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Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer, ODDO BHF SE.

L’ampleur des droits de douane annoncés par le président Trump le 2 avril 2025 fut une très mauvaise surprise pour les acteurs du marché. Ces derniers anticipaient certes une hausse conséquente des taxes à l’importation, de juste en dessous de 3 % précédemment à 11 % après le discours du président. L’augmentation fut en fait radicale, avec une moyenne de 23 %.

Trump affirme, à tort, que cette hausse des tarifs douaniers permettra de générer des revenus pour les États-Unis en taxant les pays exportateurs. En fait, du point de vue économique, les droits de douane agissent comme une taxe sur les consommateurs du pays importateur, en l’occurrence américains. Avant l’annonce du 2 avril, nous anticipions que les surtaxes douanières entraînerait une hausse de l’inflation d’au moins 1 % aux États-Unis ; aujourd’hui nous pensons qu’elle sera plus proche de 2 %. Nous anticipons également une contraction d’environ 1 % du produit intérieur brut américain. La probabilité d’une récession aux États-Unis au cours des 12 prochains mois atteint désormais 40 % (source : modèle de prévision de la Réserve fédérale américaine).

L’incertitude créée par cette politique tarifaire est particulièrement délétère pour les marchés financiers. Trump affirme qu’il décide « à l’instinct ». Sa politique économique est aussi imprévisible que son humeur. Le résultat : une incertitude extrême pour les entreprises, les consommateurs et les investisseurs. L’indice VIX (Chicago Board Options Exchange Volatility Index) qui mesure la volatilité des indices boursiers américains, s’est envolé à plus de 50 % suite à des baisses conséquentes des cours. Lundi 7, le Dax a temporairement perdu plus de 10 %. D’autres indices, à l’instar du S&P 500, ont également subi de lourdes pertes. La volatilité atteint des niveaux semblables à ceux enregistrés lors de la pandémie en 2020 ou d’autres chocs importants au cours des 30 dernières années (voir graphique ci-dessous).

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Source : Bloomberg, période du 31.03.1995 au 08.04.2025 ; Les indices de volatilité mesurent la volatilité implicite d’un indice (ici le S&P 500) c’est-à-dire les attentes du marché en temps réel quant à la volatilité au cours des 30 prochains jours.

Légende : Crise russe, bulle Internet, crise financière mondiale, baisse de la note des États-Unis/crise des dettes souveraines de la zone euro, vote du Brexit, pandémie de Covid-19, hausse des droits de douane américains.

« Soyez avide lorsque les autres sont craintifs et craintif lorsque les autres sont avides » : cette citation du légendaire investisseur Warren Buffett suggère qu’en période de volatilité accrue, il est souvent judicieux de ne pas vendre ses actions, mais au contraire d’en acheter de manière sélective. Selon nos calculs, les marchés boursiers, sur la base de l’indice S&P 500, ont vu des hausses moyennes plus importantes sur les douze mois qui ont suivi une augmentation de la volatilité à au moins 30 % qu’à d’autres périodes. Notre analyse montre que la citation de Buffet ci-dessus reflète la réalité : en période de stress et de forte volatilité, la baisse des cours boursiers génère des opportunités de placement pour les investisseurs à long terme, à condition d’avoir une certaine tolérance au risque. Ce fut certainement le cas lors de la crise financière mondiale de 2008-2009 et de la pandémie de Covid-19. Seul le temps nous dira si la crise actuelle suivra le même schéma.

La politique économique du président Trump a pour conséquence une augmentation important du risque systémique. La question est de savoir si les tarifs douaniers annoncés plongeront l’économie mondiale dans la récession ou ne feront que ralentir sa croissance. Cela dépendra en grande partie de la capacité de Trump à maintenir le cap de sa politique radicale. Les pays du monde entier oscillent entre la posture de l’UE, qui cherche à négocier une réduction des droits de douane, et celle de la Chine, qui tente de forcer les États-Unis à céder par des contre-attaques musclées.

Ces surtaxes douanières menacent les chaînes d’approvisionnement globalisées et augmentent la pression inflationnaire aux États-Unis. La combinaison de ces deux facteurs jette un froid sur les perspectives de croissance. Jusqu’à présent, aucun président américain n’avait adopté une stratégie économique à long terme qui nuise aux consommateurs et aux travailleurs américains. Il est impossible de prédire avec certitude comment la situation évoluera. Le 9 avril 2025, Trump a annoncé une suspension des surtaxes douanières pour 90 jours, ainsi qu’une nouvelle augmentation des surtaxes sur les produits chinois, qui cumulent désormais à 125 %. Les bourses ont bondi en réaction à ce revirement de la politique du président. Compte tenu des risques qui persistent, nous poursuivons notre stratégie de diversification géographique. Alors que les actions américaines pèsent pour plus de 70 % dans l’indice boursier MSCI World, la pondération des États-Unis dans nos portefeuilles est actuellement d’environ 50 %, à peu près au même niveau que notre exposition aux actions européennes.

La Suisse est également une option intéressante. Le franc suisse a souvent servi de valeur refuge en période de turbulence. En outre, la Bourse de Zurich recèle de nombreuses entreprises à la croissance solide qui devraient bénéficier d’un franc plus fort. Notre expérience montre que, malgré les risques inhérents à cette période de turbulence accrue, il existe toujours des opportunités. Nous comptons bien les saisir de manière ciblée et disciplinée.

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