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Franck Dixmier, responsable de la gestion obligataire monde chez Allianz Global Investors.

La tension monte dans les marchés au fur et à mesure que la dette américaine se rapproche de la date butoir pour relever son plafond, au début du mois de juin. Les taux court terme (Treasury Bill) à 1 mois ont atteint 5.44% sur leur pic récent le 19/05, tandis que les credit default swap sur les Etats Unis -s’ils sont revenus de leur plus haut- restent volatils.

Créé en 1917, le plafond de la dette fixe le montant maximal que l’Etat américain peut emprunter. Lorsque ce montant est atteint, le Congrès doit voter son relèvement, avec un vote à la majorité des 2 chambres. Fixé à 31.4000 milliards de dollars, le plafond a été atteint mi-janvier. Le 12 mai, le service du budget du Congrès (CBO) a indiqué que, sauf accord, le pays pourrait se retrouver en défaut de paiement début juin.

La crise actuelle n’est pas nouvelle et les marchés ont généralement absorbé les événements sans trop de nervosité. L’enjeu, un possible défaut des Etats-Unis, semblant improbable tant ses répercussions seraient importantes. Les investisseurs sont en général confiants dans le fait qu’un accord sera trouvé en dernière minute.

De fait, depuis 1917, le plafond a été relevé 78 fois. L’absence d’accord a conduit au shutdown du gouvernement par deux fois en 1995, de 5 et 21 jours, et de nouveau en 2013 pour 16 jours. Un shutdown partiel en 2018 immobilisa les services de l’Etat pour 35 jours, un record. En 2011 un accord fut trouvé deux jours avant la date butoir.

Pourtant le contexte actuel est particulier. Jamais le contexte politique aux Etats-Unis n’a été marqué par une fracture aussi profonde entre les deux partis et une telle difficulté à dialoguer. Le point de tension se situe au niveau de la coupe dans les dépenses fédérales que souhaite les Républicains, alors que les Démocrates se sont engagés sur un couteux programme de transition énergétique.

A ce stade, trois scénarios peuvent être envisagés : un accord de dernière minute, un shutdown ou le défaut de paiement. Nous n’attribuons qu’une probabilité de 0,01% au risque ultime, le défaut de paiement. Celui-ci ne s’est jamais produit, tant les conséquences pour l’économie américaine seraient désastreuses à court, moyen et long termes. À court terme, le défaut entrainerait une récession sévère en raison de la hausse des taux d’intérêts, des difficultés de financement et d’un manque d’investissements dû à la hausse du coût du crédit. En outre, la contagion à l’économie mondiale se traduirait par un choc récessif global. A long terme, les conséquences pour les Etats Unis seraient incalculables en termes de leadership politique et économique sur la scène internationale.

Malgré tout, nous ne pondérons qu’à 40% la probabilité d’un accord de dernière minute tant les deux parties semblent rester camper sur leurs positions. Dans ce contexte, il nous semble qu’une montée en intensité dans l’urgence de parvenir à un compromis soit la seule issue : nous privilégions donc un scenario de shutdown à 60%, suivi d’un accord rapide. Celui-ci ne pourrait en effet qu’être temporaire car seule une partie des paiements peut être gelée. Le Trésor américain devrait alors donner la priorité absolue au service de la dette, en faisant une impasse sur les dépenses sociales d’allocation chômage et de sécurité sociale, et en suspendant notamment le traitement des fonctionnaires. Dans ce scénario, le coût économique et politique extrêmement élevé de telles mesures devrait pousser Républicains et Démocrates à un accord rapide.

En attendant, les marchés devront naviguer dans un contexte d’incertitude qui devrait alimenter la volatilité du dollar et des actifs risqués. Ce contexte qui ajoute une pression baissière sur les perspectives de croissance devrait être favorable aux taux américains sur la partie longue de la courbe, en renforçant l’idée que la Réserve Fédérale a atteint le point haut sur ses taux d’intérêts. Ceci renforce notre conviction d’ajouter de la duration sur les taux américains sur tout replis des Treasuries.

KFI

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