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Ayming Benelux a publié son étude annuelle intitulée « Fiscalité locale et régionale sur les immeubles de bureaux » relative à l’exercice d’imposition 2024. En analysant les nombreux impôts immobiliers, l’énorme pression fiscale sur l’immobilier et les problématiques actuelles, le consultant, spécialisé dans l’optimisation de l’impôt immobilier, entend offrir un point de repère à toute entreprise du secteur immobilier. Nous avons rencontré Tanguy Jonckheere, Senior Finance Performance Consultant chez Ayming, afin de mieux comprendre le rapport et la fiscalité immobilière en Belgique.

Tanguy Jonckheere

Il s’agit d’un rapport volumineux que vous pouvez retrouver ici. Nous en venons directement à ses principales conclusions avec Tanguy Jonckheere. Les conséquences de la décentralisation des pouvoirs publics belges et de l’autonomie fiscale y afférente sont particulièrement frappantes pour lui. « Cela a pour conséquence que des taxes immobilières peuvent être prélevées aux différents niveaux gouvernementaux, ce qui rend la situation non seulement très compliquée, mais aussi très coûteuse pour les entreprises. » Il souligne en outre qu’il est devenu presque impossible pour les promoteurs immobiliers principalement de pouvoir estimer et maîtriser le coût opérationnel total de leur projet immobilier. Et notamment en raison de cette accumulation d’impôts, les impôts à Bruxelles sont beaucoup plus élevés que dans les deux autres régions. « Chaque commune peut lever ses propres impôts, ce qui entraîne dans de nombreuses communes bruxelloises des impôts étranges mais parfois aussi absurdement élevés. »

Selon Jonckheere, il ne faut donc pas s’étonner que la périphérie bruxelloise soit la région la plus intéressante pour installer un immeuble (de bureaux) du point de vue de la fiscalité immobilière et ce, d’autant plus si l’on compare avec les communes de la Région de Bruxelles-Capitale. « Nous observons un déplacement manifeste vers la périphérie bruxelloise, comme Zaventem et Diegem, avec comme exemple l’avenue Léopold. Si vous traversez la frontière régionale, vous voyez immédiatement la différence. Ce n’est pas un hasard si des noms comme PwC et EY s’y trouvent désormais. »

Un autre point abordé dans le rapport d’Ayming est la base de calcul du précompte immobilier, le revenu cadastral. Selon le consultant, elle est totalement obsolète et nécessite d’urgence une révision ou une péréquation générale. « Le revenu cadastral est fixé depuis 1975 et on y retrouve encore des valeurs exprimées en francs belges. L’exercice est évidemment très difficile et je pense que personne n’ose s’y risquer, même si c’est indispensable », prévient Tanguy Jonckheere. De plus, l’administration n’a tout simplement pas assez de personnel pour pouvoir le faire.

Mais il est plus important encore à ses yeux que l’indexation automatique du revenu cadastral entraîne une boule de neige proverbiale pour toute entreprise et particulier ayant des biens immobiliers en Belgique. « En 2023, le précompte immobilier a augmenté de 10 % sur une base annuelle et de 4 % en 2024. La combinaison de l’indexation et d’une augmentation des centimes additionnels peut conduire à des hausses absurdes. La ville de Gand a augmenté ses centimes additionnels de 913 à 1088. Si nous comparons le précompte immobilier entre 2019 et 2024, cela revient à une augmentation de 37 %.

Une augmentation énorme à laquelle s’ajoute, à Bruxelles, la taxe régionale sur les  surfaces non résidentielles, qui subit la même indexation, certes selon le coefficient d’indexation de l’année précédente, de sorte que l’augmentation de 10 % ne se fait sentir qu’au cours de l’exercice d’imposition 2024. » Et il précise en outre que cette hausse doit être ajoutée aux autres augmentations de prix, comme celles du coût des matériaux et des intérêts.

