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La volatilité des actions immobilières est encore là

Pascale Nachtergaele, gestionnaire du fonds Nagelmackers European Real Estate Fund, envisage l’année 2024 avec optimisme car le pic des taux d’intérêt semble avoir été atteint. L’experte en immobilier reste cependant prudente sur le court terme, la volatilité n’ayant pas disparue. Mme Nachtergaele reste pour sa part particulièrement attachée à l’immobilier logistique.

Pascale Nachtergaele : Chez Nagelmackers, notre scénario de base pour 2024 est que nous avons vraisemblablement atteint le pic des taux d’intérêt et que dans le courant de l’année prochaine, plutôt vers le milieu de l’année, il pourrait y avoir les premières baisses de taux d’intérêt. Il est évidemment difficile de déterminer quand exactement. Par ailleurs, nous prévoyons une légère accélération de la croissance économique dans la zone euro, aussi ténue soit-elle. La combinaison de ces deux éléments devrait rendre le climat de l’immobilier plus attrayant que ces deux dernières années. C’est du moins ce que nous pensons.

Pascale Nachtergaele : On peut entrer dans le marché, mais avec précaution. Car à court terme, je m’attends encore à une certaine volatilité après la belle reprise que nous avons connue ces dernières semaines. Je suis donc assez prudente et je vais attendre de voir l’évolution de la situation. C’est pourquoi je conserve un certain montant de liquidités. Je m’attends toujours à des réductions de valeur supplémentaires sur la valeur comptable des actifs. En effet, lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur des biens immobiliers diminue parce que les flux de trésorerie sont actualisés à des taux d’intérêt plus élevés, de sorte que la valeur actuelle diminue. Les entreprises ont déjà procédé à des réductions de valeur au cours de l’année écoulée, généralement de manière semestrielle ou trimestrielle, et ce mouvement n’est pas encore terminé. Et il y aura une nouvelle réduction de valeur à la fin du mois de décembre mais nous n’en verrons l’ampleur qu’au moment de l’annonce des résultats annuels, c’est-à-dire pas avant fin janvier ou début février 2024.

Pascale Nachtergaele : Il y aura de la volatilité tant qu’on ne sera pas sûr à 100 % que les taux d’intérêt n’augmenteront plus et resteront stables. Or, à l’heure actuelle, il y a encore de l’incertitude à ce sujet, d’où cette volatilité. Par ailleurs, les réductions de valeur attendues que je viens d’évoquer pèsent toujours sur le marché. Quelle sera leur ampleur ? Et quel sera l’impact sur le taux d’endettement ? Et puis, bien sûr, il y a aussi la question de savoir quand le marché des transactions reprendra. À court terme, il existe un certain nombre d’incertitudes qui pourraient entraîner une volatilité des prix. Il faut rester calme et résister à la tentation de surfer sur les grandes fluctuations du marché. Car il y a des actions qui peuvent monter de 20 % à court terme, puis redescendre de 20 % en quelques jours. Ça s’est déjà vu.

Pascale Nachtergaele : Le marché surveille le taux d’endettement, les charges financières et le bilan des sociétés immobilières. Pour ce faire, il examine le ratio « loan-to-value » – les emprunts par rapport à la valeur comptable des actifs. Or si l’on procède à des dépréciations d’actifs, le ratio dette/valeur augmente. Et toutes les entreprises dont le ratio dette/valeur est élevé sont actuellement sous pression par les investisseurs qui les poussent à agir. L’entreprise peut rembourser ses prêts, en utilisant par exemple une partie de son flux de trésorerie ou distribuer moins de dividendes. Dans la plupart des cas, les entreprises sont aussi quelque peu forcées par le marché à vendre des actifs. Elles examinent alors les actifs qu’elles considèrent comme moins importants dans le contexte général et commencent à les valoriser.

Pascale Nachtergaele : En effet, le marché des transactions est à l’arrêt depuis un certain temps. Il n’y a pas de grosses transactions et ceux qui veulent vendre ne trouvent pas d’acquéreurs. Et pourquoi n’y a-t-il pas d’acquéreurs ? Parce que tant que les taux d’intérêt continuent d’augmenter, ils ne se manifestent pas. En effet, si jamais les taux d’intérêt augmentaient encore, les acquéreurs intéressés pourraient acheter à un prix inférieur, selon ce raisonnement. C’est le dilemme dans lequel se trouve actuellement le marché. Autrement dit, il faudra vraiment attendre plusieurs mois pour que les taux d’intérêt se stabilisent et que le calme revienne dans les esprits. Et si cela se produit, nous verrons que les acheteurs et les vendeurs convergeront. Car il y a encore beaucoup d’entreprises qui ont des niveaux d’endettement assez élevés et qui sont désireuses de vendre. Une fois que les taux d’intérêt se seront stabilisés, le marché des transactions reprendra et le nombre de transactions augmentera. Ce sera sans aucun doute un catalyseur pour le marché de l’immobilier.

