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Elle a désormais suffisamment de fonds pour financer la commercialisation aux États-Unis

Nyxoah, une medtech qui lutte contre l’apnée du sommeil avec une puce implantable, a conclu début juillet un accord avec la Banque européenne d’investissement pour une facilité de crédit de 37,5 millions d’euros. Plus tôt cette année, le groupe a déjà procédé à une augmentation de capital de 47,5 millions d’euros. Le groupe dispose désormais de suffisamment de fonds pour déployer commercialement sa puce Genio aux États-Unis. Encore faut-il l’approbation de la FDA. Olivier Taelman, le CEO qui déménage bientôt aux États-Unis, met tout cela en perspective.

Suffisamment de fonds de côté

« Dans le secteur de la medtech, il est très important de disposer d’une bonne position au comptant », explique Taelman sans détour. « C’est dans cette optique qu’il faut voir la conclusion de cette facilité de crédit avec la Banque européenne d’investissement (BEI). » Cette facilité, d’un montant de 37,5 millions d’euros, se compose de 3 tranches. Nyxoah peut lever des fonds quand elle le souhaite, ce qu’elle a fait directement avec la tranche A, de 10 millions d’euros, assortie d’un taux d’intérêt de 5 % et d’un taux capitalisé de 5 %. Plus tôt cette année, le groupe a déjà procédé à une augmentation de capital de 47,5 millions d’euros. « Nous disposons à présent de suffisamment de fonds jusqu’à la fin de l’année 2026 pour pouvoir nous consacrer pleinement à la commercialisation aux États-Unis de Genio, notre solution implantable, sitôt l’approbation de la FDA reçue. Et pour mettre en œuvre notre plan stratégique, notamment disposer de suffisamment de produits et continuer à investir dans la R&D et l’innovation, il nous faut suffisamment de fonds. » Taelman souligne ne pas vouloir lever de fonds en 2025, car le groupe souhaite se concentrer sur une seule chose : la percée sur le marché américain. Et les chiffres d’affaires de la première année de commercialisation sont, selon lui, d’importance capitale. »

L’approbation de la FDA est attendue à la fin de cette année. D’une part, le groupe doit donc préparer cette commercialisation dès aujourd’hui, mais en même temps, des incertitudes demeurent. Taelman n’en tient pas compte aujourd’hui, même si la société de bourse Degroof Petercam estime toujours à 10 % le risque d’un avis négatif de la FDA. « Aujourd’hui, les pourcentages à ce sujet ne sont que conjectures. Le risque majeur est qu’il arrive quelque chose à l’un de nos patients en phase d’étude, mais comme nous avons déjà implanté 560 patients en Europe et que nous assurons un bon suivi général, le risque est quasi inexistant. »

Banque européenne d’investissement ?

Comment Nyxoah est-elle arrivée à la BEI ? « Nous essayons de rester très respectueux face à tous nos actionnaires lorsque nous levons des fonds, ceux de la première heure comme les nouveaux venus. La levée de capital par l’émission de nouvelles actions est assez directe, mais elle est toujours assortie d’une dilution. Et comme nous avons déjà procédé à une augmentation de capital, notre CFO a examiné d’autres pistes sans vouloir susciter une perception négative ou donner l’impression d’avoir absolument besoin de fonds et de vouloir endetter lourdement l’entreprise. Nous avons donc laissé de côté les “usuriers”, qui ne recherchent que le profit. » C’est ainsi que l’on finit, selon Taelman, par une liste où la Banque européenne d’investissement figure en tête. Leur mission est de soutenir des entreprises innovantes, ce qui, selon lui, correspond parfaitement à Nyxoah.

Aujourd’hui, la situation économique est ce qu’elle est, et ce ne sont pas les temps les plus faciles, poursuit-il. « Et si l’on peut négocier avec la BEI et que ses conditions s’avèrent acceptables et modérées, le choix est vite fait. Leur volonté de conclure un partenariat leur permettant de générer plus en cas de succès, par le biais de ces warrants*, au lieu d’opter pour quelques points de pourcentage de plus, a également aidé. Ils croient fermement en notre technologie, sinon ils n’auraient jamais fait une telle construction. »

*Les warrants synthétiques donnent à la BEI le droit de recevoir de Nyxoah une contrepartie en espèces égale au prix moyen pondéré en fonction du volume sur 20 jours d’une action de Nyxoah, diminué du prix d’exercice applicable par warrant synthétique, et multiplié par le nombre de warrants synthétiques que la BEI exerce. Dans le cadre de la tranche A, il est prévu que la BEI reçoive 468 384 warrants synthétiques avec un prix d’exercice de 8,11 € que la BEI pourra exercer après l’échéance de la tranche A (5 ans) ou, dans des situations exceptionnelles, plus tôt.

