Skip to main content

Emmanuel Petit, Associé-Gérant, Responsable de la Gestion Obligataire et Philippe Lomné, Gestionnaire Obligataire Spécialisation : Crédit IG & Crossover, Rothschild & Co Asset Management.

Alors que la BCE et la Fed viennent toutes deux d’entamer la normalisation de leurs politiques monétaires, le rythme et l’ampleur de ce mouvement restent encore incertains au regard des fondamentaux économiques. Comment appréhender ce nouvel environnement ? Décryptage avec Emmanuel Petit et Philippe Lomné, gérants de R-co Conviction Credit Euro.

Comment interpréter les dernières baisses de taux directeurs ?

Les décisions prisent dernièrement par les banques centrales marquent clairement l’enclenchement d’un cycle de baisse de taux. La BCE a déjà opéré deux baisses de 25 points de base, en juin, puis en septembre, alors que la Fed vient d’entériner une première baisse directement de 50 points de base, une première depuis 2020. Ces décisions s’appuient sur des chiffres d’inflation globale bien orientés, à 2,2 % en Europe1 et 2,5 % aux États-Unis2, proches de la cible des 2 %. L’inflation structurelle, dite « core3», reste toutefois stable, autour de 2,8 % en Europe et 3,2 % aux États-Unis2, soutenue par un secteur des services particulièrement exposé aux pressions salariales.

Cette décision marque-t-elle un changement d’appréciation de la part banques centrales ?

En dépit de ce changement de cap, les banques centrales continuent de marteler qu’elles sont et resteront « data dependent». Si, jusqu’à présent, l’inflation leur servait de boussole, désormais, ce sont les données d’emploi qui sont observées avec la plus grande attention. La décision d’assouplir leurs politiques monétaires indiquent néanmoins que, toutes deux, misent sur une hausse du taux de chômage dans les mois à venir.

Comment se comporte le marché de l’emploi dans ces deux zones ?

En Europe, le taux de chômage est au plus bas et la croissance des salaires reste vigoureuse, à près de 4 %1, sans gain de productivité. Les entreprises pourraient, dès lors, être tentées d’augmenter leurs prix pour maintenir leurs marges. Du côté des États-Unis, le taux de chômage à, certes, augmenté de 0,8 % depuis son point bas du mois de mai 20232 mais, comme l’indiquait les dernières publications, les inscriptions au chômage étaient en baisse, en tendance également sur les derniers mois. Avec des ventes au détail qui restent résilientes, ces chiffres nous indiquent que nous sommes encore loin d’un environnement récessionniste.

À quoi peut-on s’attendre dans les mois à venir ?

Pour l’instant, on peut estimer que les banques centrales réduisent leur politique monétaire restrictive au rythme de la perte de vitesse des économies. Il faudrait que ces dernières chutent brutalement au cours des prochains mois pour que les banques centrales se sentent véritablement à l’aise avec l’idée de continuer à baisser leurs taux. Lorsque l’on regarde les indicateurs avancés, ils signalent d’ores et déjà un ralentissement économique. Néanmoins, la valorisation des actifs risqués n’intègre absolument pas l’éventualité d’une récession. Un scénario alternatif à la récession et au « soft landing5» repose sur l’idée que les banques centrales commencent trop tôt à desserrer l’étau monétaire, avant que l’inflation ne soit revenue à la cible. En reboostant l’économie par des baisses de taux, le risque serait faire repartir l’inflation, et donc de remonter les taux plus tard avec, pour le coup, un impact très négatif sur l’économie. Les banques centrales prennent donc actuellement un vrai pari concernant la maitrise de l’inflation.

Comment ont réagi les marchés suite à ces décisions ?

À horizon un an, les marchés de taux anticipent désormais huit baisses de taux aux États-Unis et jusqu’à sept en Europe, soit un total de dix et neufs respectivement, en comptant celles qui ont déjà eu lieu. Cette estimation correspond au nombre de baisses moyen observées lors des dernières récessions, crises financières comprises. Au regard de la situation actuelle, cela peut paraître élevé. Les banques centrales pourraient adopter un rythme plus lent afin de conserver une marge de manœuvre, comme l’a indiqué Philip Lane, l’économiste en chef de la BCE.

Où se situent actuellement les niveaux de taux ?

Les courbes de taux se sont repentifiés durant l’été. La pente de la courbe américaine s’est même réinstallée en territoire positif entre le 2 et le 10 ans, après avoir atteint un plus bas, à -110 points de base, en Juillet 20236. Nous pensons néanmoins qu’il convient de prendre un peu de perspective. Le point haut atteint par les taux européens date d’octobre 2023 et s’établissait à près de 3 %6. Son niveau se situe désormais à 2,15 % alors que la repentification des courbes a débuté en juillet 20236. Ce mouvement s’est donc enclenché il y a déjà plus d’un an. Pour un indice crédit, cela représente près de 10 % de performance7.

Quelle est votre approche dans cet environnement ?

Actuellement, la difficulté tient au positionnement à adopter vis-à-vis des anticipations de taux à un an. Nous considérons qu’il convient de se montrer plus prudent sur la duration pour deux raisons, avec un biais pour la pentification de la courbe. La première concerne la valorisation des courbes de taux qui intègre déjà un scénario de récession, notamment via des anticipations d’inflation à 1,60 % sur la courbe allemande6, alors que la cible des banques centrales est de 2 %. Par ailleurs, si les marchés se montrent trop optimistes quant au rythme et à l’ampleur des baisses de taux, dans le cas où l’économie reste résiliente, on peut s’attendre à une hausse de la volatilité qu’il faudra être en mesure de capter. Cette volatilité se matérialisera certainement sur les taux, mais également sur le crédit, où les spreads8 se sont beaucoup resserrés. Par ailleurs, cette classe d’actifs réagirait particulièrement mal si les investisseurs venaient à être pris à contrepied sur les taux. Une situation qui, pour le coup, précédera un retournement cyclique plus dur. Compte tenu de ces éléments, cette stratégie nous paraît actuellement être la plus convexe.

Comment un fonds comme R-co Conviction Credit Euro peut se distinguer dans cet environnement ?

La flexibilité de notre gestion nous offre la latitude nécessaire pour traverser les différents cycles de crédit, notamment dans les périodes charnières, à l’image de celle que nous traversons actuellement. Plus globalement, notre philosophie d’investissement repose sur des convictions fortes, nous amenant parfois à nous éloigner sensiblement de notre indice de référence, aussi bien en matière de duration que de risque crédit. Notre portefeuille est essentiellement composé d’obligations corporates Investment Grade9 mais nous diversifions notre exposition avec des titres High Yield et non notés sélectionnés de manière tactique. Notre réactivité est également un atout. Nous sommes particulièrement attentifs aux mouvements de marché pour saisir les opportunités, dès qu’elles se présentent, car sur les marchés obligataires, le timing est souvent clé.

(1) Source : Eurostat, septembre 2024.
(2) Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, septembre 2024.
(3) Hors alimentation et énergie.
(4) Dépendante des données.
(5) Atterrissage en douceur : scénario dans lequel la politique monétaire parvient à faire reculer l’inflation sans déclencher d récession.
(6) Source : Bloomberg, 17/08/2024.
(7) Source : Bloomberg, Rothschild & Co Asset Management, 17/08/2024.
(8) Écart de rendement entre une obligation et un emprunt de maturité équivalente considéré comme « sans risque ».
(9) Titre de créance émis par des entreprises ou États dont la notation est comprise entre AAA et BBB- selon l’échelle de Standard & Poor’s.

EFI

Author EFI

More posts by EFI