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Christoph Ohme, Gérant du fonds ODDO BHF German Equities ODDO BHF AM.

Le nouveau gouvernement allemand prévoit d’investir massivement dans les infrastructures et la défense. Est-ce une bonne nouvelle pour les actions allemandes ?

Après la crise du Covid, l’Allemagne était à la traîne en matière de croissance économique en Europe. Aujourd’hui, avec les deux plans d’investissement annoncés, il y a selon nous une réelle opportunité de surmonter les obstacles structurels et de libérer le potentiel des entreprises innovantes du pays. Le plan d’investissement dans les infrastructures atteint 500 milliards d’euros – c’est plus encore que le fonds mis en place dans les années 90 pour financer la réunification allemande. Pour les investisseurs, c’est une occasion unique de profiter du redressement économique du pays. Même si les effets ne seront pas immédiats, les projections à moyen et long terme estiment que ces investissements pourraient augmenter le PIB de 0,5 % à 1,4 % dès 2026, en fonction des modalités de leur mise en œuvre. Cette croissance devrait se répercuter sur les bénéfices par action (BPA) : les analystes anticipent une croissance à deux chiffres en 2025 pour les grandes capitalisations (DAX +10 %), les moyennes capitalisations (MDAX +35,3 %) et les petites capitalisations (SDAX + 49,5 %) – un vivier d’opportunités attrayantes pour les investisseurs, selon nous. En outre, les investisseurs étrangers semblent redécouvrir l’Allemagne et l’Europe, avec des achats conséquents observés depuis le début de l’année en anticipation de ces changements de politique.

Qu’en est-il des valorisations ?

Les menaces de droits de douane par le président Trump ont provoqué une forte correction sur les marchés actions à l’échelle mondiale, et l’Allemagne n’y a pas échappé. Dans un contexte d’actualité mouvant, nous anticipons encore de la volatilité dans les jours et semaines à venir. Néanmoins, même après cette correction, le marché allemand reste selon nous plus attractif que celui des États-Unis : le DAX se négocie autour de 13,6 fois les bénéfices estimés pour 2025, contre 19,2 fois pour le S&P 500. Ces valorisations plus faibles offrent de nouvelles opportunités selon nous. Bien sûr, il faudra surveiller l’impact concret des droits de douane sur les résultats des entreprises. Aujourd’hui, le marché n’offre pas suffisamment de décote en cas de récession. Auquel cas, il sera nécessaire d’ajuster le beta des expositions afin de limiter l’impact d’un possible repli des valorisations sur certains segments.

Quel sera l’impact de ces droits de douane sur les entreprises allemandes ?

L’économie allemande, très tournée vers l’export, ne pourra pas éviter les conséquences négatives d’une guerre commerciale initiée par les États- Unis. Le coût des droits de douane pourrait imputer 0.9% à la croissance en 2026, annulant en partie les effets positifs du stimulus fiscal. Les entreprises les plus exportatrices, notamment dans l’automobile, sont particulièrement mises sous pression. Nous observerons avec attention comment elles ajusteront leur production. Des négociations pourraient aboutir à un allègement des droits de douane. Dans ce contexte, nous pensons qu‘il faut privilégier les sociétés avec un fort pouvoir de fixation des prix, capables de répercuter une partie des coûts supplémentaires sur leurs clients. Le plan de relance allemand jouera un rôle de stabilisateur important, notamment pour les secteurs de la défense et des infrastructures. Il apparait donc déterminant dans ce climat mondial complexe. À plus long terme, nous anticipons une poursuite des flux de capitaux vers l’Europe et l’Allemagne. L’incertitude mondiale, l’inflation élevée et le ralentissement de l’économie américaine pourraient encourager les investisseurs à se détourner des États-Unis au profit du vieux continent.

Quels secteurs ou segments du marché allemand attirent particulièrement les investisseurs ?

Évidemment, les valeurs de la défense sont recherchées en période d’augmentation des budgets militaires. Ce secteur continue de se négocier avec une prime par rapport au marché global. À plus long terme, la hausse continue des budgets militaires en Europe jouera en faveur de ces entreprises. Il faut rappeler que l’Europe accuse un sous-investissement de près de 2 000 milliards de dollars dans le secteur de la défense depuis la fin de la guerre froide. Si les dépenses devaient atteindre 3 % du PIB européen, cela représenterait une augmentation de 50 % entre 2024 et 2030 — soit environ 700 milliards de dollars cumulés, voire jusqu’à 1 400 milliards si l’objectif montait à 4 %. Ce réarmement stratégique se concentrera principalement sur l’équipement, qui devrait à terme représenter 50 % des budgets, plutôt que sur les effectifs. Cela implique une forte accélération des dépenses d’investissement (capex). Un point clé réside dans le mode de financement : les États préfinancent les projets, ce qui permet aux entreprises du secteur d’enregistrer des flux de trésorerie positifs dès le démarrage, alors même que le déploiement des capex s’étale sur plusieurs années. C’est un atout considérable pour la visibilité des revenus, et cela justifie, selon nous, une revalorisation du secteur vers des multiples de type 20x les bénéfices à 12 mois glissants, à l’image d’autres segments bénéficiant de cash flows stables et prévisibles.

Quant au plan de 500 milliards pour les infrastructures, il pourrait fortement dynamiser le secteur de la construction dans les prochaines années. Cet élan bénéficiera non seulement aux entreprises du BTP, en particulier ceux qui sont dans le secteur du génie civil, mais aussi aux fabricants de matériaux de construction et de produits chimiques. Les groupes industriels qui fabriquent des équipements pour les réseaux électriques, comme les transformateurs ou les systèmes IT, profiteront aussi de cette dynamique. La digitalisation de l’Allemagne devrait également se poursuivre. Les valeurs moyennes du MDAX, plus axées sur la demande intérieure que les grandes valeurs exportatrices du DAX, sont à suivre. Il est aussi essentiel que le climat commercial se stabilise et que les investissements soient rapidement et efficacement dirigés vers les bons secteurs. En parallèle, l’administration allemande doit également se moderniser et réduire la bureaucratie. C’est la condition sine qua non pour que les fonds investis soient utilisés efficacement.

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