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Il y a une tradition que l’on ne retrouve que le long de la côte belge : les magasins de fleurs en papier. Ces magasins sont tenus par les enfants sur la plage. Les traces les plus anciennes de ces magasins remontent vers les années 1920. Ces fleurs sont confectionnées par les mères avec du papier crépon sur des tiges en bois. Elles sont ensuite vendues par leurs enfants à d’autres enfants contre des coquillages. A noter que certains enfants ne disposent pas d’un stock préalable de fleurs. Ils en achètent pour se créer un magasin grâce aux coquillages ramassés sur la plage.

« La Flandre a reconnu les « strandbloemen », ces fleurs en papier réalisées et « vendues » par les enfants, durant l’été à la mer, comme patrimoine culturel immatériel, a annoncé l’organisme Kusterfgoed. Les fleurs colorées en papier crépon, trônant sur une tige de bois, sont « vendues » l’été sur des « comptoirs » de sable en échange de quelques coquillages. Cette tradition est pour ainsi dire restée inchangée depuis des décennies »[1].

Une monnaie très spéciale

Les coquillages représentent la monnaie d’échange de ces fleurs. Les traditions ont évolué dans le temps et selon les stations balnéaires. Mais, traditionnellement, le prix de chaque fleur est estimé en poignées de coquillages, ailleurs en un certain nombre de couteaux ou de tourelles. Ces coquillages ont été ramassés le long de la grève et sont transportés d’un magasin à l’autre dans des seaux de plage. « Les coquillages doivent être secs, passés au tamis et vides. À Knokke-Heist, seuls les couteaux sont admis comme moyen de paiement »[2].

Une vraie monnaie ?

Les enfants de la Mer du Nord ont donc créé leur propre monnaie qui ne sert qu’à un but précis : l’achat de fleurs en papier. Mais peut-on considérer ces coquillages comme une monnaie ? Une monnaie est une unité de compte qui permet de comparer des biens et services. Ici, c’est bien le cas puisque les coquillages permettent de comparer le prix de chaque fleur.

Une monnaie est un instrument de paiement. Ces coquillages servent à acheter et vendre les fleurs. Une monnaie est aussi un instrument d’épargne pour pouvoir payer dans le futur. Ces coquillages peuvent être stockés pour être utilisés la saison suivante (sans procurer de rendement). « Les coquillages répondent en effet aux différentes fonctions de la monnaie, donc c’est bien un candidat au statut de monnaie. On pourrait y ajouter que si l’on retourne très loin dans l’histoire, les premières monnaies était faites de bronze ou de cuivre, c’est-à-dire qu’elles avaient une valeur intrinsèque. Idem pour les boisseaux de blé qui étaient utilisés comme monnaie. En plus de leur utilité de monnaie (le blé est non périssable), on pouvait toujours en faire du pain. Les coquillages de nos enfants n’en ont pas. On ne sait rien faire d’autre que les échanger contre des fleurs », relate Philippe Ledent, Chargé de cours invité à l’UC Louvain. On sait que certaines peuplades utilisaient déjà les coquillages comme monnaie d’échange.

Et par rapport aux crypto-actifs ?

Les coquillages des magasins de fleurs ont surtout une valeur morale. « En fait les coquillages de nos enfants devraient plutôt être associés à une fiat monnaie, liée à une croyance commune et non à l’utilité matérielle de celle-ci », ajoute Philippe Ledent. Si l’on met en relation ces coquillages échangés sur les plages par rapport aux cryptomonnaies, on constate que les coquillages de nos enfants sont davantage une monnaie que les cryptomonnaies. « En effet, les coquillages sont utilisés pour eux-mêmes, ils ne se définissent pas en rapport à une autre monnaie. Les cryptos n’ont d’intérêt, pour la plupart de leurs utilisateurs, que par le fait qu’elles représentent une quantité (en hausse si possible) de dollars. Bref, les cryptos ont besoin d’une autre monnaie pour définir leur valeur. Ce qui en fait plus des actifs que des monnaies », précise Philippe Ledent.

L’échange de coquillages est basé sur la confiance. En effet, ils bénéficient de la pleine confiance des enfants sur la plage. Les cryptos assets sont présents en quantité limitée alors que les coquillages le sont de façon illimitée. C’est l’antithèse des cryptos monnaies. D’un point de vue écologique on est aussi dans l’antithèse. Là où les coquillages sont « recyclés » sans utiliser d’autre énergie que l’enthousiasme des enfants et parents, les cryptos actifs sont terriblement énergivores. Les magasins de fleurs nous donnent donc une leçon sur la monnaie de façon très ludique. Et voir courir les enfants d’un magasin de fleurs à l’autre sur nos plages belges reste un réel plaisir pour les yeux.


[1] Source : https://www.lesoir.be/349167/article/2021-01-15/les-fleurs-en-papier-des-plages-belges-reconnues-comme-patrimoine-culturel

[2] Source: https://www.myknokke-heist.be/fr/fleur-en-papier

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