Bruno Cavalier, Chef économiste ODDO BHF Asset Management.
POINTS CLÉS
- Donald Trump a lancé une guerre tarifaire plus tôt et plus fortement que durant son premier mandat.
- Cela entraîne une instabilité économique qui a fait baisser la confiance des ménages et des marchés
- L’économie américaine risque de ralentir plus fortement qu’initialement anticipé
- Doutant du soutien militaire des Etats-Unis, les dirigeants européens sont résolus à se réarmer
- En Allemagne, le futur chancelier veut totalement changer de doctrine budgétaire afin de mettre en place un grand plan de relance
« Il y a des décennies où rien ne se passe et des semaines où des décennies se produisent. » Cette sentence de Lénine revient à notre mémoire au vu des récents bouleversements du monde causés, de manière directe ou indirecte, par Donald Trump. Au cours des dernières semaines en effet se sont produits des changements qu’on n’avait pas vus depuis des décennies.
Donnons quelques exemples. Primo, en élevant leurs barrières tarifaires, les Etats-Unis ont fait monter leur droit de douane moyen à un niveau inégalé depuis la fin des années 1940. Et ce n’est sans doute pas fini car d’autres menaces planent sur le commerce mondial. Secundo, le désir évident des Etats-Unis de se désengager de la sécurité de l’Europe remet en cause les principes d’une alliance transatlantique créée en 1949. Tertio, et en réponse au risque précédent, le futur Chancelier allemand a opéré un virage à 180° sur la politique budgétaire L’équilibre budgétaire qui paraissait un dogme intangible en Allemagne n’est plus d’actualité. Voilà quelques événements qui n’ont pas fini d’avoir des effets à longue portée.
Deux mois après le début de son second mandat, Donald Trump a déjà tant fait pour imposer sa politique de « L’Amérique d’abord » qu’il a déstabilisé l’ordre économique et géopolitique mondial. On peut se hasarder à faire un bilan provisoire de son action en regardant ce qu’il a fait et ce qu’il n’a pas fait. Durant la campagne électorale, il avait promis d’importantes baisses d’impôt, suscitant par-là beaucoup d’optimisme sur les marchés. A ce jour, ce dossier n’a presque pas avancé car les Républicains du Sénat et de la Chambre doivent s’entendre sur la manière de mettre en place ces mesures fiscales.
Une autre promesse électorale était la déréglementation. Cela devait permettre aussi de réduire les dépenses fédérales. Ce dossier a été confié à Elon Musk, dont les pratiques managériales sont réputées assez rudes. Le DOGE, le département chargé de couper dans les dépenses, n’a identifié à ce jour des économies représentant seulement 0.3% du PIB, une goutte d’or dans la mer d’un déficit qui avoisine 7%. Là encore, plus de bruit que d’action, mais un bruit qui contribue à l’anxiété récente des marchés.
Donald Trump avait aussi annoncé une expulsion massive de travailleurs clandestins, chiffrée à des millions de personnes. Il n’y a rien eu de ce côté, ce qui est d’ailleurs une bonne nouvelle pour l’économie car cela aurait pu déstabiliser le marché du travail. Notons aussi que la Maison Blanche n’a pas cherché non plus, comme cela avait été évoqué, à faire pression sur la banque centrale.