Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
La période actuelle est inédite.
L’euro joue un rôle de valeur refuge, à la surprise générale. La paire EUR/USD est en progression de presque 10% depuis le début de l’année. Ce n’est certainement qu’un début. Le marché des options anticipe une hausse jusqu’à 1,20. En se basant sur la parité de pouvoir d’achat, un taux de change aligné aux fondamentaux économiques se situe autour de 1,25-1,30. À court terme, il faudra surtout surveiller la résistance située à 1,15. En cas de cassure, la paire pourrait rallier rapidement le seuil de 1,17.
Le marché du pétrole anticipe une récession. Le pétrole WTI ajusté de l’inflation est à son niveau de prix d’il y a 40 ans. Les spéculateurs fuient le Brent. Selon les données de la CFTC américaine portant sur la semaine allant au 12 avril, ils n’ont jamais autant vendu de Brent de toute l’histoire. La géopolitique du pétrole évolue également. Dans la foulée des dernières annonces de la Maison Blanche, les raffineries chinoises ont réduit leurs importations de pétrole américain de 90% et maintenant achètent du pétrole canadien dans des quantités record.
Les actions n’ont pas le vent en poupe, malgré les valorisations attrayantes des deux côtés de l’Atlantique. Sur la semaine du 5 au 10 avril, les fonds spéculatifs n’ont jamais autant vendu d’actions européennes de toute l’histoire. Les investisseurs craignent une deuxième baisse des actions en mai, d’où la prudence actuelle.
La liquidité est au plus bas. Sur le segment obligataire, elle s’effondre. Pour les obligations d’entreprises « off-the-run », elle est à son plus bas niveau depuis mars 2020 avec des écarts acheteur-vendeur historiquement élevés. Pour les obligations liquides récentes (émises il y a moins d’un an), la situation est meilleure avec des spreads serrés. En revanche, le marché du high yield est gelé des deux côtés de l’Atlantique.
L’or continue sur sa lancée, preuve de l’anxiété actuelle des investisseurs.
Perspectives
Cette semaine, le calendrier économique est quasiment vide.
Les points à surveiller :
*L’évolution du marché obligataire américain qui préoccupe plus l’administration Trump que le marché des actions.
*Les signes de craquement sur le marché des CLO (Collateralized Loan Obligations) aux États-Unis. Les spreads bondissent au-dessus du taux SOFR, ce qui confirme des problèmes de liquidité. C’est un nouveau point de fragilité qui est apparu ces derniers jours.
*Une possible opération de liquidité de la Fed (opération de repo, achats de bons du Trésor sur une courte période, baisse temporaire du ratio de levier supplémentaire des banques etc.).
*La publication le 30 mai de l’évolution des titres financiers détenus par la banque centrale chinoise. Il y a beaucoup de rumeurs à propos de ventes massives par la Chine de bons du Trésor américain. Pour l’instant, rien ne permet de le confirmer. Il faudra attendre la fin du mois pour savoir de quoi il en retourne.
Vous ne l’avez pas lu dans la presse
Les matières premières sont également impactées par la crise de confiance actuelle. En l’espace de quelques séances, les contrats à terme sur le jus d’orange ont grimpé de 43%. En cause, des craintes concernant la production et la possibilité que l’UE réagisse aux mesures protectionnistes américaines en surtaxant le jus d’orange de Floride. Aucun segment de marché n’est épargné par les retombées du « Jour de la Libération ».