Il faudra faire preuve de sélectivité en 2024 avec des gagnants qui ne seront pas ceux de 2023. Il faudra savoir saisir les opportunités dans un marché obligataire très attractif, avoir un œil sur l’or et surtout fuir les fausses bonnes idées de 2023.
La baisse des taux, le début de son enclenchement et son ampleur, monopolisera les réflexions des analystes en 2024. Si les taux et les rendements ont grimpé sensiblement une bonne partie de l’année 2023, le contraire risque d’arriver cette année, avec le reflux de l’inflation.
« Nous maintenons des perspectives positives pour les titres à revenu fixe en 2024. Les valorisations sont attrayantes, bien meilleures que dans le marché actions qui ont déjà intégré beaucoup de bonnes choses. Avec des niveaux de taux élevés, l’orientation monétaire des banques centrales pour ces prochains mois sera de les baisser, aidé par le reflux de l’inflation mais aussi des perspectives économiques au mieux stables ou dégradées. » explique Wolf Von Rotberg, Economic & Equity Reasearch chez Bank J Safra Sarasin qui poursuit : « les rendements obligataires risquent de glisser ces prochains mois, avec à la clé des promesses de belles performances pour l’investisseur obligataire, avec une préférence pour les titres de catégorie investissement (minimum BBB) plutôt que les titres à rendement élevé. » La hauteur actuelle des rendements devrait aussi fournir un coussin suffisant pour amortir d’éventuels mouvements erratiques du marché obligataire.
La surprise de l’économie américaine
Aux Etats-Unis, en 2023, le feuilleton de la vigueur persistante de l’économie a été la grande surprise. Tout au long l’année, la force de la croissance a défié les Cassandre, avec des révisions à la hausse de trimestre en trimestre. En ce début d’année, l’économie américaine continue de tourner à bon régime, bien d’avantage que ce qu’anticipaient les conjoncturistes. Mais le moteur risque de s’enrayer cette fois.
Avec un marché du travail soutenu, les consommateurs américains ont contribué à hauteur de 60 % au chiffre de la croissance avec les voyages, les services (cinémas, loisirs…) et la part des dépenses publiques ont fourni environ 30 %.
Dans cette atmosphère, la banque centrale américaine poursuit son combat contre l’inflation. Avec un marché de l’emploi dynamique et quelques fois en pénurie, la pression à la hausse sur les salaires subsiste. Les chefs d’entreprise sont obligés de répercuter cette spirale des couts salariaux dans leurs prix de vente et automatiquement renchérissent l’inflation. Conséquence, la banque centrale américaine souhaiterait les tensions sur le marché de l’emploi se réduisent et refroidissent un peu l’économie.
Récession en vue
Alors qu’elles ont contribué à la force de la croissance de l’Oncle Sam, les dépenses publiques ont aussi creusé le déficit et restent un point noir de l’économie américaine avec une dette et un déficit public qui ont dérapé. Ces dépenses ne peuvent pas être maintenues dans le temps.
En d’autres mots, avec un marché de l’emploi que la Federale Reserve aimerait voir refroidir et un frein sur les dépenses publiques, Wolf Von Rotberg parie sur une entrée de l’économie en récession plutôt qu’un atterrissage en douceur.
D’ailleurs, si on se fie aux statistiques, il très rare que la croissance de l’économie américaine résiste à une série de resserrement monétaire. Depuis 1990, au cours de cinq séquences de hausse de taux, l’économie a échappé une seule fois à la récession (1995-1998).
Autre signe précurseur du ralentissement en cours, la création de crédit s’est ralentie. Et les taux de délinquance sur les prêts à la consommation et les prêts automobiles ont accéléré, soutenant clairement l’idée que cette fois l’orientation monétaire commence à mordre l’économie de manière plus décisive aux États-Unis.
Sur le même thème, le taux de délinquance dans les cartes de crédit a aussi progressé ces 12 derniers mois pour atteindre un plus haut depuis 2011. En deux mots, la croissance économique risque de s’étioler avant l’été aux Etats-Unis, l’inflation perdre de la hauteur, deux arguments qui encourageront à la baisse des taux.
En Europe, l’histoire est quelque peu différente avec une croissance, certes constante et positive ces dernières années, mais insuffisante pour combler le retard de croissance cumulé après l’arrêt obligé de l’économie durant la période covid (avec l’hypothèse que l’économie conserve le rythme de croissance de la période 2015-19).
Elément qui a pistonné la croissance en 2023, le consommateur a bénéficié de la hausse des salaires qui a maintenu son pouvoir d’achat face à l’inflation. La décélération de l’inflation est attendue, espérée par la BCE. Les derniers chiffres indiquent qu’elle s’est même amorcée.
Le début de ce reflux de la hausse des prix a amélioré le revenu net des ménages. Le probable retour de l’économie chinoise qui sort doucement d’une très mauvaise passe, va donner un coup de main à la croissance européenne, certes marginal, avec une hausse des exportations européennes vers la Chine.
2024, miroir inversé de 2023
Dans le monde des actions, certaines valeurs à la traine en 2023 victimes de la hausse des taux, risquent de faire leur retour cette année avec la glissade des taux. Comme le secteur des utilities (service public, etc.), la santé, des produits de base ou même l’immobilier. Dans les choix régionaux, la baisse des rendements des bons du trésor US, selon les observations reprises depuis 2010, ont été favorables aux actions suisses au contraire des actions japonaises, à l’opposé de l’échelle.
A noter, en cas de coup de tabac et baisse forte des marchés, la banque centrale américaine dispose de suffisamment de cartouches pour ramener la sérénité dans les marchés.
Mais en actions, il faudra faire preuve de patiente. Les cours risquent de fluctuer en taules ondulées ces prochains mois. La seconde partie de l’année devrait être plus porteuse.
Retour de l’or
Car les belles promesses de l’IA (Intelligence artificielle) et la confiance indéfectible des géants de la tech ont poussé Wall Street à faire fi des incertitudes sur le futur rythme des baisses de taux ont poussé le marché un peu trop vite, un peu trop loin. Raison de l’attractivité du marché obligataire.
Dans le marché des devises, le dollar sera mis sous pression avec la combinaison de la baisse des taux directeurs et le ralentissement de l’économie.
Les réticences de la banque centrale européenne à envisager des baisses de taux rapidement (elle attendra une première baisse en dollars avant d’agir), soutiendront l’euro mais des statistiques peu encourageantes sur la croissance en euro brideront sa progression.
Enfin, l’or trouvera un terrain favorable avec la baisse des taux et un dollar appelé à devenir plus faible. Historiquement, une baisse de des taux de 1 % a entrainé une hausse de 15 % de l’or.