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Lancé il y a cinq ans sur la thématique de la transition, R-co 4Change Net Zero Equity Euro a tenu ses engagements en matière d’ESG tout en obtenant une performance qui se démarque des autres fonds « climat ». Si son positionnement s’est jusqu’à présent révélé porteur, doit-on désormais craindre un essoufflement ?

Anthony Bailly, Responsable de la gestion actions européennes & Ludivine de Quincerot, Responsable de l’Investissement Durable et de la gestion Diversifiée Europe Rothschild & Co Asset Management.

Avec le retour de Trump, la thématique de la transition climatique est-elle en péril ?

Au-delà des déclarations d’intention, nous jugerons à l’épreuve des faits. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche suscite nécessairement des inquiétudes vis-à-vis de la politique climatique américaine. Parmi celles-ci, sa formule « drill, baby, drill!1» en faveur des producteurs de pétrole et de gaz vise principalement à garantir un avantage compétitif aux États-Unis grâce à une énergie peu chère. Reste néanmoins à connaitre le niveau de productivité de ces nouveaux forages qui, dans un marché déjà bien approvisionné, pourrait engendrer une baisse des prix. Nous ne sommes, par ailleurs, pas convaincus que les acteurs du secteur et leurs investisseurs voient d’un bon œil une chute trop marquée du cours du baril.

En outre, au cours de la mandature Biden, les investissements favorables au développement des énergies renouvelables réalisés à travers l’IRA ont en grande partie profité à des États républicains. Ces derniers ne vont pas être remis en cause. Seul l’éolien offshore vient de subir un coup d’arrêt avec la suspension de la délivrance de nouveaux permis. Contrairement aux idées reçues, le bilan du premier mandat de Donald Trump en matière d’émissions de CO2 est équivalent à celui de ses prédécesseurs, même en excluant la période de pandémie. Les technologies bas carbone s’affichent actuellement comme un de secteurs les plus dynamiques et porteurs pour les années à venir. Enfin, il nous semble peu probable que les États-Unis décident de se tenir totalement à l’écart d’un domaine porteur où la Chine s’affiche déjà comme leader mondial.

Qu’en est-il du reste du monde ?

La Chine reste, justement, confrontée à un sujet d’indépendance énergétique et, pour y remédier, investit massivement dans les énergies renouvelables. L’Europe, quant à elle, fait face à un problème d’accessibilité lié au prix de l’énergie. Le coût du gaz y est quatre fois plus élevé qu’aux États-Unis. Pour des questions de souveraineté et de compétitivité, il est indispensable de poursuivre le développement des énergies vertes. Il s’agit d’ailleurs d’un des seuls domaines où l’Europe est en avance par rapport aux États-Unis. Actuellement, 76 % de la production d’électricité européenne est « Low carbon2 » contre 42 % sur le sol américain3 . Le mix énergétique a considérablement évolué et cette dynamique tend à nous rendre optimistes car les sociétés maintiennent ce cap même si les plans de financement européens restent difficiles à mettre en place.

Par ailleurs, la perspective d’une résolution du conflit russo-ukrainien, ambition martelée par Donald Trump, aurait un impact conséquent sur le prix du gaz. Même si elle a considérablement progressé, la production d’énergies vertes n’est toujours pas suffisante pour subvenir à l’ensemble des besoins industriels et privés. Le déclenchement du conflit en 2022 a servi de « stress test » pour le démontrer. La problématique du stockage de ces énergies reste également en suspens. Le Vieux Continent continue donc d’être dépendant de ses importations gazières.

Comment vous-êtes vous distingués parmi les fonds climat ?

Nous avons développé notre stratégie d’investissement autour de la thématique de la transition. Nous avons la possibilité d’investir dans tous les secteurs4 , y compris les plus émetteurs, en sélectionnant uniquement les acteurs avec les trajectoires de décarbonation les plus ambitieuses et crédibles. Ce positionnement s’avérait assez contrariant au lancement du fonds fin 2019. L’investissement durable se résumait souvent à privilégier les sociétés peu émettrices dans des secteurs comme la technologie, les biens de consommation, les solutions ou les renouvelables.

