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S’inspirer du presque oublié André Kostolany pour garder le cap

Ces dernières semaines, les marchés boursiers ont tremblé sur leurs fondations, et de nombreux investisseurs en ETF – les fameux « investisseurs hamac » – ont été confrontés pour la première fois à une forte baisse des cours, à des rebonds spectaculaires comme celui du mercredi soir 9 avril, et donc à une volatilité rarement vue. De tels mouvements de prix n’avaient plus été observés depuis le début de la pandémie en mars 2020. Ces derniers mois et années, de nombreux investisseurs s’étaient endormis, convaincus que les marchés évoluaient toujours à la hausse. Mais de telles corrections et fluctuations sont intrinsèquement liées aux marchés boursiers. Il faut désormais garder la tête froide – malgré l’imprévisibilité actuelle des dirigeants américains – et surtout, ne pas arrêter d’investir, voire continuer à acheter progressivement.

Les baisses de marché sont réelles et rapides

Beaucoup d’investisseurs en ETF regardent aujourd’hui leur portefeuille et se demandent où est passée une partie de sa valeur. Ceux qui n’étaient pas encore investisseurs au moment du début du confinement lié au Covid – lorsque les marchés ont chuté de dizaines de pourcents en quelques semaines – et ceux qui sont trop jeunes pour avoir connu la grande crise financière de 2008 – quand le secteur bancaire a failli s’effondrer – ne se sont probablement jamais rendu compte que les marchés pouvaient vraiment reculer de façon significative. Jusqu’il y a quelques semaines, ils ne connaissaient cela qu’en théorie ou via des livres d’histoire.

Beaucoup de jeunes investisseurs pensaient que les marchés montaient toujours (progressivement). Et en regardant les indices boursiers depuis le Covid, à l’exception notable de la première moitié de 2022, cela semblait être vrai. Grâce à la popularité des investissements passifs réguliers et du mouvement FIRE (Financial Independence, Retire Early), de nombreux jeunes ont commencé à investir récemment. Ils n’ont jamais connu autre chose. C’est donc avec de grands yeux qu’ils découvrent aujourd’hui la réalité des corrections boursières. Un dicton populaire à Wall Street dit cependant : “le taureau monte les escaliers, l’ours saute par la fenêtre” – en d’autres termes, les hausses sont lentes et régulières, tandis que les baisses sont brutales et soudaines. En fin de compte, vivre un tel crash est formateur : on apprend que les marchés sont par nature volatils, et on sait mieux comment réagir la prochaine fois.

Retour à André Kostolany

En période de turbulences boursières, il est toujours utile de se replonger dans les enseignements d’experts du passé qui ont vécu de nombreux krachs. Le presque oublié André Kostolany (décédé en 1999) en est un parfait exemple. Il ne dit peut-être plus grand-chose au grand public – peut-être parce qu’il n’écrivait qu’en allemand et en français – mais ne vous y trompez pas : ce spécialiste des marchés d’origine hongroise, qui mêlait psychologie et connaissance des marchés, maîtrisait l’art de la métaphore pour expliquer avec légèreté des sujets financiers complexes.

Ses écrits sont particulièrement marquants sur la manière d’aborder les krachs. “Investir est un marathon, pas un sprint” disait-il. Lors des baisses, il ignorait les bruits à court terme pour se concentrer sur les tendances de long terme. Il comparait aussi les marchés à un enfant gâté : imprévisible et émotionnel, mais qui gagne en sagesse avec le temps. Pour Kostolany, la volatilité avait peu à voir avec les chiffres, et beaucoup avec l’émotion humaine. Le marché a toujours raison selon lui, mais il est rarement rationnel. Alors que d’autres vendaient dans la panique, lui voyait des opportunités. Il prônait aussi de conserver des liquidités pour les moments de pessimisme extrême : “Un bon investisseur est comme un chasseur avec un fusil chargé.” Dans un sell-off, la liquidité est un pouvoir. Une autre de ses maximes : “Achetez quand il y a du sang dans les rues – même si c’est le vôtre.”