En d’autres termes, la BEI bénéficie d’une contrepartie supplémentaire lorsque le cours de Nyxoah est supérieur à 8,11 EUR en moyenne sur une période de 20 jours après 5 ans (sans tenir compte des situations exceptionnelles). Le 10 juillet, l’action oscillait autour de 8,2 EUR, soit déjà au-dessus du prix d’exercice.

Potentiel de marché

Nyxoah est spécialisée dans le syndrome d’apnées obstructives du sommeil. Il s’agit d’un relâchement total de la langue à l’arrière du pharynx et d’un relâchement des muscles du cou au niveau de la trachée, provoquant une compression de cette dernière et la formation d’une obstruction pendant le sommeil et des problèmes respiratoires. « Certaines personnes ont au moins 15 obstructions par heure et par nuit, mais courent un risque modéré. À partir de 30 ans, ce syndrome est toutefois grave, car il multiplie par 5 le risque cardiovasculaire et double le risque d’AVC ou d’hémorragie cérébrale. Ces interruptions entraînent un manque constant d’oxygène au niveau des organes vitaux », explique Taelman.

Il souligne également qu’il faut traiter ces personnes efficacement. « Le marché de l’apnée du sommeil est gigantesque et sous-exploité, et le traitement standard consiste aujourd’hui à porter un masque et une machine CPAP. Nous savons que le CPAP fonctionne bien, mais il faut le porter et c’est là que le bât blesse, car il est peu pratique, peut tomber et fait du bruit. Plus de la moitié des utilisateurs l’abandonnent dans les trois ans. Il y a donc vraiment besoin d’une alternative. » À ce jour, un seul acteur aborde le problème différemment : Inspire Medical Systems, un mastodonte avec une capitalisation boursière de 4 milliards de dollars. C’est une spin-off de Medtronic, où Olivier Taelman a travaillé pendant huit ans et a dirigé la division Neuromodulation en Europe. Il connaît donc très bien leurs produits. « C’est une technologie qui fonctionne bien, seulement c’est une chirurgie assez invasive avec trois incisions pour implanter l’implementable pulse generator. Bref, une opération qui dure vite deux à trois heures. Et si la batterie du générateur vient à tomber à plat, il faut repasser sous le scalpel. »

Plus-value technologique

Taelman estime que le système Genio de Nyxoah, nommé d’après le muscle génioglosse ou la langue, offre une plus-value à plusieurs égards. « Le nerf de la langue se divise en deux branches, à gauche et à droite, et aujourd’hui nous sommes les seuls au monde à le stimuler bilatéralement. Un autre avantage est qu’il suffit d’une petite incision de 4 cm sous le menton pour placer un appareil passif, sans batterie, par un ORL. Cette intervention dure moins d’une heure et se fait en hôpital de jour. Un autre avantage est que la cicatrice est quasiment invisible. » La seule chose à faire, ajoute-t-il, c’est qu’au moment du coucher, il faut placer une petite batterie sous le menton (voir photo ci-dessous). « Cela permet d’activer l’appareil. Elle enregistre tout et l’affiche ensuite dans une application. Le lendemain matin, la qualité du sommeil peut être vérifiée, également par le médecin. Ce sont autant de raisons qui nous portent à croire que nous sommes mieux placés qu’Inspire. »

Mais Taelman indique que le marché est si sous-pénétré qu’en réalité, il n’est pas forcément question de concurrence. « Nous allons simplement augmenter le nombre de traitements possibles et il y aura désormais le choix entre deux traitements. Aujourd’hui, il y a un monopole et ni les médecins ni les patients n’aiment cela. » Une étude de marché menée auprès des médecins a révélé la nécessité d’une alternative : 22 % de tous les patients entrant en ligne de compte pour Inspire ne veulent pas de cette intervention, qu’ils jugent trop invasive.

