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Alors que le marché obligataire a baigné fin 2023 dans l’euphorie, les rendements sont repartis à la hausse et ont refroidi plus d’un investisseur. Le marché a pris conscience que les espoirs d’assouplissement fort et rapide des politiques monétaires étaient exagérés. Depuis certains ont changé leur fusil d’épaule ou sont partis à la recherche d’investissements rémunérateurs. Une classe d’actif se distingue particulièrement.

En effet, pour de nombreux spécialistes, il y a du grain à moudre du côté de la dette émergente. Le cycle de baisse de taux dans les marchés émergents déjà bien enclenché et le niveau encore élevé des rendements, offrent de belles perspectives, à court terme comme à long terme, avec un risque grassement payé, selon Sabrina Jacobs, Client Porfolio Manager chez Pictet Asset Management.

Les économies des pays appelés émergents ont contribué à plus de 80 % de la croissance mondiale depuis 2008 et sont souvent une classe d’actif qui passe sous les radars de l’investisseur particulier dans son choix obligataire. Mais actuellement, la zone d’Amérique latine apparait plus particulièrement attrayante en termes de dette selon Pictet Asset Management avec une nette amélioration des fondamentaux sur de nombreux segments. La robuste hausse des prix des matières de ces derniers mois n’y est pas étrangère et profite pleinement à l’économie de nombreux pays d’Amérique Latine actifs dans l’extraction. Contrairement à certains pays développés, l’inflation est déjà sur une dynamique baissière qui semble durable.

Et l’enclenchement d’un mouvement de baisse de taux des deux grandes banques centrales (BCE et FED), ajoutera encore un peu plus attractivité à cette classe d’actif.

Il faut encore ajouter que la dette émergente tend à briller un peu plus quand le dollar perd de son lustre, avec des baisses de rendement qui peuvent affecter le cours du billet vert.

Avec des rendements dans la dette souveraine en dollars de ces pays, au-delà des 7 %, et encore un peu plus en devise locale, avec des niveaux d’inflation locaux maitrisés, les investisseurs peuvent se mettre à table…

La question des devises

La technique du portage qui consiste à profiter des taux d’intérêt supérieurs offerts par une devise à court terme par rapport au dollar ou à l’euro, peut s’avérer alléchante pour les plus audacieux. A ce petit jeu, la livre turque peut même épater. Après plusieurs années catastrophiques, avec un cours divisé par deux contre le dollar américain rien qu’au cours des 24 derniers mois, la devise turque semble avoir stoppé l’hémorragie.

Le changement radical de la politique monétaire des autorités turques, qui ont enfin décidé de mettre en priorité la lutte contre l’inflation en utilisant l’arme des taux. Cette modification de cap a eu un effet immédiat et a battu en brèche le catastrophisme ambiant qui entourait la livre turque. Les décisions successives de hausse drastique du taux de la banque centrale turque qui a fait passer son principal taux directeur de 8 à…50 % ces derniers mois, a commencé à tordre le cou à une inflation galopante, auto-entretenue par la simple chute libre de la devise (les biens importés coutent de plus en plus cher avec une devise plus faible). « Décision enfin …extrêmement positive » ont salué d’une voix plusieurs analystes qui ont perçu une sortie du tunnel.

Conséquence, la hauteur des taux d’intérêt a fini par endiguer la chute de la devise mieux protégée par sa rémunération. S’il est encore précoce de crier définitivement victoire, les premiers effets sont encourageants avec une livre turque qui s’est stabilisée depuis quelques semaines avec un cours oscillant autour de 32,3 pour un dollar. « Avec des taux élevés, l’investisseur profite à présent d’un épais matelas qui le protège confortablement d’une forte dévaluation de la devise, » explique judicieusement Sabrina Jacobs.

Argentine

Les obligations argentines, aussi très rémunératrices, font aussi parties des choix calculés de chez Pictet. Face à une volatilité élevée, cependant, il est opportun d’être attentif en permanence sur les évolutions du pays et la complexité des pays émergents. Pour gérer cet aléa, mieux vaut déléguer la gestion à un fonds, qui cherchera la façon optimale d’investir pour équilibrer ces risques, en adoptant une gestion active, en modifiant des pondérations avec l’évolution de l’attractivité ou simplement en arbitrant vers de nouveaux paris. Les pays émergents sont plus volatils tant sur les plans économiques et politiques que les pays développés.

Autre segment de la dette émergente, le niveau de risque concernant la dette des entreprises de ces pays est souvent inférieur à ce que beaucoup imaginent. Leurs fondamentaux peuvent constituer un solide amortisseur en cas de ralentissement de la croissance mondiale et, ce qui est peut-être surprenant, l’effet de levier de l’endettement dans les pays émergents reste inférieur à celui de nombreux marchés développés. En somme, une classe d’actifs de taille conséquente qui peut offrir de véritables opportunités de rendement dans le contexte actuel.

Parmi les trois choix possibles dans la dette émergente, Sabrina Jacobs  conseille pour l’investisseur court terme la dette en devise locale émergente au rendement qui avoisine 6,5 % (Pictet Emerging Debt Local currency) et de bonnes perspectives d’appréciation du capital à court terme des obligations locales mais avec un effet devise difficile à quantifier et plus aléatoire à court terme,  alors que la dette d’entreprise issue du monde émergent offre un rendement de 7,5 % environ à maturité avec une duration plus courte de 4,5 années et s’adresse plus à un investissement long terme. Comme la dette souveraine émise aussi en dollars peut devenir une alternative intéressante pour piquer du rendement de près de 8%.

Les enjeux géopolitiques de l’année et la volatilité des marchés qui en découle, les hauteurs des taux d’intérêt actuels représentent une vraie opportunité pour investir sur le marché obligataire de la dette émergente en général. Les investisseurs devront néanmoins rester vigilants à la date de la prochaine baisse des taux en dollar, recommande un autre analyste.

Daniel Pechon

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