Lors des neufs derniers cycles d’assouplissement monétaire, c’est la Réserve Fédérale (Fed) qui a donné le là à huit reprises. C’est d’ailleurs ce qu’anticipe le marché monétaire. Il prévoit que la Fed va baisser ses taux pour la première fois le 20 mars alors que la BCE pourrait attendre le 11 avril. Du côté des deux banques centrales, la baisse des taux devrait être d’ampleur quasiment similaire cette année, de l’ordre de 150-160 points de base.
La cible d’inflation de la BCE est à portée de main
Et si cette fois-ci c’était la Banque Centrale Européenne (BCE) ? Les arguments en faveur de ce scénario sont nombreux. Le processus de désinflation se poursuit sans encombre. L’objectif d’inflation à 2% est désormais atteignable à moyen terme. Selon les dernières projections de la BCE, l’indice des prix à la consommation devrait atteindre 2,1% en 2025 et 1,9% en 2026. Des mesures plus fines de l’inflation vont également dans ce sens. L’indice PCCI (Persistent and Common Component of Inflation) hors alimentation et énergie, qui est l’indicateur favori de la banque centrale pour mesurer les pressions inflationnistes en zone euro, a chuté sous 2% en novembre. C’est très encourageant. Enfin, tout porte à croire que la boucle prix-profit, qui a alimenté la hausse des prix sur une partie de l’année 2023, n’est plus un sujet. La bataille contre l’inflation n’est pas complètement terminée. Mais tout indique que le pire est désormais derrière nous.
La croissance a désespérément besoin de soutien
Dans le même temps, la croissance montre des signes inquiétants de ralentissement qui plaident en faveur d’une baisse rapide des taux d’intérêt. La croissance en zone euro devrait être sous son potentiel en 2024. L’Allemagne, qui fait face à un difficile pivot de son modèle économique à la suite à la guerre en Ukraine, devrait être en récession sur l’ensemble de l’année. La production industrielle allemande est en chute libre et inférieure de 14% à sa tendance de long terme. La situation ne sera guère meilleure en France. Nous prévoyons une croissance à 0,8% en 2024 – très loin de l’objectif officiel de 1,4% du gouvernement qui semble inatteignable. La demande s’essouffle rapidement dans un contexte où les ménages ont de plus en plus peur de l’avenir. La détérioration des perspectives d’emploi dans les dernières enquêtes d’opinion auprès des chefs d’entreprise n’augure rien de bon.
La logique économique voudrait que la BCE baisse ses taux avant la Fed dès le début du printemps. Mais ce n’est pas garanti. Par le passé, la BCE a souvent tardé à réagir. Ce fut le cas dans la bataille contre l’inflation élevée. De précieux mois ont été perdus à tergiverser sur la nature précise de la dynamique d’inflation. Il n’est pas exclu, malheureusement, que ce soit également le cas maintenant que se pose la question du soutien à la croissance et de l’assouplissement des conditions monétaires. La BCE, toujours un train de retard ?