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Thomas Planell DNCA Investments.

Après un nouveau record de températures mondiales en janvier, la Chine commence les célébrations de la nouvelle année du dragon de bois sous les inquiétants auspices de la déflation. L’effondrement de l’épargne immobilière et le cataclysme boursier ont détricoté l’épargne des classes moyennes qui restent les grandes absentes de la reprise du tourisme mondial. Le trafic passager vers l’Europe, destination favorite, reste loin derrière les niveaux pré-Covid. Et pour ceux qui peuvent s’offrir le rêve d’arpenter nos accueillantes contrées, l’addition s’avère salée. A 7.500 dollars (sac à main de luxe inclus), le prix moyen d’un séjour d’une semaine à Milan pour un couple chinois a doublé depuis 2019. A Tokyo, les établissements de luxe du quartier d’affaires de Ginza s’attendent à une affluence chinoise inférieure de moitié au pic pré-Covid.

Le Japon au premier plan du risque de montée des eaux vient d’émettre la première obligation souveraine 100% dédiée à la transition de l’histoire (5 milliards de dollars). L’Europe s’inspirera probablement du modèle pour financer les nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par la Commission européenne.

Malheureusement, pour la communauté scientifique, il est déjà trop tard : le chercheur australien Malcolm McCulloch vient de faire une découverte qui fait froid dans le dos : ​ en analysant des organismes marins, il constate que depuis 1700, le monde s’est en réalité déjà réchauffé d’un demi-degré de plus que prévu. Nous devrions donc atteindre les 2 degrés en trop dans les prochaines années.

Les ventes records de véhicules électriques l’an dernier (14,7 millions de véhicules) n’auront malheureusement qu’un effet marginal sur les 9 milliards de tonnes équivalent CO2 émis par les transports chaque année sur la planète. La Chine, s’affirme comme premier exportateur mondial. C’est l’une des rares éclaircies de la politique économique de Xi Jinping… et un véritable « soleil noir de la mélancolie » pour le secteur automobile allemand, pour reprendre les vers de Gérard de Nerval.

La compétition chinoise fragilise le fer de lance de l’industrie germanique, déjà pénalisée par le double effet des prix de l’énergie élevés et du ralentissement économique de son principal partenaire commercial. Le secteur immobilier allemand, lui aussi en proie aux difficultés, ajoute aux inquiétudes. Le pays compte désormais 13,6 milliards d’euros d’obligations cotées d’entreprises en difficulté. C’est 15% du gisement contre 8% en France et 10% en Italie où la croissance résiste mieux. Au point que les spreads de crédit allemands sont plus élevés (6 points de base) qu’ailleurs en Europe.

Cela ne trouble pas la fête du marché high yield européen qui continue de surperformer les obligations investment-grade depuis le début de l’année. Le rendement des titres d’entreprises les mieux notées est jugé trop proche de celui des obligations d’Etat, ce qui rend la rémunération du risque d’entreprise quasi inexistante sur les bonnes signatures. Conséquence : les investisseurs ne peuvent guère compter sur autre chose que la baisse des taux pour espérer un gain en capital complémentaire. Ils continuent alors de se tourner vers le gisement high yield, plus riche en rendement, en dépit de niveaux de spreads comprimés.

Le spread, cet écart de rendement par rapport à un benchmark, permet de mesurer la rémunération du risque de crédit incrémental. C’est un outil de valorisation à deux dimensions. Relative : suis-je suffisamment bien rémunéré par rapport à un actif moins risqué ? Historique : suis-je autant rémunéré qu’avant à risque équivalent ? Aujourd’hui, la réponse à la deuxième question semble « non ». Mais si les gérants s’enthousiasment autant sur la classe d’actif, c’est en raison des autres composants de la performance obligataire. Le rendement courant (quotient du coupon sur le prix de l’obligation) et le taux de rendement actuariel (qui intègre le gain en capital perçu lorsque l’obligation achetée avec une décote est remboursée au pair) sont aujourd’hui beaucoup plus attractifs qu’ailleurs. Autre facteur technique : lorsque les coupons servis sont plus élevés, la duration (ou sensibilité à la remontée des taux) est plus faible. C’est un argument de plus pour ceux qui doutent du potentiel de repli des taux dans un contexte de reprise économique, laquelle peut en revanche améliorer la qualité de crédit.

En Europe, depuis dix ans, les obligations high yield ont fortement surperformé leurs consœurs mieux notées, à la faveur d’un cycle de crédit redevenu favorable. Il a succédé à une période délicate où, après la crise financière, la désintermédiation bancaire a conduit de nombreux émetteurs en position financière difficile sur les marchés. Depuis, la qualité de bilan s’est améliorée. Le phénomène s’est amplifié avec l’épidémie de Covid : les entreprises ont mieux résisté que prévu tandis que les notes étaient abaissées par excès de pessimisme. Même constat aux Etats-Unis où on retrouve dans l’univers du high yield américain des signatures comme Ford et Kraft !

Il y a des périodes où les relations entre les variables utilisées pour valoriser les actifs se stabilisent. Les corrélations deviennent stationnaires. Ce sont des régimes propices au portage avec effet de levier (carry) ou aux stratégies de retour à la moyenne. Peut-être entrons nous dans une telle période de regain de stabilité… ? Attention toutefois : ces phases aboutissent à des excès de confiance dans la capacité de prédiction, une arrogance dangereuse qui prépare le terrain à un changement de régime de marché inattendu. ​ Dans ces périodes, la volatilité est souvent survendue (le VIX traite aujourd’hui 7 points sous sa moyenne historique à 34 ans…). N’oublions pas que nous fermons à peine la porte à dix ans de taux d’intérêts proches de zéro. Cette époque a contribué au refinancement à bas coûts des bilans d’entreprises. Au fur et à mesure que les dettes qui échoient doivent être refinancées à des taux plus élevés, le profil de risque des émetteurs pourrait peut-être bien changer… 

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