Par Prof. Dr. Jan Viebig et Laurent Denize, Global Co directeurs des investissements, ODDO BHF
2023 a bien commencé pour les marchés financiers. Depuis le début de l’année, l’indice américain S&P 500 a progressé de plus de 8 % en dollars, l’Euro Stoxx 50 de plus de 11 % en euros. Quelles opportunités se présentent maintenant que les valorisations sont remontées ? Quels risques se profilent ?
Actions – L’Europe plus attractive que les États-Unis
Dans notre scenario central, nous prévoyons un ralentissement de la croissance mondiale par rapport à l’année dernière, avec un risque de stagflation en 2023 suite au choc d’offre de 2022. L’inflation restera élevée sur fond de croissance faible. Toutefois, les perspectives économiques dans la zone euro se sont considérablement améliorées ces derniers temps. Une grave crise énergétique sera très probablement évitée, du moins cet hiver. Les réserves de gaz en Europe sont bien remplies. En outre, la décision surprenante du gouvernement chinois de mettre fin à sa politique zéro-covid devrait avoir un impact positif sur la croissance mondiale. Nous favorisons actuellement les actions européennes aux actions américaines. Plusieurs raisons nous y incitent. En effet, avec un ratio cours/valeur comptable de 1,7, ces dernières se négocient à des niveaux de valorisation plus proches de leur moyenne de long terme, alors que les actions américaines, avec un ratio cours/valeur comptable de 4,1, sont valorisées à un niveau nettement supérieur à leur moyenne de long terme. Avec la réduction attendue des écarts de taux d’intérêt entre la zone dollar et la zone euro, l’euro devrait également s’apprécier par rapport au dollar. Le cycle de hausse des taux d’intérêt dans la zone euro durera probablement plus longtemps qu’aux États-Unis, la BCE n’ayant commencé à relever ses taux qu’en juillet 2022, soit quatre mois après la Fed. De plus, la parité du pouvoir d’achat plaide en faveur d’une appréciation de l’euro. Le choc d’offre a entraîné une fuite vers le dollar américain. Avec la fin du choc d’offre, cette tendance devrait s’inverser. Les entreprises européennes devraient également bénéficier de manière disproportionnée de la stabilisation des chaînes logistiques mondiales.
Obligations – augmentation graduelle de la duration
Dans notre scenario central, nous supposons que les taux d’inflation ont atteint leur pic, bien que l’inflation demeure bien supérieure à la cible de 2 % de la BCE et de la Fed.
À 5,2 % dans la zone euro et 5,7 % aux États-Unis, l’inflation sous-jacente (inflation globale hors prix de l’énergie et des denrées alimentaires) reste trop élevée. Nous nous attendons à ce que le cycle de hausse des taux d’intérêt prenne fin plus tôt aux États-Unis qu’en Europe. Outre-Atlantique, les taux d’intérêt devraient augmenter de 50 points de base supplémentaires d’ici mai 2023. En zone euro, nous prévoyons une hausse du taux de dépôt de 2,5 % à 3,5 % d’ici juillet 2023. Après avoir maintenu une duration courte en 2022, le moment est venu d’augmenter progressivement les maturités résiduelles vers des niveaux neutres, à mesure que la fin du cycle de hausse des taux se rapproche. Selon nous, les investissements dans les obligations d’entreprises sont particulièrement intéressants en ce moment, car non seulement les taux d’intérêt ont augmenté de manière significative, mais les obligations d’entreprises offrent à nouveau des primes de risque intéressantes par rapport au taux sans risque.
Scénarios alternatifs – opportunités et risques
Il est souvent intéressant de se livrer à des analyses de scénarios. Nous attribuons une probabilité de 70 % au scénario central décrit ci-dessus. Nous prévoyons un scénario plus négatif avec une probabilité de 20 %, dans lequel la crise énergétique en Europe s’aggraverait à nouveau. La hausse des prix de l’énergie mettrait les entreprises européennes dans une position concurrentielle désavantageuse et amputerait davantage encore le pouvoir d’achat des consommateurs. Dans ce contexte, l’inflation pourrait rester obstinément élevée, obligeant la BCE à augmenter ses taux d’intérêt plus fortement que dans le scénario central, ce qui déclencherait une véritable récession. Dans un tel scénario, « le cash serait roi » à nouveau. Du côté des risques géopolitiques, ces derniers incluent une intensification de la guerre en Ukraine et une escalade du conflit entre la Chine et Taïwan. Aux États-Unis, la mésentente entre démocrates et républicains autour du plafond de la dette pourrait entraîner un défaut de paiement temporaire. La liste des « cygnes noirs » possibles, à savoir des événements hautement imprévisibles mais aux conséquences potentiellement désastreuses, est actuellement anormalement longue.
Nous prévoyons un scenario plus positif avec une probabilité de 10 %. Nous espérons tous que la guerre en Ukraine prendra fin bientôt. Bien que nous ayons prévu un conflit militaire prolongé depuis le début de la guerre, l’espoir d’une fin proche des souffrances humaines ne peut pas et ne doit pas être abandonné. Nous nous attendons à ce que la deuxième économie mondiale ne progresse « que » de 4,7 % en 2023. Toutefois, la réouverture de la Chine pourrait conduire à une croissance bien plus élevée si les chaînes logistiques mondiales se stabilisaient et si la consommation intérieure reprenait fortement.
Nous sommes déjà revenus d’un positionnement actions sous-pondéré, pris avant le déclenchement de la guerre en février 2022, à un positionnement actions neutre en juillet 2022. Après avoir pesé les différents scénarios, nous sommes globalement plus constructifs. Nous conservons un positionnement actions neutre mais plus constructif ; en tant qu’investisseurs actifs, nous nous appuyons sur des décisions d’allocation que nous pouvons bien justifier : nous préférons les actions européennes, nous nous attendons à ce que l’euro s’apprécie par rapport au dollar, nous allongeons progressivement la duration de notre portefeuille obligataire en anticipant la fin prochaine du cycle de hausse des taux d’intérêt, et nous nous concentrons de plus en plus sur les obligations d’entreprises, qui offrent à nouveau des primes de risque attractives au-dessus du sans risque.