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Thomas Planell DNCA Investments

Tout ne va pas mal en Chine.

Bien que perçue par les partenaires commerciaux occidentaux et japonais comme un adversaire, elle exporte à plein régime vers ses débouchés émergents, affichant un excédent commercial de presque 100 milliards de dollars pour le mois de juin !

Ses champions de la « nouvelle production » (renouvelables, véhicules électriques, nucléaire, réseaux, technologie) prennent le relais de l’ancien monde manufacturier et prospèrent.

Mais la démographie vieillissante (la population décroît depuis 2022), les chiffres non officiels vertigineux du chômage, la perte de confiance des ménages (crise immobilière, effondrement de la bourse) dépriment la consommation, l’investissement et engendrent la déflation, ennemie de la hausse du PIB par habitant, indispensable au peuple pour tolérer l’organisation centralisée d’un pouvoir qui rogne sur ses libertés individuelles et commande à sa destinée depuis sa tour d’ivoire.

Dans les conditions actuelles, la politique de prospérité commune peut donc échouer, et cela est inacceptable, car le cas échéant, c’est le modèle et donc l’autorité du parti qui peuvent flancher. Alors pour Xi Jinping, c’est désormais une question existentielle qui se pose. Et c’est probablement la raison pour laquelle une réponse historique est requise. Qu’elle conduise ou non au succès, seul le temps nous le dira.

Par la baisse des réserves règlementaires, qui libère 1000 milliards de yuan, la banque centrale augmente l’offre de monnaie et baisse les taux (-20 points de base pour les taux de reverse repo). Cela semble peu quand on regarde du côté de la FED ou de la BCE, mais la baisse de 30 points de base des taux d’emprunt à 1 an est en réalité historique.

En parallèle, on réduit les taux d’emprunt immobilier de 50 points de base, on baisse de 10 points les taux d’apport pour les résidences secondaires, on fait garantir non plus 60% mais 100% du programme d’emprunt immobilier de 300 milliards par la Banque Centrale. Pas de quoi relancer l’immobilier, certes. Mais ce n’est pas le but recherché. L’objectif est d’ancrer dans l’esprit de chacun que les prix ont fini de baisser pour stimuler la confiance, plutôt que de relancer la frénésie immobilière que l’Etat entend définitivement condamner. Néanmoins, à elle seule, cette politique monétaire est insuffisante pour adresser la chute de la consommation : à quoi bon mener une politique de l’offre (de monnaie) quand c’est du côté des fondamentaux de la demande que le bât blesse.

Première réponse : parce que cela permet de reflater les actifs financiers et tout particulièrement les marchés actions. Et c’est désormais un but avoué, car des marchés actions domestiques florissants sont non seulement l’instrument officiel de restauration de la confiance, mais aussi celui du financement des futurs champions technologiques que la Chine entend dresser devant l’Amérique (sommes-nous aux prémices d’un boulevard d’introductions en bourse ?), du financement de la rente de la vague de retraités à laquelle s’apprête à faire face le pays, de la stabilité et de la modernité financière.

Et à ce titre, les ambitions sont claires avec une nouvelle facilité historique d’échange (swaps) d’actifs financiers risqués (actions notamment…) contre du collatéral sans risque et 300 milliards de facilité de financement à 1,75% pour les entreprises souhaitant racheter leurs actions. Ce qui revient presque à faire intervenir la PBOC, comme la Banque du Japon, directement sur les marchés actions… Plusieurs véhicules d’investissement étatiques ont déjà acheté 80 milliards de dollars d’ETF depuis le début de l’année.

Et surtout, deuxième réponse : c’est le volet fiscal qui devrait dynamiser la demande, et ce sont très certainement les actions prises en ce sens qui pourraient être les plus marquantes. Sans que ce soit encore confirmé, on évoque actuellement 2000 milliards de yuan d’émissions de dette d’Etat (au niveau central). La moitié serait mobilisée pour subventionner la consommation des ménages, l’autre moitié soulagerait le bilan des collectivités locales. A cela s’ajouterait un paquet extraordinaire de 1000 milliards de yuan pour capitaliser les banques d’Etat : c’est la première fois depuis novembre 2008 qu’elles pourraient être soutenues de la sorte.

Le jeu de vase communicants se met en marche : la déferlante de dette à émettre repentifie la courbe, les capitaux quittent les obligations à long terme (10 à 30 ans) dont les taux s’envolent au profit des marchés actions, libérés de leur carcan par le soutien officiel. Les investisseurs internationaux, encore paralysés il y a 10 jours (les attentes de croissance chinoise recueillies par Bank of America le 17 septembre étaient à un point bas historique !) se jettent sur les actions chinoises. L’afflux de capitaux renchérit la devise, effet collatéral indésirable pour la banque centrale pour qui la devise faible est un outil de reflation de l’économie. Risque-t-elle de se trouver, à l’instar de la Banque du Japon autrefois, prise dans le piège de la fuite en avant ?

Pour les marchés actions internationaux, le cocktail est détonant. Le stimulus chinois, la dégradation moins marquée des surprises économiques en Europe et aux Etats-Unis au gré des dernières statistiques, le tout dans un contexte d’effondrement du prix du baril causé par la capitulation de l’Arabie Saoudite et de baisse des taux un peu partout sur la planète donne un coup de brushing séduisant au scénario Boucles d’or. L’appétit pour le risque, qui revêt pour les plus sceptiques l’aspect de l’exubérance irrationnelle d’un fear of missing out emporte tout, des métaux industriels aux petites capitalisations. Entre dopage à grands coups de stimulus ou de baisse des taux et réalité des fondamentaux, il va falloir néanmoins trouver un équilibre. Les données macro-économiques resteront prépondérantes, tandis qu’à l’approche des résultats du troisième trimestre, il faudra se montrer clairvoyant quant aux attentes de croissance bénéficiaire des marchés.

L’afflux sur l’or qui s’approche des cibles les plus optimistes de fin d’année nous raconte qu’en parallèle de l’euphorie, l’on cherche à se couvrir contre l’explosion de l’endettement public, l’accroissement des déficits, le débasement des devises, tandis que clôturant un à un les big shorts (Yen, Chine) des deux dernières années, les marchés cherchent de nouvelles victimes… ​

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