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L’IA réclamant toujours plus de données, nous avons besoin de centres de données pour le stockage et le traitement sécurisés de toutes les informations. Les sociétés qui contribuent à l’efficacité des centres de données auront l’avantage.

Par Rachele Beata, Pictet Asset Management.

Compte tenu de l’essor des applications de l’intelligence artificielle (IA), les besoins en puissance de calcul et en capacité de stockage augmentent. Il est primordial pour les entreprises, les particuliers et les États de traiter et stocker ces données de manière sécurisée. C’est pourquoi la demande de centres de données complexes augmente, ce qui, selon nous, fait émerger des opportunités d’investissement attrayantes, aussi bien dans les centres de données proprement dits que dans les infrastructures dont ils dépendent.

Les centres de données sont désormais un élément essentiel à la satisfaction de ces exigences de plus en plus élevées, car ils représentent des infrastructures indispensables à la gestion de la charge de travail colossale de l’IA. Ces dix dernières années, les promoteurs ont constamment augmenté la capacité des nouveaux centres de données en colocation (c’est-à-dire qui hébergent les serveurs et les réseaux de nombreuses sociétés dans des installations partagées) ainsi que des centres hyperscale (spécialement conçus pour répondre aux exigences de capacités et de performances élevées des grandes entreprises technologiques et des fournisseurs de services cloud).

L’essor de l’IA générative devrait faire grimper les besoins pour des capacités toujours plus élevées, ce qui entraînera un nouveau cycle de dépenses d’investissement des entreprises hyperscale et exigera des investissements substantiels dans les infrastructures des centres de données au cours des années à venir. Afin de continuer à stocker les informations de manière sûre et sécurisée, l’infrastructure des centres de données devra évoluer pour intégrer la puissance supplémentaire réclamée par l’IA et se prémunir contre les pertes de données en raison d’une surchauffe, de coupures de courant ou d’incendies.

Entraînement contre inférence

Les IA reposent sur deux modèles principaux, chacun présentant des exigences particulières concernant les centres de données :

  • Entraînement de l’IA : construire un modèle dans le but de reconnaître des tendances et de faire des prédictions à partir des données d’entrée. Ces tâches peuvent être effectuées efficacement dans un environnement relativement isolé, car elles sont moins sensibles à la latence. L’entraînement de l’IA peut être réalisé dans un centre de données installé dans une zone rurale, ce qui permet de réduire les coûts fonciers.
  • Inférence de l’IA : générer des prédictions ou des résultats à partir des connaissances acquises à l’aide de données d’entrée (c’est-à-dire ChatGPT). Elle exige des performances exceptionnelles et une latence minimale pour permettre une interaction en temps réel entre les utilisateurs finaux et les applications. Pour satisfaire de telles exigences, un centre de données situé en zone urbaine constitue le parfait exemple d’installation adaptée à l’inférence de l’IA.

Même si, actuellement, les modèles d’entraînement de l’IA sont les plus fréquents, nous pensons que les opérateurs de colocation trouveront davantage de potentiel dans le domaine de l’inférence de l’IA. Son marché adressable pourrait être environ 10 à 15 fois plus important que celui de l’entraînement1. Les centres de données utilisés pour l’inférence nécessitent une densité de puissance inférieure de moitié à celle des centres dédiés à l’entraînement et il sera probablement nécessaire de les répliquer dans 20 à 30 sites à travers le monde.

La demande de puissance: un goulot d’étranglement pour les centres de données

La construction d’un centre de données doit surmonter deux difficultés critiques: la disponibilité des sols et les contraintes énergétiques. C’est pourquoi la demande est largement supérieure à l’offre disponible, une tendance qui devrait se poursuivre dans un avenir proche.

La disponibilité énergétique est particulièrement problématique. Les entreprises de services aux collectivités sont généralement préparées à gérer des hausses linéaires de la demande, mais les augmentations de consommation par paliers provoquées par les centres de données en raison de l’IA posent un défi unique (voir Fig. 1). En 2023, la consommation d’énergie du marché mondial des centres de données a atteint 60 GW. Elle devrait doubler à 122 GW d’ici à 2027, soit un taux de croissance annuel composé (TCAC) d’environ 20%2.

L’adoption des applications d’IA est l’une des principales raisons de l’augmentation de la demande d’énergie des centres de données. La densité énergétiquedes serveurs d’IA est nettement supérieure à celle des serveurs de processeurs traditionnels (CPU). Ils utilisent des processeurs graphiques (GPU), qui nécessitent cinq fois plus de puissance que les serveurs CPU traditionnels et génèrent cinq fois plus de chaleur4.

On estime que l’IA représentera 80% de l’énergie consommée dans les centres de données au cours des 15 prochaines années. L’accès à l’électricité est donc un facteur de différenciation clé5.

La densité de puissance moyenne des centres de données s’élève actuellement à environ 10 kW par rack. Comme les applications d’IA nécessitent une densité de puissance plus élevée en raison de l’utilisation de GPU, les centres de données hyperscale anticipent que la moyenne passera à 40-50 kW par rack dans les années à venir6.

Avec l’adoption de plus en plus généralisée de l’IA, les opérateurs de centres de données vont devoir mettre à niveau leurs infrastructures électriques (c’est-à-dire gérer l’alimentation du réseau électrique local jusqu’aux processeurs), mais ils pourraient avoir besoin de plusieurs années pour cela. L’un des moyens d’accélérer le processus passe par la construction dans des zones où les infrastructures requises existent déjà, même si cela implique de moderniser ou de remplacer des structures existantes.