Évidemment, Kostolany a écrit et dit bien plus que cela. Pour mieux comprendre sa vision des marchés, lisez son chef-d’œuvre L’Art de spéculer ou découvrez ci-dessous quelques-unes de ses nombreuses citations. Il les utilisait souvent pour mettre les investisseurs en garde contre les erreurs fréquentes. En voici quelques-unes :

  • “Celui qui ne possède pas d’actions quand les cours baissent, n’en possédera pas non plus quand ils exploseront à la hausse.” Attendre trop longtemps sur la touche, c’est ne jamais acheter.
  • “Un homme peut choisir différentes façons de perdre sa fortune : la plus rapide, c’est au casino ; la plus agréable, avec de belles femmes ; la plus stupide, en bourse.” Tout est dit.
  • “Un bon spéculateur doit être perspicace, avoir une bonne intuition et beaucoup d’imagination. Après chaque succès ou échec, il doit se remettre en question pour comprendre les causes. Et ne jamais avoir la grosse tête.” Humilité et réflexion constante. La chance joue aussi un rôle important.
  • “Je ne peux pas vous dire comment devenir riche rapidement, mais je peux vous dire comment devenir pauvre rapidement : en essayant de devenir riche rapidement.” La patience est une vertu essentielle.
  • “J’aime la Bourse, car nulle part ailleurs on ne trouve autant d’imbéciles au mètre carré.” Beaucoup pensent tout savoir, mais c’est rarement le cas. C’est là qu’il y a des opportunités.
  • “Le meilleur conseil pour un spéculateur débutant : étudier la psychologie des foules. Le meilleur livre à ce sujet est Psychologie des foules de Gustave Le Bon (1895).” Les marchés sont guidés par les comportements collectifs, que ni les économistes ni les ordinateurs ne peuvent prévoir.
  • “Si j’avais des enfants, je voudrais que le premier soit musicien, le second peintre ou sculpteur, le troisième écrivain ou au moins journaliste, et le quatrième spéculateur en Bourse pour faire vivre les trois autres.” L’art de prédire l’avenir peut rapporter gros.

En pratique

En regroupant tous ses enseignements, le message est clair : gardez votre sang-froid, ne vous laissez pas distraire par les nouvelles de court terme (aussi absurdes soient-elles, comme les querelles tarifaires) et continuez d’investir avec une vision à long terme. Bien sûr, il est facile de dire qu’il faut rester calme quand les pertes s’accumulent et que Trump alimente la nervosité au quotidien. Mais dans les faits, de nombreux investisseurs sont restés sereins ces dernières semaines et ont profité des baisses pour renforcer leurs positions. Sans le savoir, ils ont écouté Kostolany. Ils savaient que la soupe n’est jamais mangée aussi chaude qu’elle est servie. Le fort rebond des 9 et 10 avril, quand Trump a suspendu ses hausses de tarifs, leur a donné raison. Même si tout le monde sait que la volatilité et l’incertitude sont encore loin d’être derrière nous.

D’un point de vue pratique, il est donc déconseillé de vendre sous l’impulsion ou de réduire vos positions en ETF pendant les jours noirs. Prendre des décisions émotionnelles peut être dangereux. Il vaut mieux rester concentré sur ses objectifs de long terme. Continuez donc à investir et envisagez d’acheter lors des journées très rouges – car il y en aura d’autres. Vous pouvez aussi poursuivre votre plan d’investissement mensuel à date fixe. L’avantage aujourd’hui, c’est que vous achetez plus de parts d’ETF pour le même montant, ce qui réduit votre prix moyen d’achat. Sur le long terme, cela vous sera profitable. Vous pouvez aussi injecter un peu plus lors des journées très négatives – veillez donc à garder un peu de cash à disposition.

Assurez-vous également que votre portefeuille est suffisamment diversifié. Ne mettez pas tout dans un seul ETF comme le MSCI World, trop concentré sur les États-Unis. Restez informé des évolutions du marché et des tendances – la connaissance aide à mieux gérer la volatilité. Mais restons prudents : ce n’est pas encore le moment d’investir massivement. La volatilité est toujours bien présente. L’imprévisibilité de Trump risque de durer encore un moment. Et les marchés – ou plutôt les investisseurs – auront besoin de temps pour digérer les événements récents.

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