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Thomas Planell DNCA Investments.

Elle écorche les oreilles de l’extrême gauche depuis les années 1980. Elle n’a toujours pas fait son entrée au 9ème dictionnaire de l’Académie française. 2008 ne l’a pas tuée. La »financiarisation » de l’économie continue à plein régime.

Aux crédits subprime succèdent les nouveautés du crowdfunding, tokenisation d’actifs réels (art, immobilier…) ou virtuels (NFT) en tous genres, l’introduction de personnalités sur des bourses aux stars… Le Bitcoin a doublé depuis l’automne, franchissant les 50.000$ et tire la capitalisation des cryptomonnaies vers les 2000 milliards de dollars. Celle des marchés actions mondiaux (113 mille milliards de dollars pour l’indice Bloomberg World Exchange Market Capitalization), 7% sous les plus hauts de 2021, a pratiquement effacé les 27% de hausses de taux cumulées en 2022 par les 10 plus grandes banques centrales de la planète. Le Nasdaq grimpe de 70% en un an. Le Nikkei 225, à un plus haut de 34 ans, tourne la page de l’éclatement de la bulle japonaise et de trois décennies de déflation. Le CAC40 n’en finit plus de s’aventurer en territoire inconnu. La bourse italienne continue son ascension vers des niveaux oubliés depuis 2008.

L’économie mondiale est financiarisée, mais la valorisation des actifs se déconnecte de la situation économique : Japan, Allemagne et Royaume-Uni sont en récession technique. Les marchés des matières premières (métaux industriels, gaz), plus terre à terre, moins chargés des émotions que suscitent les rêves et attentes de bénéfices, racontent une histoire un peu plus proche de la réalité.

Le rallye boursier a fonctionné comme un moteur quatre temps. La volte-face sur la liquidité de la FED en réaction à la chute de SVB et la capacité des entreprises à tenir leurs marges grâce à leur pricing power ont été l’air et le carburant de la phase d’admission. Les bougies des attentes de baisse des taux ont enflammé le mélange. L’IA a servi de turbocompresseur aux performances.

Le problème pour la FED, c’est que l’inflation des actifs financiers traditionnels et alternatifs a recréé la masse de monnaie excessive que la banque centrale entendait déflater. Ce qui n’aide pas à combattre la surchauffe et qui pourrait amener Jerome Powell à se demander si la mission est réellement accomplie… D’autant que la victoire contre l’inflation n’est pas actée. En janvier, les prix à la consommation et à la production ont progressé plus que prévu. Et les pouvoirs publics n’aident pas.

Autrefois fer de lance du libre échangisme, les Etats-Unis sont devenus, à coups de creusement des déficits budgétaires, les chantres du protectionnisme. D’abord avec l’« America’s First » de Trump puis avec le très inflationniste « Inflation Reduction Act » de Biden. Avec sa « green touch » caractéristique, l’Europe emboîte le pas avec la taxe carbone aux frontières. La première usine de paracétamol européenne va ouvrir en 2025. Une bonne nouvelle pour les altermondialistes, mais une mauvaise pour leur porte-monnaie : la molécule antalgique la plus utilisée sera 30 à 40% plus chère à produire !

Après la crise de 2008, la religion financière s’est tournée vers le dieu de la « légèreté » capitalistique. Dans une époque de peu d’inflation et de croissance modérée, la hausse des rendements des capitaux investis (produit de la rotation des actifs et de la rentabilité opérationnelle) s’est accomplie par la baisse des capitaux employés (sous-traitance vers l’Asie) et la variabilisation des coûts. Les directions financières sont devenues des gestionnaires d’actifs arbitrant les facteurs de production des entreprises en fonction de la compétitivité-coût géographique. Nous quittons cette période. General Electric en est l’exemple. Pendant des décennies, le groupe a été le champion de la vente sur le sol américain de biens qu’il produisait moins cher à l’étranger. « GE » réinvestit aujourd’hui dans sa terre natale en créant usines et emplois là où Thomas Edison a créé la société.

La mondialisation n’a probablement pas été aussi heureuse que le pensait Alain Minc. Mais la dé-globalisation ne devrait pas l’être davantage…

Inflationniste, elle rompt les liens capitalistiques, commerciaux, fiscaux et technologiques entre grandes puissances. Elle taille dans les interdépendances économiques qui sont des garantes cruciales de la paix. Avec le changement climatique, on voit déjà sur la chaîne logistique mondiale l’effet de la résurgence des conflits armés. Le prix du fret flambe, le pétrole cote 80€. Les prix des produits agricoles concernés par El Nino, comme le cacao, s’embrasent.

On peut adhérer à la révolution économique de l’intelligence artificielle. A en croire le CEO de Nvidia, elle va nécessiter de revoir l’ensemble de notre infrastructure informatique afin de l’adapter aux exigences de puissance de calcul. C’est un cycle d’investissements et de croissance peut-être équivalent à celui d’une reconstruction d’après-guerre. ​ Mais cela ne doit pas empêcher les investisseurs les plus enthousiastes de se préparer à des scénarios moins affriolants… parmi lesquels, celui d’une inflation des prix à la consommation et à la production plus retors que prévu et d’un gonflement des actifs financiers qui pourraient faire passer les baisses des taux attendus par les marchés pour une erreur de politique monétaire. En général, les bulles se forment quand ces politiques sont trop accommodantes… Aujourd’hui, la FED pourrait baisser ses taux au moment où l’une d’entre elles pourrait être en pleine formation. Jerome Powell pourrait-il commencer à s’inquiéter de la performance des actifs financiers ?

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