Thomas Planell, Gérant – analyste DNCA Investments.
Déstockage, baisse de prix… Après un second trimestre difficile, les avertissements sur résultats se suivent et se ressemblent du côté des chimistes européens (Lanxess, Victrex, DSM-Firmenich…) et américains : HB Fuller, Ashland ou encore Cabot qui admet faire face à « un cycle de déstockage prolongé » auquel la reprise moribonde de la Chine n’est pas étrangère. En ligne de mire du repli des indicateurs des directeurs d’achats (PMI) depuis mi-2021, le secteur est affecté par la prudence des clients qui se préparent à une récession, tandis que le pain blanc du surstockage post-covid semble définitivement consommé. Cette année, le volume activité pourrait se retrancher vers les niveaux de 2016, induisant une récession sectorielle comparable à celle de 2008 ! La chimie (7% du PIB mondial) est-elle le cavalier de l’apocalypse économique ?
Le mot déstockage se propage aux bouches des dirigeants du secteur du packaging, de la logistique maritime et routière. Oiseau de mauvais augure, il essaime à un rythme exponentiel dans les conférences téléphoniques qui accompagnent la publication des comptes trimestriels des sociétés du S&P500. Déjà près de 300 itérations ce mois-ci. Deux fois plus qu’au second trimestre 2019. A l’époque, les sociétés livraient des comptes plombés par le ralentissement de la croissance mondiale et la sclérose de la guerre commerciale sino-américaine.
Les marchés, cependant, ne semblent s’émouvoir outre mesure des trépidations de la chimie, pourtant à l’avant-garde du cycle économique ! Malgré l’asphyxie de l’activité, le Stoxx 600 Chimie reste en hausse depuis le début de l’année (+ 3%). L’écart avec les deux principaux débouchés du secteur, la construction (+15%) et l’automobile (+20%), tout aussi cycliques, est particulièrement marquant. Les investisseurs (après une année et demie de déstockage !) sont peut-être déjà convaincus que le plus dur est fait. Ils préfèrent se focaliser sur les bonnes nouvelles qui ne sont pas absentes de cette saison de publications. Positionnés en amont du cycle, certains constructeurs, comme Renault, revoient leurs objectifs à la hausse : la normalisation de la chaine logistique permet la livraison tant attendue des modèles plus chers pour lesquels il fallait attendre neuf à douze mois entre la signature en concession et la remise des clefs. Tandis qu’aux Etats-Unis, les dépenses de construction liées à la relocation des usines s’envolent : près de 200 milliards de dollars cette année !
Finalement, le caractère très asynchrone du ralentissement rassure. L’absence d’un effondrement généralisé de la demande dans le secondaire entretient l’espoir d’un soft-landing économique. Proposition à conjuguer toutefois au conditionnel : l’inflation « core », qui continue de progresser (5,3% en mai en zone euro), n’invite pas la BCE à se détourner de sa feuille de route, bien au contraire.
Avec plus de chemin à parcourir que la FED sur la voie du resserrement monétaire et des indicateurs de surprises économiques moins bien orientés qu’aux Etats-Unis, l’ascension vers le sommet des taux terminaux entre dans une phase délicate en Europe.
Pour le vieux continent, un supplément de croissance en provenance de la Chine serait bien venu afin de mieux digérer la pilule de la hausse des taux, attendus autour de 3,85% en fin d’année. Malheureusement les dernières données envoyées par l’Empire du Milieu ne pointent pas encore vers le rebond industriel tant attendu par les exportateurs européens.
Si l’on souhaite toutefois se focaliser sur le positif, on pourra se consoler en regardant du côté des réserves de gaz européennes. Le ralentissement de la chimie allemande a permis de limiter la flambée des prix du gaz cet hiver tandis que le taux de remplissage devrait atteindre 100% à la mi-septembre !