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Thomas Planell, DNCA Investments.

Pas de stagflation, de la place pour une baisse des taux cette année, ralentissement du quantitative tightening : Jerome Powell se montre rassurant. Mais les derniers chiffres d’inflation, la croissance du PIB inférieure aux attentes au premier trimestre, la baisse de l’indicateur ISM, le repli des commandes industrielles racontent une histoire moins séduisante que celle que nous contait Boucle d’Or en début d’année.

Hésitants, les marchés attendent moins de faveurs de Jay Powell que ne le laissent entrevoir les Dot Plots de la FED, redoutent des taux plus élevés pour plus longtemps, s’interrogent sur la marge de manœuvre de la Banque centrale. Sans confiance sur l’inflation, ils joueront probablement les « scruteurs de toutes les archives (des chiffres de l’emploi), à cause de ce secret (de politique monétaire) qui pourrait y être enfermé » pour paraphraser le dramaturge et poète Paul Claudel.

Depuis la fin mars, la nervosité se fait sentir sur les marchés obligataires (indice Move toujours au-dessus de 100) et les devises. En avril, les écarts entre les souches notées CCC et le reste des marchés se sont accentués. Le peso mexicain a cédé jusqu’à 5% face au dollar. L’euro ne s’extirpe pas des limbes. Au cours des derniers jours, le bitcoin, sous les 60000$, a souffert de la pire semaine de rachats de cryptomonnaies depuis juin 2022.

La volatilité a même gagné jusqu’au yen, guère habitué à des fluctuations quotidiennes de près de 3%, attribuées à l’intervention de la BOJ. Le repli du yuan interroge au moment où la Chine amasse avec empressement des ressources stratégiques, comme le cuivre ou l’or. Se prépare-t-elle à une dévaluation agressive de sa devise ? Les conséquences à l’échelle globale ne sont pas à prendre à la légère.

Pour certains, la baisse des taux est attendue comme l’arlésienne. Le PDG d’Ørsted déplore la hausse des coûts de financement des projets, qui requièrent force capitaux. Selon WoodMackenzie, une hausse de 2% augmente les coûts de 20%. Les taux élevés sont-ils l’ennemi de la transition ? Ou la transition est-elle inflationniste par nature ? Le serpent se mord la queue…

Pour d’autres, les taux plus élevés sont une aubaine. Dans cette saison de résultats, et ce premier mois de baisse depuis octobre 2023 pour les marchés européens, les banques se distinguent ! Les résultats sont mitigés mais les effets de taux plus élevés pour plus longtemps appellent les investisseurs à revisiter leurs attentes de marge d’intérêt pour le secteur. La tentative de rapprochement de BBVA avec Sabadell relance l’intérêt spéculatif. A l’image du secteur minier avec de l’intérêt Glencore pour AngloAmerican, après l’offre rejetée de BHP. Dans l’ensemble, les valeurs value recueillent les fruits du rebond des taux et d’un positionnement excessif sur certains secteurs.

D’autant que les performances des entreprises européennes ne sont pas à blâmer dans ce repli printanier, car la baisse des résultats (-10% pour les sociétés du MSCI Europe) est légèrement moins grave que prévu au premier trimestre. Les marges tiennent, parfois au détriment des volumes. Le secteur pharmaceutique, la chimie, la consommation de base délivrent de bonnes surprises et profitent de la rotation. Les déceptions sont plutôt déplorées du côté des valeurs technologiques, des semiconducteurs (avertissement de ST Micro Electronics) ou de la consommation discrétionnaire où les attentes semblaient trop fortes. Les indices d’une fin de récession bénéficiaire se dévoilent, distillés par petites touches dans les communiqués d’entreprises et ou dans les chiffres de croissance économique supérieure aux attentes en zone euro. Marché de reprise, les actions européennes enregistrent leurs premiers flux positifs depuis décembre 2023. Souhaitons que cela dure…

Contre toute attente, le vainqueur inattendu du mois dernier est probablement le marché actions chinois, vent debout sur le podium des performances. Les espoirs de relance (immobilier, secteur automobile), en amont du prochain rendez-vous du Politburo entretiennent l’appétit pour le risque. Mais les indicateurs macroéconomiques des derniers jours (PMI manufacturier ou services toujours campés sur 50 – zone neutre-) ne sont pas plus encourageants que les dernières sorties aux Etats-Unis.

Malheureusement, hors de l’Europe, le Momentum de l’activité économique sur la planète semble avoir marqué une pause en avril. Au narratif d’un boom inflationniste de la croissance succèdent désormais les craintes d’un ralentissement économique, pas assez désinflationniste aux yeux du marché…

Toute la question est désormais de s’avoir s’il s’agit d’un phénomène temporaire (peut-être accru par la nervosité politique : élections américaines, crise à Gaza et ses retentissements sur les campus américains, regain de tensions commerciales entre Chine et Etats-Unis…) ou s’il est déjà temps de se préparer, comme le conseille le dicton, à vendre en mai, et à se montrer défensif dans son allocation pour l’été (Sell in May, and go away ») ?

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