Il espère secrètement que Nyxoah pourra réitérer aux États-Unis ce qu’elle a fait en Allemagne. « Notre traitement y est remboursé depuis deux ans et sur ce laps de temps, nous avons absorbé 47 % du marché d’Inspire. Je pense que cela confirme quand même notre proof of concept et que les médecins et patients sont prêts à accueillir notre technologie. » Et si le CEO est assez ambitieux, il connaît les limites. « Notre objectif est de devenir un acteur mondial en neuromodulation et notre mission est de traiter un maximum de personnes et de détrôner Inspire. Nous devons toutefois avoir conscience que nous ne sommes encore qu’une petite entreprise belge qui doit affronter une entreprise de renom avec beaucoup de moyens et d’effectifs. »

Une approche différente

C’est pourquoi il a conscience qu’il faudra agir judicieusement sur le plan commercial. « Nous ne pouvons pas procéder comme Inspire, qui s’adresse directement au patient, notamment via un spot TV lors du Super Bowl. L’an dernier, le groupe a investi près de 100 millions de dollars dans des campagnes de ce genre. Ils apportent donc leur technologie au patient même, dans l’espoir qu’il se rende chez le médecin et indique vouloir cette intervention. Mais tous les médecins du sommeil ne sont pas partisans d’une opération chirurgicale. Nous prenons un angle différent en abordant directement les médecins du sommeil et en positionnant notre intervention parmi les autres alternatives comme le masque. »

Le CEO explique qu’on adoptera une stratégie très focalisée avec un investissement en capital minimal. « Aux États-Unis, 1400 hôpitaux implantent actuellement Inspire. Et sur ces 1400, environ 300 génèrent 80 % du chiffre d’affaires total d’Inspire. Parmi ces 300, nous en avons sélectionné 100 pour lesquels nous pensons pouvoir réussir sur la base de différents critères, dont la redirection via le médecin du sommeil. Supposons que cela se passe bien après six mois, nous ajoutons les 100 centres suivants et ainsi de suite : en anglais, c’est ce qu’on appelle un “playbook for scalability”. » Mais Nyxoah ne laisse rien au hasard et a déjà préparé le terrain. Sur les 100 centres abordés en premier, 24 sont déjà dans des études antérieures et, très récemment, 35 ont été inclus dans une étude dite de « usability », dans laquelle des chirurgiens sont formés. « Si l’on fait le total, cela revient à 60 sites sur 100 qui savent déjà comment utiliser notre technologie. » Dans la deuxième vague de 100 hôpitaux, Taelman s’attend à ce que le bouche-à-oreille ait déjà fait le gros du travail.

Et pour mener à bien tout le processus, le CEO part lui-même pour les États-Unis avec toute sa famille. « Le plus grand défi sera d’y engager les bonnes personnes, pour promouvoir notre produit. C’est aussi la seule raison pour laquelle je veux y être moi-même les deux ou trois premières années. Je veux rencontrer en personne tous les gens qui viennent travailler chez nous. Et je sais d’expérience que je peux mettre les bonnes personnes au bon endroit. »

Reprise ?

Dans un récent rapport, un analyste de Degroof Petercam a écrit qu’une reprise serait finalement le meilleur scénario pour Nyxoah. Que pense le chef de file de cette thèse ? « C’est une banque, et les banquiers ne pensent qu’à l’actionnaire et au retour sur investissement. Être repris à un bon prix est en effet le meilleur scénario financier pour nos actionnaires. Mais par rapport à notre mission, à savoir traiter un maximum de patients, je pense que beaucoup dépend de l’identité du repreneur. Supposons que ce soit ResMed ; cela pourrait aider à atteindre plus de patients. Et avec ces fonds supplémentaires, tout pourrait s’accélérer. » ResMed est leader du marché des masques CPAP et détient en outre 6 % de Nyxoah.  Mais Taelman conclut qu’aujourd’hui, l’objectif n’est pas tout de suite de trouver un partenaire de taille. L’ambition aujourd’hui reste d’obtenir l’approbation, de lancer aux États-Unis et de poursuivre l’extension en Europe, et puis de devenir un acteur mondial.

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