L’avenir de la conception de centres de données

L’augmentation de la consommation d’électricité nécessitera également davantage d’équipements de chauffage, ventilation et climatisation (HVAC), compte tenu de l’augmentation de la chaleur générée. Les centres de données devront donc investir dans leurs systèmes de gestion des températures (c’est-à-dire, les systèmes de refroidissement, la gestion des flux d’air).

En effet, l’utilisation des applications d’IA génère une chaleur importante, les centres de données doivent donc maintenir des températures de fonctionnement optimales pour éviter les pannes matérielles et garantir des performances fiables.

Aujourd’hui, la plupart des centres de données sont refroidis par air. Pourtant, la densité croissante des serveurs dépasse les capacités des systèmes de refroidissement à air, celles-ci plafonnant à 15-25 kW par rack, un seuil au-delà duquel elle perd en efficacité7. Avec l’augmentation de la densité de puissance au-delà de cette limite, les opérateurs vont devoir commencer à envisager les technologies de refroidissement liquide comme option la plus viable.

Jusqu’à récemment, les techniques de refroidissement localisées ont permis à la conception des centres de données de suivre le rythme des exigences en matière de densité de puissance. Aujourd’hui, l’accent porte davantage sur des solutions de refroidissement liquide à plus grande échelle destinées à s’adapter aux densités de rack plus élevées requises pour l’IA générative. Cela dit, de nombreux opérateurs de centres de données conservent pour le moment leurs concepts de base, étant donné que, selon eux, ils sont encore en mesure de satisfaire les exigences actuelles liées à l’IA. Compte tenu de l’intégration toujours plus grande de l’IA générative dans notre vie quotidienne, nous pensons que de plus en plus d’acteurs vont se tourner vers le refroidissement et la modernisation des anciennes installations.

Dès lors, la taille du marché adressable total (TAM) de la gestion thermique liquide des centres de données pourrait être multipliée par cinq au cours des cinq prochaines années (Fig. 2). Les entreprises fournissant des systèmes de refroidissement – ou des équipements associés – pourraient donc constituer des investissements intéressants.

L’incendie qui s’est déclenché dans un centre de données à Strasbourg en 2021, et qui a perturbé des millions de sites Web, y compris ceux du gouvernement, entraînant une perte substantielle de données, est venu rappeler l’importance de systèmes de refroidissement efficaces pour des raisons de sécurité.

Un vent porteur pour le secteur

Nous avons déjà pu entrapercevoir cette demande croissante en 2023, une période inédite dans l’histoire des centres de données. Plus de 6 gigawatts (GW) de capacité supplémentaire ont été loués à l’échelle mondiale, dont la majorité, environ 4 à 5 GW, en Amérique du Nord8. Les capacités louées représentaient le double du volume enregistré en 2022, une année avait pourtant déjà battu un record historique, et près de huit fois le volume observé en 20199.

Les contraintes liées à l’offre et la forte demande ont ainsi fait grimper les loyers pour les acteurs des centres de données. Après une augmentation de 18,6% en glissement annuel en 2023, les experts immobiliers de CBRE s’attendent à une nouvelle hausse à deux chiffres en 2024 (Fig. 3).

Le secteur des centres de données devrait enregistrer une croissance exponentielle dans les années à venir, principalement en raison de l’adoption généralisée des technologies d’IA. Cette croissance repose avant tout sur la nécessité croissante de grandes capacités de traitement des données et d’infrastructures informatiques performantes. De plus, la demande pour des solutions de refroidissement efficaces, telles que le refroidissement liquide, augmentera, les opérateurs cherchant à garantir la fiabilité et l’efficacité des matériels utilisés pour l’IA.

Les sociétés exploitant des centres de données qui seront capables de s’adapter et de faire évoluer leurs infrastructures pour répondre à ces exigences en constante évolution seront bien positionnées pour tirer parti du déploiement de l’IA. En adoptant ces changements et en profitant de cette opportunité, elles pourront jouer un rôle crucial dans l’avenir de l’innovation – et dans la sécurité des données qu’elles stockent.

Les centres de données jouent un rôle crucial dans la protection des actifs critiques des entreprises. Ils forment donc un segment attrayant de l’univers d’investissement de la stratégie Security de Pictet Asset Management.

[1] Wells Fargo, L’IA générative fait apparaître des opportunités pour l’avenir des centres de données

[2] Estimations de Morgan Stanley Research

[3] La densité énergétique fait référence à la quantité d’énergie consommée ou requise par unité d’espace au sein d’une installation. Elle mesure la quantité d’énergie nécessaire au fonctionnement des serveurs, des systèmes de refroidissement et des autres équipements au regard de la surface au sol disponible.

[4] Vertiv Capital Market Day 2023

[5] Marc Ganzi, Directeur général du groupe DigitalBridge, appel sur les résultats du T2 2023

[6] Perspectives mondiales 2024 pour les centres de données de JLL

[7] The Green Grid

[8] Wells Fargo, La demande en centres de données atteint de nouveaux sommets au T4 2023, Industry Flash

[9] Wells Fargo, REIT de centres de données: Perspectives 2024

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