemble des observateurs s’accordent sur un phénomène : la trajectoire exponentielle de la consommation d’énergie des géants du numérique engagés dans cette révolution. En effet, pour accompagner la croissance des usages de l’IA générative, les Microsoft et autres Google construisent de nouveaux centres de données (datacenters) toujours plus voraces. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la demande en électricité de ces centres de données devrait tout simplement doubler entre 2022 (460TWh, soit près de 2% du total de la demande mondiale d’électricité) et 2026.

En raison de ces plans de développement massifs, les hyperscalers se sont engouffrés dans la voie du nucléaire : ​ Microsoft, Google, Amazon et Oracle ont annoncés tour à tour des signatures de contrats ainsi que des prises de participation dans des opérateurs du secteur. Signe des temps, la centrale nucléaire de Three Mile Island, qui avait été fermée par Constellation Energy en 2019 pour raisons économiques, va être relancée grâce à un financement de 1,6 milliards de dollars de Microsoft. Cette source d’électricité a un double intérêt pour ces consommateurs gargantuesques : l’absence d’intermittence (une centrale fonctionne en moyenne à 90% du temps) et de rejet de CO2. Un élément non négligeable quand on sait qu’une société comme Microsoft a vu ses émissions de carbone croitre de 30% sur la période 2020-2023.

Ce mega trend, pour reprendre l’expression consacrée, n’est pas passé inaperçu aux yeux des investisseurs. Constellation Energy et Talen Energy se sont appréciés respectivement de 100% et 210% cette année. NuScale Power (développeur de petits réacteurs modulaires) fait encore mieux avec une hausse de… 600%. Les acteurs en aval de cette chaine de valeur sont moins en vogue en raison de leur appartenance à la « vieille économie » mais ils devraient également profiter de plus grandes dépenses d’infrastructures. Les sociétés de câbles, par exemple, bénéficient de carnets de commande record à 35 milliards d’euros en cumulés. Autre exemple, les divisions des sociétés de produits d’efficience énergétique ayant comme débouché les data centers anticipent des croissances de chiffre d’affaires supérieures à 10% dans les années à venir. L’effet de levier sur les couts fixes fera le reste…

Comme les vendeurs de pioches et de pelles lors de la ruée vers l’or au XIX siècle, ces sociétés, les enablers dans la terminologie anglosaxonne, sont les acteurs discrets mais indispensables (et donc profitables) à la révolution technologique qui se déroule sous nos yeux. Espérons qu’à force d’apprentissage, les applications de l’IA (prévision du climat, gestion des réseaux …) puissent résoudre un problème à 1000 milliards de dollars sans être un facteur de tension dans l’équilibre offre/demande d’électrons.

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