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La tulipe, dont on plante avec optimisme les bulbes à l’automne pour les voir fleurir en ce beau printemps, a plus d’une leçon à nous donner. Une leçon de confiance d’abord ! En effet, en livrant ces bulbes à la terre, le jardinier fait confiance à la nature qui lui promet une belle floraison deux saisons plus tard. Mais cette liliacée a aussi une belle leçon d’économie et de prudence à nous donner.

Une question d’offre et de demande

C’était en… 1593 ! Un dénommé Carolus Clusius arrive à Leiden (Pays-Bas) muni d’une importante collection de bulbes de tulipes. Les tulipes de Clusius étaient rares mais, élément ignoré à l’époque, elles étaient atteintes d’un virus. Ces fleurs tant convoitées avaient donc une durée de vie relativement courte. L’offre de tulipes était limitée et il était difficile d’accroître rapidement cette offre car de la graine à la fleur, il fallait compter entre 6 et 7 ans à une époque où la durée de vie moyenne de la population était de 40 ans. Parallèlement à cette offre limitée, la demande s’enflammait en provenance de toutes les couches de la population : riches propriétaires, marchands et même ouvriers qui avaient bénéficié de la hausse des salaires due à l’étroitesse du marché du travail provoquée par une épidémie de peste bubonique. Contraction de l’offre face à une demande croissante : tous les ingrédients étaient réunis pour une flambée spectaculaire des prix des bulbes de tulipes.

Et l’appât du gain

Alléchés par les gains rapides et faciles, ignorant la couleur des fleurs achetées et les pratiques élémentaires de jardinage, les acheteurs provoquèrent un engouement extravagant sur ce marché. L’apparition d’un marché secondaire et la possibilité d’acheter une fraction de bulbe provoquèrent des échanges délirants où un bulbe pouvait changer jusqu’à dix fois de propriétaire sur une journée.

Jusqu’au jour où, en février 1637, un lot de bulbes ne trouve pas acquéreur et c’est la chute des cours qui va entraîner avec elle la population de tout un pays. Endettés jusqu’au cou, certains propriétaires constatent qu’il n’y a plus d’acquéreur, donc plus de marché et c’est la ruine.

D’hier à aujourd’hui

Cette tulipomanie d’hier n’est pas sans rappeler l’engouement sur les valeurs de la nouvelle économie qui avait envahi les marchés boursiers à la fin des années 90. Au XVIIème siècle, il était très difficile de calculer correctement la valeur des tulipes, tout comme il était difficile d’apprécier la valeur d’une société qui n’existait que depuis quelques mois et qui avait beaucoup de projets et peu de réalisations concrètes à la fin du XXème siècle. Que valait une tulipe au XVIIème siècle ? Le prix correspondait à ce que les gens voulaient bien payer pour l’obtenir. Ce fût aussi le cas avec les actions de la nouvelle économie.

On ne peut pas dire que la crise de 2008 ou celle de l’été 2011 soient des crises comparables à celle de la tulipe. Il ne s’agit pas à proprement parler de crises qui se sont déclenchées suite à un engouement pour des valeurs spécifiques qui se sont effondrées. Il s’agit plutôt d’une crise systémique en 2008 et d’une crise de la dette souveraine en 2011.

Et demain ?

Par contre, une crise de type « tulipe » pourrait encore survenir. On peut se poser la question en ce qui concerne l’or ou les crypto-actifs, par exemple, qui peuvent aussi se trouver confrontés à une offre contractée face à une demande soutenue.

Une façon d’éviter une crise de la tulipe dans son portefeuille pourrait être de suivre une gestion appelée « contrarian » (contraire aux tendances des marchés). Cette gestion consiste à rechercher des valeurs dans lesquelles les autres gestionnaires ne veulent plus (ou ne veulent pas encore) investir. Les gestionnaires de ce type de fonds vont donc à l’encontre des modes en faisant le contraire de ce que la plupart des investisseurs font. Ils peuvent ainsi bénéficier de prix relativement bas tout en étant attentifs à la valorisation des titres.  

En réalité, on constate que, dans les faits, la plupart des investisseurs ont plutôt une prédisposition à suivre les grandes tendances des marchés : ils achètent quand les marchés montent, vendent quand les marchés s’écroulent et demandent des produits avec protection en capital lorsque les marchés sont au plus bas. Autant mettre une ceinture et des bretelles quand le pantalon est déjà tombé. Gardons toujours en mémoire la crise de la tulipe en diversifiant suffisamment le portefeuille sans être portés par l’engouement pour des investissements trop à la mode surtout ceux que nous n’appréhendons ou ne comprenons pas.

I.de.L

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