Que se passerait-il si j’étais plusieurs mois en incapacité? Ou si je décédais soudainement? Le chef d’entreprise préfère évidemment envisager des scénarios plus réjouissants; pourtant, il faut prendre le temps d’y réfléchir. Pour votre propre tranquillité d’esprit comme pour celle de vos proches.
En tant que chef d’entreprise, vous désirez aller de l’avant. Vous concentrer sur vos objectifs, croître, innover, réaliser des rêves audacieux. L’idée de s’attarder – en plus de votre agenda professionnel et privé – sur des questions telles que votre succession peut sembler inconfortable, voire non pertinente. Vous êtes en parfaite santé, tout va bien. Planifier, vous vous en préoccuperez quand vous aurez 60 ou 70 ans !
Si vous n’agissez pas dès maintenant…
Que se passera-t-il si quelque chose vous arrive avant que vous ayez posé quoi que ce soit sur le papier? “Si vous n’avez rien prévu et que vous décédez, votre succession sera attribuée selon les règles légales de la dévolution successorale : aucune distinction ne sera faite entre les actions de votre entreprise, votre portefeuille d’investissements et votre compte d’épargne”, prévient Sophie Slits, senior estate planner chez Nagelmackers. “Si vous êtes marié sous le régime légal ou même celui de la séparation de biens, votre conjoint recevra l’usufruit et vos enfants la nue-propriété de votre succession (y compris votre entreprise). Si vous êtes en cohabitation de fait ou légale, les enfants obtiendront la pleine propriété de votre entreprise sauf dispositions contraires.”
Cette dévolution successorale légale peut ne pas être souhaitable et peut également entraîner des droits de succession importants. Supposons que les actions de votre entreprise reviennent à vos jumeaux de 11 ans et qu’ils soient soumis à des droits de succession pouvant aller jusqu’à 30%… Ou encore qu’après votre décès, votre conjoint obtienne l’usufruit de vos actions et vos trois enfants une partie de la nue-propriété chacun: cette configuration pourrait entraver le bon fonctionnement sociétal et compromettre la continuité de vos activités.
Par où commencer?
“Tout d’abord, il est essentiel d’élaborer un tableau précis de votre situation”, avance Solange Saghbini, Tax Advisor chez Nagelmackers. “La première étape consiste à faire l’état des lieux de votre patrimoine mobilier et immobilier (actif et passif) et de votre situation familiale. Par exemple, les actions de votre société peuvent être inscrites à votre nom, mais cela ne signifie pas qu’elles vous appartiennent à 100%: elles peuvent être communes, par exemple si votre société a été créée pendant votre mariage et que vous avez un régime de communauté.”
Que faire?
Une fois la situation et les enjeux clarifiés, vous pouvez commencer à prendre des dispositions. D’une part, il convient de se protéger mutuellement afin de veiller à ce que vos proches et plus particulièrement votre partenaire ne manquent de rien. D’autre part, ces dispositions doivent prévoir une répartition équitable en cas de divorce ou de rupture de l’entente familiale. Contrat de mariage, testament, donation pure et simple ou avec des modalités, mandat de protection, assurance décès: les possibilités d’instruments de planification successorale sont nombreuses. Certaines d’entre elles concernent plus particulièrement les chefs d’entreprise:
Profitez d’un régime favorable aux entreprises familiales
En ligne directe et entre partenaires, les droits de succession peuvent atteindre 30%. “Heureusement, un régime favorable s’applique aux entreprises familiales”, indique Sophie Slits. “Vos proches peuvent hériter des actions à un taux de 0% (région wallonne) ou 3% (région de Bruxelles-Capitale) seulement.” Pour cela, il faut remplir une série de conditions. Des conditions doivent être remplies par l’entreprise pour bénéficier de ce taux préférentiel et des conditions doivent être remplies durant 5 ans suite au décès. Votre entreprise pourrait-elle bénéficier de ces taux? Renseignez-vous auprès du service public de votre région afin qu’une analyse préalable puisse se faire et ainsi faciliter la tâche de vos héritiers au moment de l’ouverture de la succession”.
Limitez les droits de succession avec une assurance décès temporaire
La donation assorties de conditions est certes un moyen de réduire la charge de l’héritage, “mais elle n’est pas toujours souhaitable”, nuance Sophie Slits. “C’est pourquoi il peut être intéressant de souscrire une assurance décès temporaire, d’une durée de 10 ans par exemple. En cas de décès, l’assureur verse un montant à vos héritiers pour régler les droits de succession. Vous pouvez souscrire cette assurance à titre privé ou dans le cadre d’une couverture complémentaire de votre EIP, votre engagement individuel de pension.”
Scénario de succession prévu par les statuts et mandat
Il peut être judicieux de prévoir dans les statuts un scénario de succession au cas où vous seriez temporairement ou définitivement dans l’incapacité de prendre des décisions. “Vous pouvez par exemple prévoir de nommer la personne chargée de la gestion quotidienne à votre place”, illustre Solange Saghbini. “Le moment est idéal, car vous devrez de toute façon adapter vos statuts aux dispositions du nouveau Code des sociétés et associations au plus tard pour la fin de cette année, si cela n’a pas déjà été fait.”
Et profitez peut-être de votre visite chez le notaire pour rédiger un mandat de protection “Supposons que vous vous retrouviez en incapacité juridique à la suite d’un accident. Dans ce cas, toutes les décisions concernant vos opérations bancaires, la vente de biens immobiliers, la vente de l’entreprise, etc., devront être prises par le juge de paix. Avec un mandat de protection, vous pourrez désigner une personne de votre entourage pour prendre les décisions concernant votre entreprise et/ou votre patrimoine privé si vous n’êtes plus en mesure de le faire vous-même.”