Pieter Haine, Estate Planner, Nagelmackers.
Ces dernières années, le nombre de donations dans notre pays a considérablement augmenté. Pourtant, le fonctionnement et la réglementation des donations demeurent largement méconnus. Les estate planners de la banque Nagelmackers font régulièrement face à cinq idées reçues à leur sujet: “Surtout, pensez à vous dans le processus!”
1. Donner, c’est donner: dès que je fais une donation, je perds le bien donné de façon définitive
Pieter Haine, Teamleader Estate & Tax Planning chez Nagelmackers: “La donation ne doit pas nécessairement être ‘tout ou rien’. Des conditions et modalités peuvent être fixées dans l’acte notarié ou dans l’acte sous seing privé conclu entre le donateur et le ou les donataires. Si les avoirs bancaires ou les immeubles sont donnés avec une réserve d’usufruit, le donateur peut continuer à profiter des intérêts, des dividendes ou des revenus locatifs qui en résultent. Il est également possible de prévoir des charges financières facultatives, ce qui permet au donateur de demander chaque année aux enfants un montant prédéterminé. Et si le donataire meurt avant vous? Avec une clause de retour optionnelle, vous pouvez décider à ce moment-là de vous faire restituer ou non le bien donné ou ce qui l’a remplacé. Sans un tel accord, la donation est en principe irrévocable et, à quelques exceptions près*, le donateur ne peut pas revenir dessus.”
2. Si je fais une donation à un seul enfant, je compromets l’égalité de traitement entre mes enfants
Astrid Dutré, Estate Planner chez Nagelmackers: “Pas du tout. Le législateur part du principe que les parents veulent traiter leurs enfants de manière égale. Si vous faites une donation à un seul enfant aujourd’hui, cette donation sera considérée comme une avance sur la part d’héritage. En d’autres termes, à votre décès, l’enfant devra rapporter fictivement cette donation à la succession, après quoi le partage suivra. Ce qui a déjà été donné sera imputé sur sa part. De cette façon, les enfants seront traités de manière égale à votre décès. SI vous voulez déroger à cette égalité de traitement et avantager un enfant, il vous est possible de faire une une donation hors part. Votre enfant recevra alors cette partie supplémentaire. En revanche, les donations illimitées à un seul enfant ne sont pas possibles: tous les enfants ont droit à une part de vos biens déterminée par la loi. Actuellement, la réserve des enfants est fixée à la moitié de la masse fictive. Cette masse fictive est constituée de tous les biens présents au décès, après déduction des dettes et augmentée des biens déjà donnés de son vivant. Si l’un des enfants a reçu trop, les enfants lésés peuvent réclamer leur part.”
3. La donation passe toujours par le notaire
Sophie Slits, Legal Advisor chez Nagelmackers: “Pas nécessairement. Cela dépend de ce que vous donnez mais aussi de votre état de santé. Les biens immobiliers doivent toujours faire l’objet d’une donation notariée. En cas de donation de biens meubles, il y a deux possibilités. Soit vous donnez par l’intermédiaire du notaire, auquel cas des droits de donation sont dus – par conséquent, aucun droit de succession n’est dû ultérieurement. Soit vous effectuez la donation par le biais d’un acte sous seing privé. Dans ce cas, aucun acte notarié n’est requis et aucun droit de donation ne sera dû, sauf si vous optez pour l’enregistrement. L’inconvénient est que, en tant que donateur domicilié en Flandre ou à Bruxelles, vous devez rester en vie pendant trois ans, contre cinq ans en Wallonie. Dans le cas contraire, les droits de succession sont toujours dus.”
4. Après la donation, je dois rester en vie pendant trois (ou cinq) ans
Solange Saghbini, Tax Advisor chez Nagelmackers: “C’est particulièrement vrai pour une donation privée non enregistrée de biens meubles. Si le donateur décède pendant cette période, le donataire doit payer des droits de succession. En pratique, pour prouver ce délai, on utilise une lettre d’intention et un pacte adjoint. Ces documents sont envoyés par courrier recommandé pour prouver la date de la donation. Les personnes qui font des donations à plusieurs enfants ont tout intérêt à travailler avec des documents différents. De cette façon, chaque enfant peut choisir d’enregistrer ou non la donation. Cela dit, la durée de trois ans joue également un rôle lors de la donation de biens immobiliers en Flandre et en Wallonie. Si le donateur décède pendant cette période, aucun droit de succession ne sera dû sur le bien donné, mais sa valeur sera prise en compte pour déterminer le taux applicable sur les autres biens hérités.”
5. Je fais une donation par virement à mon enfant: c’est suffisant
Pieter Haine: “Absolument pas. Le virement est un acte neutre. Il convient de pouvoir prouver le motif de ce transfert. S’agissait-il d’un paiement, d’un prêt ou d’une donation? D’où l’importance de travailler avec une lettre d’intention et un pacte adjoint comme éléments de preuve. Ceux-ci permettent en effet au donateur de manifester clairement son intention. Les documents offrent en outre l’avantage d’assortir la donation de conditions et de modalités. Si le donateur veut par la suite invoquer la clause conventionnelle de retour, il est important que cela soit prévu par écrit. Ces documents jouent par ailleurs un rôle dans la preuve de la période de risque et de l’enregistrement du don. Du reste, il est judicieux de conserver ces documents dans Izimi, le coffre-fort numérique sécurisé et gratuit.”