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Nicolas Thomas

Principal Thematics – Private Equity

Pictet Alternative Advisors

Alors qu’il a levé CHF 175 milliards ces 20 dernières années, le co-investissement demeure un segment relativement méconnu du private equity, où les fonds de ce secteur proposent aux investisseurs d’investir directement, ensemble, dans des transactions spécifiques.

La stratégie est alors forcément bottom-up et opportuniste, car elle offre une exposition directe aux entreprises. Pour réduire les risques, il est donc judicieux d’intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au processus de vérification (due diligence).

Mais comment, sachant que les données ESG standardisées sont plus accessibles sur les marchés cotés qu’en private equity? Et quelles informations analyser?

En utilisant un modèle innovant basé sur le concept des limites planétaires (un référentiel accessible à tous élaboré par le Stockholm Resilience Centre, qui recense les neuf dimensions environnementales essentielles pour préserver l’équilibre biophysique de la planète), les investisseurs peuvent évaluer ces opportunités de manière plus globale et concrète qu’en analysant chaque note ESG séparément. Ce type d’approche leur permet non seulement d’identifier plus efficacement les entreprises à impact négatif, mais aussi les enjeux environnementaux qui pourront faire l’objet d’un dialogue avec les directions des sociétés.

Ce référentiel, que nous utilisons depuis plusieurs années déjà pour nos investissements sur les marchés cotés, nous sert maintenant pour élaborer un modèle exclusif applicable au marché non coté. Alors qu’il est plus difficile de cartographier les entreprises dont le modèle économique marque une rupture ou qui promeuvent des technologies nouvelles, le concept des limites planétaires nous aide à évaluer rapidement le potentiel d’un investissement. Et si les activités d’une société ont un impact globalement trop négatif, nous renonçons.

Le véritable intérêt est de révéler l’empreinte des entreprises par rapport aux neuf limites – empreinte qui nous sert de base au dialogue. Par exemple, si une société génère une solide contribution positive grâce à ses émissions de gaz à effet de serre (GES) réduites, mais qu’en parallèle, elle a un impact négatif sur la biodiversité, nous interpellons sa direction sur le sujet, afin de cerner les causes et de trouver des mesures correctrices.

Un thème d’investissement attrayant

Cette approche fondée sur les données est précieuse dans le thème de l’environnement, qui constitue un axe prometteur du co-investissement. Nous sommes convaincus qu’on peut générer des résultats exceptionnels en s’exposant à des sociétés qui ont choisi de relever les grands défis environnementaux. Comment? En surfant sur les mégatendances qui stimulent la hausse du chiffre d’affaires dans les cinq segments correspondant à nos plus fortes convictions: réduction des émissions de GES; biens de consommation et agriculture durables; gestion de la pollution; économie circulaire; technologies qui soutiennent ces quatre piliers.

Dans ces segments, nous avons identifié des entreprises non cotées qui génèrent une croissance de 20% à 30% et de belles marges. De plus, le risque de rupture technologique ou réglementaire apparaît inférieur dans le domaine environnemental, car on investit déjà dans l’économie de demain.

Le recyclage, qui devient une priorité dans le contexte inflationniste actuel, constitue un bon exemple de thème d’investissement environnemental performant sur le plan financier. Nous sommes notamment exposés à une entreprise qui recycle les gaz toxiques des climatiseurs: face à la montée des températures, elle présente un profil environnemental très positif, des marges élevées et une solide croissance.

Précisons toutefois que la valorisation est tout aussi importante que les critères ESG. Par exemple, au vu des valorisations  des fabricants de batteries pour voitures électriques, nous avons dû nous tourner vers d’autres maillons de la chaîne de valeur. Nous avons ainsi investi dans une entreprise spécialisée dans les aimants, composant essentiel de ce type de motorisation. Nous devrions donc bénéficier du potentiel haussier dû à la généralisation des véhicules électriques, à un multiple plus accessible.

Le ciment constitue un autre axe intéressant, le secteur étant responsable de 6% à 8% des émissions mondiales de GES. A ce jour, aucune des techniques de fabrication du béton neutre en carbone ne présente à notre connaissance un plan de développement commercial convaincant. Nous restons à l’affût des opportunités dans le domaine, tout comme dans celui de la viande de synthèse, mais là encore, les coûts de ces nouvelles technologies restent plus élevés que ceux des procédés qu’elles visent à remplacer.

En tout état de cause, pour réussir dans le segment du co-investissement, il faut un réseau bien assis et une expertise qui permette de prendre rapidement les bonnes décisions. Et dans le thème de l’environnement, les données et l’approche globale des limites planétaires peuvent nous aider à affiner ce processus. Nous pourrons ainsi identifier des opportunités prometteuses dans des entreprises non cotées, qui font réellement avancer les choses.

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