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Thomas Planell, DNCA Investments.

Pendant les 6 premiers mois de l’année, les marchés ont gardé les yeux rivés sur l’inflation, leur principale préoccupation.

Les dernières données macroéconomiques décevantes valident le scénario de la désinflation qui ouvre la porte aux baisses des taux directeurs.

Vendredi, les chiffres de la production industrielle en Allemagne et en France pour le mois de mai étaient mal engagés. Le second importe 8 milliards d’euros de biens et services davantage qu’il n’en exporte. Il n’est pas impossible que les exportations européennes commencent à sentir l’effet de la faiblesse des devises (yen, yuan, won) des champions asiatiques de l’exportation. Le yen cote près de 174 pour un euro, un niveau historiquement bas… qui augmente la fuite de l’épargne domestique (non couverte du change !) vers les actifs internationaux, l’impopularité du gouvernement et l’inflation importée, devenue une vraie préoccupation pour la population nippone historiquement peu habituée aux hausses de prix.

En occident, les futures sur taux courts intègrent dans leur structure à terme environ 100 points de base de baisse des taux directeurs d’ici à fin 2025. Les swaps d’inflation sont cohérents avec ces anticipations de taux courts. Comprises entre 2,1% et 2,5% à 5 et 10 ans, selon qu’on regarde l’Europe ou les Etats-Unis, les anticipations d’inflation campent légèrement au-dessus des cibles de banques centrales (mais légèrement en deçà de la dernière publication du PCE). Dans l’ensemble, ces actifs semblent nous indiquer que nous sommes destinés à revenir très bientôt à un régime de taux directeurs plus proches de la neutralité, avec une inflation contenue entre les niveaux actuels et les cibles des banques centrales.

Ce positionnement est finalement assez prudent, toutefois, il n’intègre pas d’hypothèses de d’accélération de l’inflation. Ce risque pourrait se matérialiser si la FED, considérant sa mission accomplie, décide de se focaliser sur son mandat « croissance » en soutenant l’économie en cas de ralentissement marqué.

A plus long terme, la déglobalisation, la transition énergétique, les guerres hybrides, la baisse de la population en âge de travailler, l’éventualité d’une victoire de Trump, le niveau du twin deficits ou déficits jumeaux (7% au niveau du budget, 2,5% au niveau commercial) demeurent des facteurs structurellement en soutien de l’inflation et des anticipations haussières de taux. Et la promptitude des banques centrales à se tenir prêtes à baisser les taux avec des niveaux d’inflation au-dessus de leur objectif officiel de 2% semble laisser penser que ce niveau devient davantage un plancher plutôt qu’un plafond… ​ L’absence de « term premium » (écart positif de rendement entre les parties longues et courtes de la courbe) reste flagrante, affectée par le niveau élevé des taux courts, mais peut-être aussi, par un excès de relaxation vis-à-vis des incertitudes en matière d’inflation.

Les investisseurs devraient donc envisager dans leurs scénarii les effets sur les autres actifs d’une reconstitution de la prime de duration au fur et à mesure que la courbe peut être amenée à « repentifier » (bull steepening) par l’effet de l’ajustement à la baisse des taux directeurs au ralentissement économique.

Historiquement, un bull steepening de la courbe des taux dans un contexte de croissance positive n’est pas négatif pour les actifs risqués, au contraire. Les choses se gâtent lorsque ce phénomène s’observe quand la croissance s’effondre. Sans faire pencher la balance du côté d’une récession, les mauvaises surprises économiques sont donc perçues comme de bonnes nouvelles, pour l’instant. Au second semestre, les investisseurs devront garder un œil sur l’activité économique pour confirmer que nous ne changeons pas de régime de croissance.

D’autant qu’à la surface, les classes d’actifs sensibles à la croissance économique (crédit high yield et surtout actions) sont dans l’ensemble bien valorisées (en dehors du Japon et des émergents) et semblent davantage négativement corrélées aux surprises d’inflation qu’elles ne se sont inquiétées par les chiffres de l’activité économique.

Sous la surface des indices, l’écart se creuse néanmoins. Aux Etats-Unis, les 6 hyperscalers expliquent les deux tiers de la hausse du S&P500. Nvidia (24 fois les ventes attendues sous les douze prochains mois) et Apple (32 fois les bénéfices des 4 prochains trimestres) à eux seuls pèsent pour le tiers de la performance. Le reste est à la peine.

Broadcom, Oracle voient leurs activités traditionnelles délivrer en ligne avec les attentes, voire décevoir. Mais il suffit d’une mention de l’IA pour que les cours n’en fassent fi. Surtout, la participation à la hausse du marché est historiquement faible : parmi les 500 composants du S&P, on compte plus d’actions en baisse qu’en hausse, plus de titres sous leur plus bas à un an qu’au-dessus. Tandis que le Russel 2000 (small et mids caps) peine à maintenir une performance positive sur l’année.

A l’approche de la réduction estivale de la fenêtre de liquidité sur les marchés, les premiers signes de sursaut de volatilité sur les segments cycliques des bourses américaines commencent à émerger avec les statistiques économiques qui se dégradent. 

Construction, immobilier résidentiel et commercial, activité manufacturière, marché de l’emploi, épargne disponible et consommation des ménages populaires ou de la classe moyenne, créations d’emplois ou demandes d’allocations : tout pointe vers un ralentissement. La consommation des classes socio-professionnelles supérieures et la dépense publique portent sur leurs épaules la croissance américaine, pour l’instant.

L’IA génère des revenus tangibles, principalement pour les sociétés qui bénéficient du déploiement de l’infrastructure et les designers ou fabricants de puces. Pour les autres, l’essentiel de ses bénéfices reste concentré dans attentes et espoirs des marchés. Les gains de productivité mettent du temps à être quantifiés, les usages commerciaux dans la vie de tous les jours sont peu clairs. Comme le note Jessi Lessin (The Information) : « la leçon à tirer de la stratégie IA d’Apple semble que l’IA est une fonction, plutôt qu’un produit ». La monétisation devra se concrétiser pour de nombreux acteurs exposés à la thématique, sans quoi, sur ces niveaux de valorisation, la déception peut être impardonnable.

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