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Ce dicton de « boursicoteur » n’a jamais été aussi vrai cet été. Alors que la deuxième quinzaine de septembre est réputée être la pire de l’année, quelques spécialistes livrent leurs analyses sur les risques économiques des prochains mois.  

Après un mois d’aout entamé dans la panique et achevé dans le tumulte, « bienvenue en septembre ! ». Le neuvième mois de l’année est considéré par les statisticiens comme le pire pour les indices boursiers. Et que plus précisément, sa seconde quinzaine est citée être la plus dangereuse et la plus horrible de l’année.  Le lot de traquenards pour la fin de l’année est considérable : élections américaines, risque politique européen, ralentissement économique ou même récession. La fin de l’année sera aussi le temps des banquiers centraux qui doivent procéder à des baisses de taux, quand et avec quelle amplitude. Il y a aussi la chine qui, en vain, s’époumonne à faire rebondir son économie, le niveau de dette de quelques pays qui commence à inquiéter. Puis les doutes sur le potentiel de l’IA et de Nvidia, l’american dream se font plus vifs chez les investisseurs.

Voilà une liste d’écueils que les marchés vont devoir surmonter s’ils veulent éviter de perpétuer la tradition du mois de septembre et de sa seconde quinzaine. Sans oublier d’autres oiseaux de mauvais augures qui déjà rappellent qu’octobre est le mois des krachs. Mais tous ne sont pas tous de cet avis.

Marc Twain avait aussi son avis

Certains considèrent que cet « effet septembre et octobre » n’est qu’une fable. « Depuis la Seconde Guerre mondiale, 61 rallyes boursiers avec une hausse supérieure de 10 % ont été répertoriés.  À dix neuf reprises, ils ont débuté en octobre, » explique Christopher Dembik Conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management. Et comme ironisait le romancier américain Marc Twain, l’humoriste américain : « Octobre est un des plus mauvais mois pour jouer en Bourse. Les autres sont : juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février. »

La zone euro

Du point de vue économique, les voyants ne sont pas au rouge. Selon Enguerrand Artaz, Gérant, La Financière de l’Echiquier (LFDE), la zone euro va continuer de connaître une croissance faible, positive, portée notamment par un marché du travail toujours extrêmement résilient. Le marasme de l’économie allemande qui pourrait traverser une nouvelle récession technique au 3e trimestre reste un frein. (L’Allemagne est victime du manque de ressort actuel de l’économie chinoise). Hors zone euro, le Royaume-Uni et la Suède connaissent un redressement régulier depuis plusieurs mois ajoute Enguerrand Artaz.

Au-delà de l’incertitude politique des deux plus grandes économies européennes (France, Allemagne), le redressement de l’activité des 5 premiers mois de l’année semble avoir fait long feu estime Laurent Denize global CIO chez ODDO BHF Asset Management. « Les indicateurs avancés (PMI, IFO…) suggèrent désormais une activité quasiment au point mort. Le PIB ne devrait pas dépasser 1.0% en 2024 et 1.5% en 2025. Les 2 baisses de taux de 0,25 % attendues en septembre et décembre participeront au soutien de notre scénario de « soft landing ». 

Ici Christopher Dembik est plus prudent : « le rythme de baisse du loyer de l’argent est trop lent en zone euro au regard de la faible croissance. Une baisse de 0,25 % de la BCE en septembre, même répétée en décembre est insuffisante. La triste réalité, c’est que les gains de croissance des derniers trimestres se sont essentiellement construits avec le commerce extérieur (et donc au taux de change faible de l’euro depuis quelques mois) et non pas à la demande intérieure qui reste fragile alors qu’elle représente environ 95 % du PIB de la zone. Sans une reprise plus ferme du crédit, qui permettrait de relancer l’investissement des ménages et des entreprises, on peut craindre que la stagnation économique s’installe durablement en zone euro. Sans oublier certains déficits budgétaires qu’il faut réduire, souligne encore l’expert de chez Pictet Asset Management.

L’inflation, c’est presque du passé

Sur le front de l’inflation, en général, explique Enguerrand Artaz, la tendance mondiale à la désinflation devrait se poursuivre. Aux Etats-Unis, l’inflation n’est guère plus tenue que par le logement, dont la prise en compte est très retardée dans les grandes mesures d’inflation (CPI et PCE[1]), et l’inflation des services a clairement reflué.

