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Matthieu de Clermont, CIO Insurance & Regulatory Strategies, AllianzGI.

Le Parlement français a voté mercredi soir l’éviction du Premier ministre Michel Barnier en raison de son projet de budget. La démission de M. Barnier ce matin fait suite aux élections législatives anticipées de juillet, qui se sont soldées par un parlement sans sièges et sans parti disposant d’une majorité globale. De nouvelles élections législatives ne pourront pas être organisées avant juin 2025.

Pour l’instant, M. Barnier est susceptible de rester en poste en tant qu' »intérimaire » jusqu’à l’élection d’un nouveau gouvernement. L’objectif immédiat du prochain gouvernement sera de trouver un accord politique commun minimum pour élaborer un budget. Si le budget 2024 n’est pas approuvé avant la fin du mois de décembre, il sera prolongé afin qu’il n’y ait pas de fermeture.

Toutefois, la reconduction du budget pourrait encore creuser le déficit budgétaire du pays, c’est-à-dire l’écart entre les dépenses et les recettes fiscales. Le déficit, initialement estimé à 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, puis révisé successivement à 5,1 % et 5,6 %, dépasserait finalement 6 % cette année. Comme le gouvernement prévoit une croissance supérieure à 1 % en 2025, tout risque de dépassement de cet objectif pourrait faire grimper le déficit, ce qui entraînerait une nouvelle détérioration du ratio dette/PIB au-delà de l’objectif initial de 114,9 %. ​

Comme l’a noté M. Barnier avant le vote, « la dette française ne disparaîtra pas par un vote ».

Le coût de financement moyen actuel des obligations d’État, qui s’élève à 2,1 %, devrait avoir tendance à augmenter en raison de la hausse des rendements.

Dans l’hypothèse d’une croissance nominale tendancielle du PIB d’environ 3 à 3,5 %, la France pourrait se permettre un déficit primaire de 1 à 1,5 % du PIB. À ce jour, les estimations du déficit primaire s’élèvent à plus de 2,5 %. Selon nous, le budget français doit être réduit d’environ 1,5 % du PIB – soit 40 milliards d’euros – pour revenir à un ratio dette/PIB stable.

Impact sur la prime de risque

Comment évoluera la prime de risque en France dans les jours et les semaines à venir ? Reflétant les turbulences croissantes sur les marchés financiers, les coûts d’emprunt des obligations d’État françaises ont fortement augmenté depuis le mois de juin. La prime sur les obligations allemandes – 50 points de base en juin – a atteint son plus haut niveau depuis la crise de la dette de la zone euro en 2012, l’écart entre l’OAT et le fonds atteignant 90 points de base avant la chute du gouvernement. Il est tombé à 80 points de base ce matin, les investisseurs ayant anticipé la destitution du premier ministre français. En outre, les investisseurs ont vendu à découvert la dette française depuis juin et pourraient être tentés de réduire leur exposition.

Volatilité à venir

Nous nous attendons à une nouvelle volatilité des marchés. Un écart de 80 à 100 points de base est compatible avec un abaissement de la note de crédit de la France à un simple A. Il est difficile d’évaluer aujourd’hui si l’écart pourrait augmenter. Les marchés considéreront la stabilité politique comme une bonne trajectoire de déficit.

Le plan de financement de la France sera crucial l’année prochaine, car les besoins d’emprunt augmenteront en raison d’un déficit plus important. La base d’investisseurs montre que les non-résidents détiennent 54,6 % du total de la dette négociable, et l’été dernier, nous avons assisté à une vente massive de la dette française. Il sera donc intéressant de voir si le montant de la dette détenue par des étrangers restera stable dans un contexte où la Banque centrale européenne (BCE) n’est plus le principal acheteur après l’assouplissement quantitatif, mais peut continuer à utiliser les réinvestissements plus légers du PEPP (programme d’achat d’urgence en cas de pandémie) pour soutenir la dette française, comme cela a été observé au cours des derniers mois.

Si la France est peu crédible en Europe lorsqu’elle promet de réduire ses dépenses, nous pensons que les comparaisons avec la Grèce sont erronées. Nous ne nous attendons pas à une véritable crise financière et le risque de défaillance ne fait pas partie de notre planification de scénarios. La France n’a jamais trompé sur son déficit et les investisseurs font confiance aux autorités françaises. De plus, le taux d’épargne des ménages en France est élevé et a même augmenté de 17,94 % au deuxième trimestre 2024 à 18,16 % au troisième trimestre 2024. Les économies pourraient donc être exploitées, comme l’a suggéré la gauche.

Enfin, la BCE a commencé à réduire ses taux d’intérêt. Bien que la France emprunte aujourd’hui à un taux plus élevé que ses voisins, le coût reste inférieur à celui du début de l’année, lorsque le taux à cinq ans était supérieur à 3 %. En outre, depuis la crise financière mondiale, la BCE a mis en place un cadre pour les pays ayant des problèmes d’endettement, qui peut être utilisé en dernier recours.

De bons points d’entrée peuvent apparaître pour les investisseurs, mais il est important de tenir compte de l’inévitable volatilité.

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