Pascale Nachtergaele : Pour moi, les meilleures opportunités sont toujours dans l’immobilier logistique. Il s’agit en effet d’un segment qui peut encore bénéficier structurellement d’un certain nombre de facteurs positifs. La demande, tirée par le commerce électronique, reste supérieure à l’offre, ce qui permet aux acteurs de l’immobilier logistique d’augmenter leurs loyers à un niveau supérieur à l’inflation. De plus, en raison des problèmes liés à la chaîne logistique, de plus en plus d’entreprises souhaitent rapprocher leur production et leurs stocks de chez elles. Le fait qu’il soit de plus en plus difficile de trouver et d’acheter des terrains pour construire constitue un autre facteur favorable. Cependant, plusieurs des entreprises spécialisées dans la logistique que nous avons en portefeuille, telles que WDP, Montea ou VGP, disposent encore d’une très grande réserve foncière. Ces acteurs ont acheté des terrains dans le passé et peuvent maintenant les utiliser pour se développer. Et ils peuvent encore le faire aujourd’hui de manière suffisamment rentable pour eux.

Pascale Nachtergaele : Aujourd’hui, j’évite d’investir dans les entreprises actives dans le segment du bureau et qui possèdent un grand nombre de bureaux dans des localisations secondaires moins favorables. En effet, le marché se concentre essentiellement sur les emplacements principaux, avec des bureaux très bien situés et accessibles pour le personnel et les clients. Ils doivent également être durables et économes en énergie. Tous les bureaux qui ne répondent pas à ces critères font l’objet d’une forte décote, alors que pour les bureaux les mieux lotis, la décote est beaucoup plus faible, voire inexistante. Pour ces bureaux secondaires et moins durables, il n’y a pas beaucoup de solutions. Soit vous les vendez et vous utilisez l’argent pour acheter de nouveaux bureaux durables et bien situés : le marché appréciera. Soit vous les réaménagez en immeubles d’habitation, mais cela coûte évidemment très cher.

Pascale Nachtergaele : Au début de l’année, j’ai acheté de l’immobilier résidentiel allemand. Ce type de biens représente une grande partie de l’indice de référence. L’année dernière, ce segment s’était considérablement affaibli, d’une part parce que de nombreuses sociétés allemandes d’immobilier résidentiel avaient procédé à de nombreuses acquisitions au cours des dernières années et souffraient d’un taux d’endettement assez élevé. Et d’autre part, parce qu’elles ne pouvaient répercuter que partiellement la forte inflation étant donné que c’est le gouvernement qui détermine le montant de la hausse des loyers. Dans l’attente d’une éventuelle stabilisation des taux d’intérêt, l’immobilier résidentiel a commencé à revenir sur le devant de la scène.

En période de forte inflation, les investisseurs s’intéressent principalement aux segments qui peuvent répercuter pleinement l’inflation. Il s’agit surtout du segment du commerce de détail ou de l’immobilier commercial, et cette catégorie a été l’un des segments les plus performants l’année dernière. J’ai également continué à investir dans l’immobilier logistique, qui avait lui aussi fortement baissé l’année dernière – la logistique restant un segment en croissance. Par conséquent, lorsque les taux d’intérêt ont augmenté, ces segments de croissance ont été fortement pénalisés.

Pascale Nachtergaele : Dans le domaine de la logistique, j’ai abandonné l’action Tritax Eurobox, parce que cette entreprise peu connue avait acheté beaucoup de biens immobiliers dans le passé à des prix très compétitifs, c’est-à-dire à des rendements qui étaient assez bas à l’époque. Je craignais que l’amortissement soit faible par conséquent. Je me suis également séparée d’Atenor il y a quelques mois, au moment de l’annonce de l’augmentation de capital. Et je m’étais déjà séparée d’Immobel l’année dernière. Car c’est en période de hausse des taux d’intérêt que les promoteurs immobiliers sont les plus rentables.

Pascale Nachtergaele : Il faut faire une distinction. Les fonds qui investissent spécifiquement dans l’immobilier doivent toujours être entièrement investis. Par contre, si l’on s’intéresse aux fonds dits généralistes, nous avons constaté ces dernières années que lorsque les taux d’intérêt ont commencé à augmenter, ils se sont retirés massivement de l’immobilier. Jusqu’à récemment, ils ne possédaient que peu, voire pas du tout, de biens immobiliers. Aujourd’hui, nous constatons que ces généralistes recommencent à s’intéresser au secteur. C’est important, car si les généralistes s’y intéressent, cela va générer à nouveau des flux supplémentaires.

Pascale Nachtergaele : Principalement la durabilité et l’efficacité énergétique, et ce dans tous les segments. Pour les sociétés immobilières en particulier, c’est crucial. On constate également que de plus en plus d’entreprises commencent à réfléchir à la manière dont elles peuvent aider leurs locataires à réduire leur consommation énergétique, grâce à l’utilisation de panneaux solaires, par exemple. En installant des panneaux solaires, on peut augmenter le loyer, mais pour le locataire, cela se traduira par une réduction de la facture d’électricité. On ne parlera plus au client du loyer en tant que tel, mais de l’offre globale.

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