Cependant, en zone euro, l’inflation reste plus élevée et plus « collante », en raison tout particulièrement d’un marché de l’emploi encore tendu, selon Enguerrand Artaz. Christopher Dembik souligne que l’inflation, avec un retour à un niveau proche de 2 %, ne doit plus être un sujet de préoccupation. Chez Mandarine Gestion, Florian Alain, gérant actions et Philippe Tranchet, directeur de la gestion obligataire, affirment aussi que le principal souci de Jérôme Powell est d’assurer à présent un atterrissage en douceur de l’économie américaine, avec une inflation maitrisée…Cependant, l’éléphant dans la pièce, reste l’échéance des élections dont la proximité pourrait interférer avec les décisions de la FED quant à sa politique monétaire. Et les deux analystes de chez Mandarine Gestion insistent sur les marges de manœuvre budgétaires devenues limitées avec l’ampleur des déficits.

Pour les spécialistes de chez Mandarine Gestion, l’inflation ralentit et ouvre la porte aux baisses de taux. Entre le début et la fin de l’été, l’anticipation du marché sur les taux directeurs est passée de 4,2 % à 3,2 %. Mais un niveau de taux autour de 3,5 % d’ici juillet 2025 aux Etats-Unis est plus réaliste, et de 2,5 % en Europe concluent les deux spécialistes.

Les Etats-Unis mieux logés

Laurent Denize CIO à ODDO BHF AM n’adhère pas aussi au scénario de récession aux Etats-Unis et parie sur une baisse des taux de la FED de 0,75 % en trois mouvements d’ici la fin d’année et de 1 % supplémentaire en 2025 soit un rythme d’une baisse de 0,25 % chaque trimestre. Christopher Dembik est assez d’accord avec ce programme. « L’économie américaine continue à surprendre et reste en excellente santé avec un consommateur qui reste en forme. » Baromètre qui ne trompe pas, le citoyen américain n’a jamais pris autant l’avion et autant assister à des événements culturels ces dernières semaines.

Notre vision centrale, pour les 6 prochains mois se résume à un atterrissage en douceur (« soft landing ») sur fond de ralentissement de l’économie mondiale et de désinflation » estime Laurent Denize. Avec  une activité qui traverse depuis deux mois une sorte de trou d’air (baisse du moral des industriels, faiblesse de l’emploi, remontée du taux de chômage), nous tablons sur une croissance désormais attendue sous la barre des 2% en 2025. Le retour des tensions commerciales en cas de réélection de Donald Trump est également à prendre en compte, tout comme l’accroissement du déficit américain en cas d’application du programme de Kamala Harris. 

Si la croissance semble résiliente, des signes de fragilité viennent d’apparaître affirme Enguerrand Artaz. Un décalage grandissant entre les niveaux de revenu des ménages et leur consommation, ajoute-t-il, se traduit par une épargne qui est tombée à 2,9 % du revenu disponible. Rien d’alarmant encore sauf si le marché de l’emploi se dégrade alors qu’en parallèle les charges d’intérêts sur les crédits engagés grimpent. Les données sur l’emploi américain restent donc clé, pour la trajectoire américaine et, par ricochet, pour celle de l’économie mondiale. Et sur ce front, les tendances sous-jacentes invitent clairement à la prudence, avec un risque de récession qui s’est accru. 

Une Chine toujours fébrile

En Chine, explique Laurent Denize, l’activité est poussive, pénalisée par un ralentissement de la demande domestique privée. Les autorités sont obligées d’accroître leur soutien mais la réaction est tardive, insuffisante, et mal ciblée. La cible des 5% de croissance fixée pour 2024 est de moins en moins crédible. La faible marge de manœuvre sur le plan monétaire ne devrait pas faciliter la croissance future. Christopher Dembik est aussi sceptique sur l’évolution de l’économie chinoise. « Même si les actions chinoises restent sous-valorisée, nous ne détectons aucun signe positif qui justifierait d’investir dans ce marché. » Florian Allain, gérant actions, chez Mandarine Gestion a du mal aussi à imaginer les moteurs qui pourraient permettre à l’économie chinoise à dépasser son ralentissement économique et même à atteindre les 5 % de croissance. 


[1] Consumer price index et Personal Consumption Expenditures Price Index

Daniel Pechon

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