Par ailleurs, Ayming affirme dans son rapport que les immeubles de bureaux en Région bruxelloise sont la vache laitière des communes bruxelloises, utiles pour maintenir leur budget à l’équilibre. Les immeubles de bureaux connaissent en moyenne un précompte immobilier 3 à 4 fois plus élevé que les habitations, et ce sans tenir compte des autres impôts régionaux et locaux. Le rapport indique également que le taux moyen de précompte immobilier en Région de Bruxelles-Capitale est de 54,63 %, et 6 communes dépassent même la limite des 60 % avec Schaerbeek en tête de liste avec 66 %. Mais en plus des taux élevés de précompte immobilier en Région bruxelloise, les propriétaires d’immeubles non résidentiels paient la taxe régionale bruxelloise susmentionnée. « Selon nos données, elle s’élève en moyenne à 24,6 % du précompte immobilier. Si nous ajoutons ce pourcentage moyen au montant du précompte immobilier, nous constatons que la pression fiscale dans 17 des 19 communes est supérieure à 60 % et que 8 communes tombent dans la tranche de + 70 %. »

En outre, il est presque impossible d’obtenir aujourd’hui une exonération ou une réduction des impôts immobiliers et ce, pour certaines situations pourtant logiques, comme en cas de travaux de rénovation importants. Une pression qui, avec la longueur des procédures d’obtention de permis, décourage les promoteurs immobiliers d’investir. « L’énorme discordance entre les objectifs politiques et durables difficiles pour le monde immobilier, d’une part, et les visions conservatrices de l’administration et les taxes élevées, d’autre part, mine la possibilité pour les entreprises de mettre en œuvre la politique immobilière définie par les responsables politiques ».

Et il souligne encore qu’il y a énormément de travail à Bruxelles, car seuls 6 % des bâtiments résidentiels à Bruxelles ont été construits après 1981. « Et cette fiscalité immobilière ne facilite pas la tâche. Certaines entreprises ne s’aventurent plus à Bruxelles. Nous connaissons des sociétés qui préfèrent rester en Flandre, car c’est un peu plus simple et les impôts sont moins élevés. » Enfin, Jonckheere voit plus de flexibilité pour une exonération ou une réduction dans les deux autres régions, mais il constate en même temps qu’il existe une tendance nette à appliquer plus strictement les conditions d’obtention.

Il est également très curieux de savoir comment va se dérouler la différenciation des centimes additionnels communaux. Depuis l’exercice d’imposition 2019, les communes de Flandre ont la possibilité de faire varier les centimes additionnels communaux sur leur territoire en fonction de certains critères. Pour Bruxelles, une proposition de loi examinée par le Conseil d’État élargit encore davantage l’autonomie fiscale des communes. « Si la loi est votée, les communes bruxelloises vont-elles vraiment miser sur la valorisation de certains quartiers comme elles le prétendent, ce qui est clairement justifié, ou ne servira-t-elle qu’à lever des impôts supplémentaires pour joindre les deux bouts ? Nous ne pouvons pas le prévoir, mais nous craignons le pire. » Jonckheere souligne que les communes flamandes qui en font usage se concentrent surtout sur les bâtiments industriels, mais à Bruxelles, il n’y a guère d’industrie.

Ayming se souvient toutefois que l’autonomie fiscale des communes n’est pas illimitée et que tous les règlements fiscaux doivent être conformes à la législation supérieure et aux principes constitutionnels. « Un contrôle de la légalité de la taxe communale sur les immeubles de bureaux nous semble opportun », souligne Jonckheere.   Il note en même temps que le secteur immobilier lui-même n’est pas vraiment enclin à contester la légalité de ces taxes communales parce que pour ces acteurs, l’obtention de permis est une priorité et ils ne veulent pas se mettre les communes à dos.

Au final, le consultant d’Ayming espère que le revenu cadastral sera revu ou que l’administration adoptera une position plus flexible. « Si ce n’est pas le cas, nous contesterons toujours ce revenu cadastral, surtout pour les bâtiments qui sont complètement dépouillés et dont il ne reste plus que l’ossature. Nous pensons en effet que le revenu cadastral doit être réduit. L’association professionnelle du secteur immobilier, UPSI/BVS le souhaite d’ailleurs aussi, surtout au moment où des travaux sont en cours, de façon à réduire le poids de la fiscalité pour l’entreprise immobilière. Et à la fin des travaux, un nouveau revenu cadastral plus juste sur l’état de l’immeuble peut être déterminé. »

Il ajoute d’emblée que le revenu cadastral est en fait le meilleur moyen d’offrir la sécurité juridique aux entreprises car elles peuvent alors parfaitement estimer leurs coûts. « Une entreprise ne travaille pas au hasard avec un bâtiment, elle établit tout un business case et les coûts doivent être très bien évalués. » La possibilité d’improductivité en Flandre et en Wallonie (et donc pas à Bruxelles) peut certes apporter une solution pour les projets qui y sont situés, mais les entreprises sont toujours soumises aux conditions et délais qui, à leur tour, varient selon les régions. De plus, c’est moins intéressant du point de vue du cash-flow.

Francis Muyshondt

Author Francis Muyshondt

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