César Pérez Ruiz, Chief Investment Officer Pictet Wealth Management.
Après être montée en flèche, l’inflation reflue lentement
Les données récentes confirment la bonne tenue des économies et la nécessité pour les banques centrales de continuer à resserrer leur politique monétaire. Aux Etats-Unis, la désinflation marque le pas et le marché du travail reste tendu. L’enquête de l’ISM concernant le secteur manufacturier, point faible de l’économie jusqu’ici, montre une légère amélioration en février, grâce au rebond des commandes. Pire (pour la Fed), la sous-catégorie des prix payés par les entreprises a dépassé 50 pour la première fois en six mois, ce qui indique un rebond des prix des intrants. En outre, l’augmentation des coûts unitaires de la main-d’œuvre au quatrième trimestre 2022 a été révisée en forte hausse. Les commentaires de la Fed suggérant des taux durablement plus élevés sont synonymes de risque accru pour les obligations d’entreprise à haut rendement, un segment où la part de la dette notée B dans les indices de notation n’a jamais été aussi importante en 10 ans. Nous restons négatifs vis-à-vis du haut rendement. Sur le front des entreprises, les signes de pressions sur les marges et la rentabilité se multiplient. Aux Etats-Unis, il faudra surveiller cette semaine le témoignage du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, devant le Sénat et la publication des chiffres de l’emploi non agricole de février.
Le coût de la main-d’œuvre préoccupe également la Banque centrale européenne (BCE): Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs, juge la hausse des salaires incompatible avec l’objectif d’inflation de 2%. Alors que l’inflation sous-jacente bondissait de 5,3% à 5,6% en février, Christine Lagarde a déclaré qu’une hausse de 50 pb du taux de rémunération des dépôts de la BCE était «très probable» ce mois-ci. La BCE devrait ainsi relever ses taux de 50 pb ce mois-ci et en mai, une hausse supplémentaire de 25 pb en juin paraissant de plus en plus probable. Otmar Issing, ancien membre du conseil des gouverneurs, estime de son côté que les augmentations de salaire créeront un nouveau choc d’inflation et que la BCE tarde à contrer la montée de l’inflation sous-jacente. La signature d’un accord entre l’UE et le Royaume-Uni concernant le «protocole sur l’Irlande du Nord» est le premier acte encourageant de l’ère post-Brexit. Cette signature est intervenue alors que les chiffres révélaient une forte baisse des transactions immobilières au Royaume-Uni et que les prix des logements enregistraient en février leur plus importante chute annuelle en dix ans. L’économie suisse a stagné au quatrième trimestre, mais progressé de 2,1% en 2022, ce qui témoigne de sa bonne tenue dans un environnement difficile. En ce qui concerne les autres pays, le PIB italien a connu une croissance robuste de 3,8% l’année dernière, mais la Suède semble au bord de la récession après une contraction du PIB plus importante qu’anticipé au quatrième trimestre. Tandis que nous privilégions cette année les pays dont la dette est majoritairement à taux fixe, la dette hypothécaire à taux variable prédomine en Suède, ce qui menace ses obligations d’Etat et sa devise dans un contexte de taux en progression régulière.
Les indices des directeurs d’achat chinois pour le mois de février ont largement dépassé les attentes. Nous restons néanmoins prudents vis-à-vis de l’économie chinoise à moyen terme, car une grande incertitude continue d’entourer les prix du marché immobilier, sur lequel de nombreux Chinois ont placé leur patrimoine. En fin de semaine dernière, le Congrès national du peuple a décidé d’augmenter les dépenses de défense de 7,2% cette année, ce qui témoigne d’un changement de priorités et pourrait attiser les tensions politiques avec les Etats-Unis.
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