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La guerre commerciale entraîne des conséquences inattendues. Les actions sont chahutées. Mais ce n’est pas ce qui devrait nous inquiéter le plus. La liquidité s’effondre sur tous les segments de marché sans exception, faisant craindre une déstabilisation du système financier. Heureusement, le pire n’est jamais certain.

Où en est-on dans le grand bazar des taxes douanières américaines ?

  • Sur la Chine : les taxes douanières passent à +125% (contre +104% le 9 avril et 20% le 8 avril).
  • Sur tous les autres pays (à l’exception de la Russie, de la Corée du Nord et de la Biélorussie) : taux minimal de 10% qui peut être majoré ; moratoire de 90 jours avant sa mise en application
  • Sur l’acier et l’aluminium : +25 %
  • Sur les voitures : +25 %
  • Sur le Canada et le Mexique : +25%, uniquement sur les marchandises qui ne sont pas admissibles à l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique de 2020.

Des exceptions : les terres rares qui ne sont pas présentes dans le sous-sol des États-Unis sont exemptées du taux minimal de 10% ainsi que certains produits électroniques (ordinateurs portables, semi-conducteurs, téléphones, serveurs).

C’est une excellente nouvelle pour les fabricants d’électronique grand public, comme Apple.

Les investisseurs continuent d’être sur leurs gardes :

Ils se replient sur les valeurs refuge : l’or qui a atteint un record historique à 3245 dollars l’once, le franc suisse et, à la surprise générale, l’euro. La paire EUR/USD connaît son plus important rallye haussier en 15 ans. Elle évolue autour de 1,13 et pourrait grimper à 1,20 d’après les positions prises sur le marché des options.

La faiblesse inhabituelle du dollar s’explique par les craintes de dévaluation unilatérale par l’administration Trump et par la possibilité que la Réserve Fédérale américaine (Fed) soit contrainte d’assouplir plus rapidement que prévu sa politique monétaire.

Une baisse des taux n’est certainement pas l’option la plus appropriée dans un contexte d’inflation élevée. En revanche, la Fed pourrait opter pour des mesures de liquidité si nécessaire (opération de repo, achats de bons du Trésor sur une courte période, baisse temporaire du ratio de levier supplémentaire des banques etc.).

Aucun segment de marché n’est épargné. La volatilité est complètement anormale sur les devises. On observe une dislocation du marché des matières premières. En raison des anticipations d’intensification de la guerre commerciale, le prix du cuivre sur le marché américain offre une prime record de 1,500$ par rapport aux prix internationaux. C’est totalement inhabituel. Le pétrole s’effondre. Le prix ajusté de l’inflation du pétrole WTI est à son niveau d’il y a 40 ans.

La dégradation de la liquidité est le principal risque à court terme : Les spreads bid-ask, les carnets d’ordre et les volumes de transactions sur le S&P 500 confirment que la liquidité est en chute libre. Seule bonne nouvelle, elle est supérieure à son point bas de 2020. Autre motif d’inquiétude, le taux SOFR est supérieur au taux pour les contrats à terme sur les fonds fédéraux. C’est une anomalie qui signale un stress élevé sur les financements garantis (le SOFR est garanti par les bons du Trésor). Depuis début 2025, l’écart entre le taux SOFR et les contrats à terme sur les fonds fédéraux est passé de -0,025 à +0,040. Cela peut paraître peu. Pourtant, les conséquences sont importantes. Cela met sous pression les fonds spéculatifs américains qui empruntent au taux SOFR pour acheter des contrats à terme sur les fonds fédéraux. Cette opération est habituellement considérée à faible risque puisque le taux SOFR est généralement inférieur au taux des contrats à terme sur les fonds fédéraux. Ce n’est plus le cas. Conséquence, les fonds spéculatifs sont confrontés à des problèmes de liquidité, à des pertes importantes et des appels de marge de la part des prime brokers. Cela s’ajoute aux pertes subies par certains fonds sur leurs positions longues sur les actions technologiques américaines.

La faible volatilité rime avec forte volatilité : les transactions importantes peuvent entraîner des fluctuations de prix cinq fois supérieures à la moyenne enregistrée, particulièrement sur les devises, les taux des pays du G10, les actions et le crédit à haut rendement. C’est totalement anormal. C’est le cocktail parfait pour un accident de marché pouvant entraîner des conséquences systémiques. Ce n’est pas notre scénario central. Mais il faut être vigilant. Soit la situation se stabilise d’elle-même, avec un peu d’aide de la Fed et/ou de la Maison Blanche, soit nous risquons une crise de liquidité. Nous serons certainement fixés prochainement.

À surveiller cette semaine :

  • L’évolution du marché obligataire américain. Jeudi dernier, nous avons eu un bond de 25 points de base du taux de rendement à 10 ans en vingt minutes. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Mais c’est un signal d’alerte qui a d’ailleurs obligé l’administration Trump à mettre de l’eau dans son vin concernant les droits de douane.
  • Les signes de craquement sur le marché des CLO (Collateralized Loan Obligations) aux États-Unis. Les spreads bondissent au-dessus du taux SOFR, ce qui confirme des problèmes de liquidité. C’est un nouveau point de fragilité qui est apparu ces derniers jours.
  • Une possible opération de liquidité de la Fed, particulièrement en direction des banques régionales américaines qui sont le maillon faible connu du système financier américain.
  • Les opérations de refinancement du Trésor américain qui vont servir de test de confiance au marché. Est-ce que les investisseurs seront au rendez-vous en dépit de l’imprévisibilité de l’administration Trump et des craintes de dévaluation du dollar ?
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