Nous sommes partis du constat qu’au niveau mondial, cinq secteurs (chimie, matières premières, services aux collectivités, construction, énergie) sont responsables de 80 % des émissions de CO2 en scope 1 et 25 . Nous sommes convaincus que notre impact sera plus fort en accompagnant les entreprises de ces secteurs dans leur processus de transition, plutôt qu’en finançant uniquement des acteurs déjà peu émetteurs. Cette approche nous permet, par ailleurs, de naviguer dans des environnements fluctuants en respectant nos objectifs, que ce soit en matière de durabilité ou de rendement, grâce à la flexibilité de gestion qui y est associée. Nous ne sommes, en effet, pas captifs des rotations sectorielles. Notre approche est éprouvée et stable mais nous restons pragmatiques. Nous n’hésitons pas à investir dans de nouveaux acteurs et secteurs quand cela se justifie sur les plans ESG et financier6 .

Quels résultats avez-vous obtenus en cinq ans ?

Au regard des 5 années écoulées, nous dépassons actuellement la majorité de nos objectifs environnementaux. L’intensité carbone du portefeuille a diminué de plus de 12 % par an et est actuellement 30 % inférieure à celle de notre indice de référence7, 72 % de sociétés en portefeuille ont déjà fait valider leurs objectifs par la SBTi contre 21 % en 2019 et notre alignement taxonomique se trouve autour des 12 % en termes de chiffre d’affaires et 19 % en termes de capex8. Ces résultats ont été obtenus alors même que nous avons augmenté le poids cumulé des secteurs émetteurs dans le portefeuille qui est actuellement proche de 28 % contre 19 %8 lors du lancement du fond8. En parallèle, nous avons généré une performance cumulée de 38 % sur 5 ans9. Fidèles à notre philosophie, l’intensité carbone du portefeuille ayant baissé plus vite qu’anticipé, nous continuons de sélectionner de nouvelles sociétés au sein des secteurs émetteurs pour les accompagner dans leur transition. Chacun d’entre eux est désormais représenté au sein du portefeuille et nous sommes soucieux d’agir sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Enfin, il est important de rappeler que toutes les valeurs sélectionnées au sein du portefeuille jouent un rôle dans la transition à différents niveaux. Nous avons identifié cinq thématiques principales : les sociétés fortement émettrices avec une trajectoire de décarbonation crédible, les sociétés fournisseuses de solutions pour accélérer la transition, les sociétés qui contribuent au financement, les sociétés qui jouent un rôle dans l’évolution du mix énergétique et, pour terminer, les sociétés faiblement émettrices mais qui peuvent encore s’améliorer.

Comment analysez-vous cette dynamique ?

La transition est un processus de long terme qui nécessite des points d’étape pour valider la crédibilité de la trajectoire. À l’issue de ces 5 années, nous avons surpassé nos objectifs. Ce résultat démontre que nous avons sélectionné des acteurs capables d’atteindre et même d’aller au-delà de leurs propres ambitions. Depuis le lancement du fonds, très peu de sociétés dans lesquelles nous avons investi n’ont pas respecté leurs engagements en la matière. Néanmoins, nous arrivons à un point d’inflexion et il sera dorénavant plus compliqué de maintenir le rythme. C’est pour cela que la qualité de nos analyses fondamentales et le dialogue engagé avec les sociétés sont des éléments clé dans notre processus d’investissement. Nous avons construit une grille de transition qui nous permet de rentrer dans le concret, au-delà des déclarations d’intention, et de passer en revue de manière granulaire les stratégies mise en œuvre par les sociétés. Cette dernière porte sur l’engagement du management, la qualité et la transparence du reporting, la référence à des modèles scientifiques ou l’adhésion à des initiatives de place, la granularité des objectifs, les capex engagées et le track record des dernières années.

Ce travail d’analyse s’assortit d’un effort d’engagement important pour accompagner les sociétés, comprendre leurs stratégies et les challenger, diffuser les bonnes pratiques, réfléchir avec eux à la fixation d’objectifs pertinents, mais aussi échanger dans des moments clés comme pendant la période des assemblées générales. Les sociétés dans lesquelles nous investissons sont mondialisées et influent sur les pratiques de l’ensemble de leurs chaînes de valeur. Nous sommes également convaincus qu’elles contribuent à l’enclenchement d’un cercle vertueux. Lorsqu’un acteur démontre qu’il est capable de maintenir le cap qu’il s’est fixé, cela a tendance à inciter les pairs à s’en inspirer, entraînant un effet « boule de neige » positif. 

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